Film à suspens, récit statique avec plaidoiries, machination, vraies-fausses déclarations, le tout dans une narration à plusieurs niveaux où le sens de l'arnaque est omniprésent. Ce n'est pas un mythe, mais Anthony Hopkins, même très bancal, demeure excellent. À lui seul, il peut générer l'atmosphère lugubre et noire de ce huis-clos autour d'un homme qui tue sa femme parce qu'elle couche avec un autre. Il exécute son crime, l'avoue et demande à la justice de le prouver. Dans ce va-et-vient, ce jeu de pistes, Grégory Hoblit, déjà auteur du haletant «Le témoin du mal», donne à son personnage principal, Ted Crawford, le mari cocu, la possibilité de tuer, avouer puis créer le grand retournement de situation. Et en face, on nous met un jeune loup aux crocs acérés, Willy Meatchum, jeune procureur avide, joué par un Ryan Gosling, assurément magnifique acteur. Le duo prend forme et le film se met sur les rails. Conventionnel, très prévisible, donnant dans le pur déjà vu, cette chronique d'un meurtre assumé et désavoué, suit des courbes certaines. Mais au bout de chaque extrémité, on ouvre un raccourci. C'est là tout l'intérêt de ce jeu de face à face entre deux caractères portés sur le défi. Un vieux technicien aguerri que plus rien n'étonne, surtout pas les coucheries de sa femme et sa détermination froide à la refroidir davantage et un jeune prétentieux, mais gros calibre instinctif. Les deux se livrent une lutte de mots et de guerre des nerfs, mais les deux filent vers des contrées reculées d'eux-mêmes. Là, encore Hoblit, laisse transparaître ses affinités pour les secrets des âmes. Tous paumés, tous voulant se racheter, mais où est le chemin de la rédemption. Presque un réquisitoire judiciaire contre et pour la justice, Fracture où la faille (le titre en anglais est plus percutant), joue avec les acquis et les principes de la morale ambiante. Un crime peut être parfait, le vieil époux blessé avait-il le droit d'appuyer sur la gâchette, et le jeune procureur pouvait-il se substituer, un seul instant, à cette perdition des sens de son aîné ? De quel côté est la vérité ? Pas au tribunal où les pastiches des plaidoiries ne livrent que la daube habituelle sur le sens du crime et du châtiment. Mais au-delà, dans les jeux de miroir et les monologues à partenaires, chacun se livre à lui-même, sans fard, sans enjolivures. Et comme dans Peur primale, un autre film de prétoire, qui a révélé Edward Norton, la vérité est toujours là où on l'attend le moins. Ou alors là où nous l'avons trop attendu, pour y perdre sa foi. Sans être un grand opus sur le sens de la justice, ce huis- clos entre meurtre et chemin de croix, a le mérite de lever quelques voiles sur des questions, justement primales, du genre : et si l'impulsion était à la source de mes actes, quelle est la part de la volonté et du pouvoir de soi ? Et surtout le déballage dans les prétoires est toujours un artifice doublé d'une mascarade des états d'esprit de ceux qui sont jugés. L'inversion des rôles entre bien et mal est coutumière au cinéma de Hoblit, avec naïveté certes, mais il a raison de se dire que peut-être l'humain est tellement fuyant, qu'il faut cesser de le chercher. Réalisé par Gregory Hoblit Avec Anthony Hopkins, Ryan Gosling, David Strathairn, Rosamund Pike, Embeth Davidtz, Billy Burke, Cliff Curtis, Fiona Shaw, Bob Gunton, Josh Stamberg, ...