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Algérie : Retour du parti unique
Publié dans La Gazette du Maroc le 16 - 04 - 2007

Le président Bouteflika a, depuis le début de son 2ème mandat, tout fait afin que le FLN devienne son propre instrument politique qu'il utilisera pour raser ses contestataires, accompagner ses décisions et réaliser ses ambitions aussi bien politique qu'économique. Récit d'une nouvelle aventure.
Avant même de recevoir le premier rapport portant sur les conséquences de l'attentat qui a visé, mercredi dernier, le Palais du gouvernement, le Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, s'est contenté de déclarer que : «les élections législatives prévues le mardi 17 avril prochain seront maintenues à la date fixée». Quelques heures plus tard, le même Belkhadem a laissé entendre devant quelques journalistes, suite à la réunion par le chef de l'Etat de tous les responsables du pays, que ce dernier a fait savoir qu'il ne sera pas intimidé par cet horrible attentat et que la date des élections ne sera jamais reportée. Cette «étrange» détermination a poussé certains observateurs à Alger à s'interroger sur l'existence d'un quelconque lien entre cet attentat et l'échéance électorale. Ce qui a, par la suite, obligé Belkhadem à se rattraper en déclarant au Journal télévisé de 20 heures, que «le président de la République a pris des mesures parlant du terrorisme». Et d'ajouter : «ces attentats n'auront aucun impact sur ce rendez-vous électoral». Il concède, en revanche, qu'il pourrait avoir des répercussions économiques négatives au regard des partenaires étrangers. Cette dernière phrase a crée un tollé chez le ministre des Finances, Mourad Medelci, et celui des privatisations, Abdelhamid
Temmar, qui sont allés tous les deux se plaindre auprès de Bouteflika.
Dans cette foulée, force est de noter que les Algériens montraient avant ces attentats une nette indifférence à l'égard des élections législatives. Pour Hafid Ibrahimi, étudiant de Droit à l'université d'Alger, «cette échéance est une nouvelle mise en scène du pouvoir. Les résultats sont connus d'avance. C'est le FLN de Bouteflika et non de son secrétaire général, Belkhadem, qui va certainement faire un raz-de-marée. Les partis d'opposition ont été rasés depuis les dernières élections, tandis que ceux qui jouent le jeu, comme le parti de Saïd Sâadi ou de Louisa Hannoune, ils sont là pour compléter le décor multipartiste», conclut cet universitaire. Dans les milieux des intellectuels, on tient à évoquer le «mercato politique» des législatives. Alors que dans les quartiers populaires de la capitale où le nombre des «haïtistes» est fortement remarqué à la tombée de la nuit, les jeunes des mieux avisés dont certains d'entre eux travaillent dans l'administration, l'enseignement ou même dans des banques publiques, estiment que les députés version 2007 seront une copie de leurs prédécesseurs. En d'autres termes, des rentiers voire des voleurs. «Il y a aujourd'hui trop d'argent avec le prix du baril à 65 $ et les revenus du gaz qui quadruple depuis trois ans», commente, Abderrahim, un cadre de la Sonatrach qui a préféré ne pas divulguer son nom de famille. Il insista, par contre, à faire savoir qu'il n'est pas d'Alger et qu'il est de passage chez une cousine lointaine. Cette chasse à la richesse à travers ces élections, où la corruption tient le haut du pavé et où tous les coups sont permis, a révélé l'ampleur de la lutte acharnée au sein du FLN pour être sur les listes
électorales. De sources concordantes, on apprend que le dernier carré du président Bouteflika, supervisé par son frère Saïd, était le passage obligé pour tous ceux qui voulaient être sur la liste du parti. Ces derniers, montrent qu'ils étaient prêts à tout, y compris la participation à la purge annoncée par le secrétaire général, Belkhadem. Ce dernier, qui joue jusque-là le rôle du fidèle parmi les fidèles. A cet égard, un des proches collaborateurs au Palais d'El Mouradia, affirme qu'après ces élections, l'actuel Premier ministre sera remercié, même s'il aura une meilleure sortie que son prédécesseur Ahmed Ouyahia. Bouteflika va lui sortir, en une seule fois, ses erreurs et ses échecs depuis son arrivée à la Primature. Certains observateurs n'excluent pas qu'il va même lui faire porter le chapeau des derniers attentats qui avaient visé le
Palais du gouvernement. Dans ce cadre, ces mêmes observateurs affirment que Bouteflika lui avait demandé, à plusieurs reprises, de prendre les mesures sécuritaires nécessaires pour empêcher d'éventuels attentats, notamment après le lancement d'Al Qaïda dans les pays du Maghreb. Il semble que ses mauvaises relations avec le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avaient retardé l'exécution des consignes présidentielles. De ce fait, il faut que les responsables payent le prix après les élections du 17 avril prochain. Ils sont nombreux, d'autant que ça changera aussi bien de têtes que de paysage politique.Si 19 ministres sur 39 sont candidats, ce qui montre que tout un gouvernement est en campagne, l'écartement du Premier ministre, Abdelaziz Belkhadem, et le président du Parlement, Ammar Sâadani, de la compétition, laisse plus d'un point d'interrogation. Le secrétaire général du FLN, également actuel Premier ministre, n'a pu justifier cette privation qu'en disant que le «dernier mot revient au président Bouteflika qui est aussi le président d'honneur du FLN». Certains rapportent de la bouche du ministre de l'Intérieur, véritable homme de confiance du chef de l'Etat algérien, que cet éloignement est intervenu après la vague de mécontentements qui avait prévalu au sein du FLN dans certaines wilayas, notamment après les parachutages des ministres et la consolidation des positions de plusieurs «députés éternels». Yazid Zerhouni a fait comprendre que le Président Bouteflika était fortement contrarié, lorsqu'on lui avait transmis les propos de son Premier ministre et patron exécutif du nouveau parti unique. Ce dernier, dit-on, aurait admis que la formation du FLN n'est pas indemne du commerce des sièges et des voix. Ce qui a, d'autre part, fortement inquiété la société algérienne quant à l'avenir de la démocratie dans le pays.
Pour se racheter, Belkhadem a menacé de purger les rangs du FLN.
De plus, il s'est attaqué à la presse dont une partie joue, selon lui, le jeu des étrangers, ennemis du pays. D'emblée, le secrétaire général du parti, qui voudrait redevenir l'unique du pays, n'hésite pas à répéter que lors des prochaines élections législatives, notre parti historique ne fera pas un raz-de marée, mais l'Algérie assistera à un «tsunami FLN». Et à Belkhadem de pousser le bouchon encore plus loin en lançant : «le FLN est le plus fort». Propos qui ont choqué d'anciens militants et ténors du parti, tel que l'ancien secrétaire général, Abdelhamid Mehri, qui bénéficie de beaucoup de respect chez les membres de cette formation. Pour rectifier le tir concernant ses précédentes justifications de l'enrichissement et la corruption politique, le chef exécutif du Front de Libération Nationale a, sur un ton menaçant, rappelé aux candidats qu'il est inadmissible que des personnes continuent à faire leur beurre aux dépens du parti. Cet appel est resté apparemment lettre morte car nombreux sont ceux parmi ces candidats qui sont protégés, soit par la présidence soit par l'appareil militaire. Ce dernier qui, à quelques jours de cette échéance électorale, reste de marbre face à la bouillabaisse que prépare Bouteflika et ses hommes. D'après deux diplomates occidentaux en poste à Alger, l'armée laisse maintenant le temps au temps. C'est pour cette raison qu'elle ferme relativement les yeux sur la tentative de main mise totale sur le parti par Bouteflika. Les derniers attentats devraient impliquer à nouveau la Grande muette dans les affaires quotidiennes du pouvoir, y compris le champ politique. Ce que craignait le président de la République qui avait misé sur le projet de réconciliation nationale avec les groupes islamiques et islamistes. Un projet que les responsables des différents services et branches de l'institution militaire n'appréciaient pas, et, par là, attendaient l'occasion pour prouver que Bouteflika a commis une erreur monumentale. Aujourd'hui, les attentats d'Alger leur donnent raison.
Crises et argent
Bouteflika a, dès son deuxième mandat, mis en place une stratégie visant, d'une part, à raser les véritables partis d'oppositions, et de l'autre, éloigner leur leaders de la scène politique. Objectif atteint, il s'est retourné vers ses alliés de circonstance dans le but de les affaiblir avant de les écarter définitivement de la scène. C'est le cas du Rassemblement national démocratique (RND) de
l'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ainsi que de celui d'Abdallah Djaballah, qui fait actuellement face à une rébellion interne récurrente, encouragée par le ministère de l'Intérieur. Idem pour le ministre, Boujerra Soltani, patron du MSP, qui a été sauvé miraculeusement du naufrage au moment où tous les observateurs étaient unanimes sur des changements imminents suite auxquels la tête de Soltani tombera. Dans ce même ordre d'idée, de raviver les mécontentements et les crises au sein des partis politiques adverses, Bouteflika a facilité, par différents moyens, la contagion de la fronde qui a fini par gagner presque tous les partis : FFS de Hussein Aït Ahmed, le RCD de Saïd Saâdi et le mouvement d'Annahda où la crise a atteint un point de non retour avec l'éviction de Djaballah. Pour ce qui est du RND, le vent de contestation, monté de toutes pièces par les services de Bouteflika, a vite été étouffé dans l'œuf, notamment après l'intervention de la Sécurité militaire qui protégeait ce parti et son patron. Tout ce qui intéresse les Algériens dans ce processus électoral, c'est de savoir plus sur l'origine des ressources financières qu'utilisent les formations politiques. Ces dernières qui s'abstiennent toujours de répondre aux interrogations des citoyens, qui n'ont aucune préoccupation que de savoir qui soutient financièrement ces partis et ces hommes politiques.
Le manque de transparence est de mise dans cette campagne électorale, malgré l'article 27 de la loi, précisant que les revenus des partis doivent être constitués de cotisations de ses membres, de dons, legs et libéralité ainsi que des aides individuelles.
Des enquêtes menées par des centres européens spécialisés, montrent que l'argent sale de certains gros bonnets des trabendos, participe au financement des dizaines de candidats dans les wilayas. Quant au financement du FLN, les observateurs s'accordent à confirmer, qu'il provient plus particulièrement des caisses noires de l'Etat, plus précisément de ceux du ministère de l'Intérieur. On n'exclut pas, par ailleurs, les montants qui affluent des hommes d'affaires algériens, qui décrochent la majorité des marchés publics.
Tous ces indices montrent que le FLN redeviendra après les élections du mardi 17 avril, le parti unique de l'Algérie, malgré la présence de quelques formations pour amuser la galerie.
Cependant, il faut suivre maintenant de près les réactions qui pourraient émaner des proches de l'armée.


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