Les coups de grâce se répètent et se ressemblent : les pays qui comptent ne croient plus à l'indépendance du Sahara, d'autres jugent la proposition marocaine sur l'autonomie crédible et sérieuse. Serait-on à la veille d'une solution à un conflit qui n'a que trop duré ? Processus. C'est lundi que se réunit le Conseil de sécurité pour adopter une résolution sur la question du Sahara. Une réunion très attendue, aussi bien par la communauté internationale que par les parties concernées. Les unes plus que d'autres. Lasse d'un conflit qui dure depuis bien trois décennies, la communauté internationale espère bien mettre un terme au dossier, somme toute monté de toute pièce et qui plus est, hérité d'une époque révolue. Des signes, sinon déterminants, du moins encourageants, laissent croire que la page sera tournée. Pour l'heure, il est écrit que le Secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, qui avait présenté, le 16 avril courant, aux membres du Conseil un rapport sur la question, sera réconforté dans sa recommandation de «prorogation du mandat de la MINURSO jusqu'au 31 octobre prochain». Dans le droit fil de la solution concertée, il avait également appelé «les parties concernées à entamer des négociations pour parvenir à une solution politique et mutuellement acceptable». Processus Mais, le ton est déjà donné. Souvent réticents à se prononcer clairement sur la question, les Etats-Unis d'Amérique ont été des plus clairs en soutenant ouvertement et diplomatiquement la proposition du Maroc sur l'autonomie au Sahara. Qualifiée de «responsable et sérieuse», la proposition marocaine a réussi à faire sortir les USA de leur «isolationnisme», voilé certes, qui a pourtant toujours prévalu en la matière. Depuis un certain temps, nombre d'observateurs notent que la vapeur a tourné et bien des responsables, et pas des moindres, manifestent leur approbation. Dernière démarche en date, la lettre de plusieurs congressmen américains au président Georges Bush. Un tournant, d'autant plus remarquable, qui survient en moins de 48 heures après la déclaration d'un membre de l'exécutif américain. Gordon Gray, sous secrétaire d'Etat chargé du Maghreb et du Moyen-Orient, a réaffirmé mardi 24 avril 2007 la position déjà exprimée par Nicholas Burns, deux semaines plus tôt. Presque littéralement. Effectivement, pour la deuxième fois depuis début avril, les USA trouvent que l'Initiative marocaine pour la négociation d'un statut d'autonomie au Sahara est «sérieuse et responsable» pour le règlement de la question du Sahara qui «n'a que trop duré». «Le Maroc a présenté, après plusieurs mois de préparation et de travail, une initiative que nous avons étudiée et que nous jugeons sérieuse et responsable», a souligné M. Gordon Gray. Et d'ajouter: «ce qui est essentiel à ce sujet, c'est de parvenir à une solution à cette question, selon une méthode qui tienne compte de l'autodétermination et que les deux parties jugent conforme à leurs intérêts», en soulignant que «l'autodétermination ne signifie pas nécessairement indépendance». Le responsable américain a, par ailleurs, affirmé que le gouvernement algérien convient avec «nous que les négociations directes sont la voie appropriée pour résoudre le problème». Le Maroc affirme, pour sa part, qu'il a élaboré une proposition et une initiative, qu'il va proposer au débat. En fait le pourquoi du désarroi algérien: d'une part, sa diplomatie a sûrement remarqué que le rapport du SG des Nations Unies a adopté le même «angle d'attaque», d'autre part, Alger est explicitement citée en tant que partie prenante du problème. La première puissance mondiale l'invite donc à faire partie de la solution, au lieu de faire perdurer le conflit. Après l'exécutif, le législatif. Un accord qui aura son pesant diplomatique, on en doute. Environ 170 membres de la Chambre des Représentants américaine, presque la moitié, ont uni leurs voix pour appeler le président américain à adopter la proposition d'autonomie qui, disent-ils, «fournit un cadre réaliste pour une solution politique négociée» au conflit du Sahara. «La proposition d'autonomie marocaine représente une opportunité historique pour les Etats-Unis, d'aider à la résolution de ce problème et de promouvoir un meilleur avenir pour la région entière», ont notamment souligné les congressmen représentant les deux partis, Républicain et Démocrate. Unanimité La lettre a ceci de fort, qu'elle émane de membres tout aussi influents. Parmi les signataires, figurent quasiment tous les leaders du Congrès, y compris le Chef de la Majorité de la Chambre des Représentants, Steny Hoyer, le chef de file des Républicains, John Boehner, et l'ancien Président de la Chambre, Dennis Hastert. Aussi, plus de 60 % sont des présidents de commissions, des membres influents de la minorité républicaine de commissions et sous-commissions clés et des dirigeants élus au sein de la chambre. Parmi les supporters clés de l'initiative marocaine, figurent le Président de la Commission des Affaires étrangères, Tom Lantos, et la membre républicaine de haut rang de cette Commission, Ileana Ros-Lehtinen, le Président et le vice-président du Caucus Démocrate, Rahm Emanuel et John B. Larson, le numéro 2 des Républicains de la Chambre, Roy Blunt, le Président de la Conférence des Membres Républicains, Adam Putnam, le Président de la Commission sur la Politique Républicaine de la Chambre, Thaddeus McCotter, ainsi que les initiateurs de la lettre, le Président du Caucus Maroc, Lincoln Diaz-Balart, et le Président de la sous-commission sur le Moyen-Orient et l'Asie du Sud de la Chambre, Gary Ackerman. Un tournant pour une grande puissance mondiale qui ne manquera pas d'influer sur la position du conseil de sécurité. En fait, les Etats-Unis d'Amérique ne sont pas les seuls à entamer ce tournant. Notre voisin ibérique, défend à sa manière la position marocaine : Angel Morations, le chef de sa diplomatie a rappelé devant le Congres que «l'autodétermination ne veut pas dire indépendance». Même son de cloche chez Peter Van Walsum, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara. Lors d'une conférence de presse, tenue au siège de l'ONU et à la BBC à propos de la signification et de la finalité qu'il convient de donner au concept de l'autodétermination, Walsum a clairement signifié que ce principe «ne doit pas conduire nécessairement à l'indépendance» ! Des Nations Unies aux Etats-Unis, en passant par l'Espagne, personne ne croit plus à l'indépendance. C'est l'autre face de la réplique à Alger, qui a selon M. Walsum «joué un rôle prééminent et dominant, et ce, depuis 1975 dans ce dossier». Autrement, le monde ne peut être éternellement otage des desseins hégémoniques du voisin de l'Est.