GrÂce à la Chine, une éventuelle récession américaine ne devrait pas causer de crise à l'échelle mondiale. Les pays émergents asiatiques devraient cependant orienter leur croissance en la basant davantage sur leur propre consommation interne que sur l'exportation. Pendant longtemps, les économistes ont prévenu des risques encourus par le globe. L'économie mondiale ne pouvait pas continuer à compter sur la seule locomotive américaine. Un monomoteur court plus le risque de se crasher. Avec son marché de l'immobilier et la baisse continue de la confiance des consommateurs, les Etats-Unis courent un risque de récession de plus en plus important. La bonne nouvelle, cependant, c'est que le monde fonctionne également avec d'autres locomotives qui sont la Chine et les pays émergents. Même avec le bouleversement des marchés financiers, les pays qui dépendent le moins des Etats-Unis ont plus de chance d'y échapper. La puissance de cette nouvelle locomotive effraye quelque peu. Des années durant, les pays émergents devaient leur dynamisme à la croissance mondiale des Etats-Unis. Cette année, la Chine à elle seule, réalisera le même exploit, à taux de change courant, même si la croissance américaine a décroché. Les dépenses des ménages américains sont quatre fois supérieures à celles des Chinois et Indiens confondus, mais ce qui importe pour la croissance mondiale c'est ce que l'excédent des dépenses génère chaque année. Durant les six premiers mois de l'année 2007, la croissance des dépenses des consommateurs, en dollars courants, en Chine et en Inde, a plus contribué à la croissance mondiale que ne l'a fait la croissance américaine. Naturellement, cette donne qui parait avantageuse a aussi son revers. Une récession en Chine aurait aujourd'hui des conséquences à l'échelle mondiale beaucoup plus sévères qu'elle n'aurait eues auparavant, et l'économie chinoise montre des signes de faiblesse. Mais elle ne semble pas avoir de graves problèmes pour les prochaines années, alors que les Etats-Unis risquent de montrer des signes de faiblesse. Si la Chine peut continuer à enregistrer une forte croissance, elle sera d'un sérieux soutien pour la bonne santé de l'économie mondiale. Naturellement, si les Etats-Unis sombrent dans la récession, alors les exportations asiatiques faibliront. Mais cela ne devrait pas trop réduire la croissance de leur PIB parce que d'autres facteurs devraient aider à en atténuer l'impact négatif. Le fait que la Chine et la plupart des autres économies émergentes asiatiques exportent maintenant davantage vers l'Union européenne que vers les Etats-Unis y est l'un desdits facteurs. Les exportations chinoises vers d'autres économies émergentes se développent encore plus rapidement. Un autre facteur, c'est que les dépenses internes ont considérablement augmenté et sont susceptibles de rester fortes : La Chine, ainsi la majeure partie des pays asiatiques, font partie des rares régions du monde à être à l'abri de la bulle immobilière. Si les économies asiatiques commencent à faiblir, leurs gouvernements ont une certaine capacité à les soutenir et les doper. La plupart d'entre elles, exceptée l'Inde, ont de faibles déficits budgétaires, certains même ont des excédents. Ainsi, si les exportations s'effondrent, les gouvernements ont également la possibilité de soutenir la demande interne, notamment en lançant de grands travaux. Les cours de matières premières, également, continueront à hausser sous l'effet du poids de plus en plus important des économies émergentes. On estime qu'en cas de récession aux Etats-Unis, les prix de plusieurs biens devraient baisser, comme le pétrole. Mais, les pays asiatiques émergents pèsent pour deux tiers dans la croissance de la demande énergétique mondiale durant les cinq dernières années. Alors si les économies asiatiques continuent d'être fortes, les prix des biens resteront élevés également, et la production des biens par d'autres pays émergents tels que le Brésil, la Russie et le Moyen Orient également devront continuer à augmenter. Les pays émergents d'Asie ne pourront continuer à garder leur bonne tenue si les Etats-Unis entraient dans une récession. La croissance de l'économie mondiale devrait baisser, et en réalité, ce serait presque nécessaire. Mais l'Asie peut servir de véritable locomotive à cette économie mondiale. En fait, une faible récession de l'économie américaine pourrait même servir l'Asie à long terme si elle pousse les gouvernements à faire passer leur économie d'une croissance par l'exportation à une croissance par la consommation et par conséquent à rendre plus durable cette progression du PIB. Il n'y a pas très longtemps, les pays riches considéraient les économies émergentes comme risquées et instables. Cette vision devrait changer : les économies émergentes ressemblent actuellement à une force incontournable pour stabiliser l'économie mondiale. Traduction : Mar Bassine Ndiaye Cet article paraît à la même date dans la Gazette du Maroc et The Economist The Economist Newspaper Limited, London, 2007.