Gabon. La campagne pour la présidentielle est ouverte    L'industrie égyptienne du carrelage affectée par la dernière crise commerciale avec le Maroc    Vers la création de la Banque africaine de l'énergie    Namibie. Modeste reprise de la croissance économique    Le miroir de l'Histoire-Donald Trump sur les traces de James Buchanan et Herbert Hoover : le déni de Dwight Eisenhower et Ronald Reagan    L'Alliance des Etats du Sahel établit un droit de douane commun    Somalie. Les Etats-Unis ont le contrôle exclusif des bases aériennes et des ports.    Pardon et réconciliation au Niger, libération d'anciens hauts responsables politiques et militaires    Soulaiman Raissouni, de l'hostilité envers la patrie à l'antisémitisme    Un Festival pour promouvoir la cuisine ivoirienne    Un PL sur l'enseignement scolaire au menu du Conseil de gouvernement    Tamwilcom : Plus de 47,5 MMDH de financements en 2024    Echanges extérieurs à la loupe: Entre importations croissantes et exportations en retraite    Trump menace Harvard de priver l'université de 9 milliards de dollars de subventions fédérales    Royaume-Uni : Le roi Charles reprend ses fonctions publiques après un traitement contre le cancer    Birmanie : le bilan du séisme dépasse les 2 700 morts    LdC de la CAF: Les Pyramids égyptiens battent les FAR (4-1)    Union Saint-Gilloise : Sofiane Boufal absent pendant plusieurs semaines    Le Maroc revient à GMT+1 dès ce dimanche 6 avril    Près de 44.000 réclamations contre les administrations publiques reçues en 2025    Le Festival "On Marche" revient pour une 18è édition    A Rome, l'artisanat marocain marque de son estampille la plus grande mosquée d'Europe    Accidents de la circulation : 19 morts et 3.002 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Droits de douane: que signifie la réciprocité voulue par Donald Trump?    Les Forces Armées Royales... Un œil vigilant pour protéger les frontières du Maroc    Equipe nationale : Regragui, out? Simple fake news!    Ligue 1 : Hakimi et Ben Seghir en lice pour le prix Marc-Vivien Foé    1⁄2 Finale. Coupa del Rey / Ce mardi, Real Madrid-Real Sociedad: Horaire? Chaînes?    6e Conférence Franco-Marocaine des Notaires : investir au Maroc en toute sécurité    Comment soumettre l'ennemi algérien sans combattre    Aïd al-Fitr : Attention aux excès alimentaires après le jeûne !    Ligue 1: Hakimi y Ben Seghir en carrera por el premio Marc-Vivien Foé    Francia: François Bayrou da marcha atrás sobre la prohibición del velo en el deporte    Khénifra: El cuerpo de un niño hallado 13 días después de su ahogamiento en el Oum Er-Rbia    Education/Droits humains : Bourqia, Bouayach et Belkouch pour incarner la vision Royale    L'Algérie revendique l'abattage d'un drone malien Akinci    Tebboune revient sur ses pas face à la France malgré la reconnaissance de la marocanité du Sahara    Une chanson qui relie le passé au présent... Quand la voix de Hassan II rencontre les rythmes d'aujourd'hui    Lancement de "Visions Théâtres", nouvelle revue scientifique spécialisée dans la pratique théâtrale    Zineb Hattab : première cheffe végane étoilée en Suisse, une révolution gastronomique    Muay Thai : deux combattants marocains en lice lors du ONE Fight Night 30 à Bangkok    Le «Kruzenshtern» russe en escale à Agadir du 2 au 4 avril    L'or délaissé par les ménages marocains, victime de sa récente envolée fulgurante    Maroc : nouvelles exigences d'homologation et d'étiquetage pour les équipements télécoms bientôt en vigueur    Accords migratoires UE-Maroc : Bruxelles examine le 7 avril sa coopération avec Rabat sur les retours et la gestion des flux    Des vestiges vieux de 3 000 ans, découvert à Kach Kouch au Maroc, réécrivent l'histoire du Maghreb    CAN U17 : L'Afrique du Sud renverse l'Egypte au bout d'un match à 7 buts !    Maroc – Algérie : Après la bataille Wikipédia, l'affrontement numérique via Grok sur X    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Patrimoine architectural de Casablanca : Michel Ecochard : les assises d'une ville moderne
Publié dans La Gazette du Maroc le 02 - 04 - 2007

Comme nous l'avons vu lors du dernier numéro de LGM, le travail entrepris à Casablanca par Ecochard s'inscrit dans une certaine conception de l'urbanisme. Une approche de type évolutionniste, éminemment liée au concept de modernisation. Une vision qui se veut immédiatement, tout en misant sur la longévité, à la fois opérationnelle et applicable dans les villes du Tiers Monde. Comment ? En assurant des équipements urbains, mais plus particulièrement les équipements infrastructurels. Un pari sur l'avenir qui n'a pas eu la chance d'aboutir.
Michel Ecochard avait un plan bien défini pour Casablanca. Un plan, qui, selon, tous les témoignages de ses collaborateurs de l'époque, visait la mise en application de nombreux procédés urbanistiques qui feront de la ville à la fois un chantier d'expérimentation et aussi une ville d'avant-garde dans les pays arabes.
«Travailler à une trame d'équipements de la cité, quelle que soit son étape de croissance, cela reste l'aspect majeur de l'approche d'Ecochard. Dans ce que proposait Ecochard pour Casablanca, il y a une éthique générale et généreuse et une pratique technocratique agressive. Entre les deux, le pont était trop faible pour consacrer à terme le plan d'Ecochard.» Le constat est clair, Michel Ecochard avait des ambitions pour la ville, mais les gens de la ville ne pouvaient suivre les rêves d'un tel visionnaire. Dans un sens, on a pas cru que cela aurait pu être réalisable. Sans oublier un autre facteur crucial, c'est que l'urbaniste, dans le cadre de ses responsabilités, était en train d'opérer une mise à niveau entre urbanisme et aménagement du territoire. Et c'est simple : pour s'imprégner de la philosophie urbanistique de Michel Ecochard, il faut saisir l'importance que l'urbaniste donnait à la planification des voies de circulation. L'«urbanité» casablancaise, avec son caractère pléthorique, exprimé bien avant l'action d'Henri Prost, s'est traduite par un espace urbain éclaté. L'ayant néanmoins prévisualisé, Ecochard se risque à «penser» la fragmentation de l'espace, pour mieux l'organiser et en prévenir les problèmes dans le scénario d'une ville coloniale. Une lecture du temps et de l'espace très en avance par rapport à son époque et qui vaut à son auteur de nombreux problèmes sur la réalité du terrain. Nous sommes là devant son idée maîtresse, «l'idée directrice» de son plan d'urbanisme : l'application du zonage. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'Ecochard n'a fait qu'enrichir la conception prédéfinie par son prédécesseur, et ce, pour garder une ligne bien définie de la ville. Donc, face à cette tendance ségrégative que certains analystes appellent aussi «tendance spécialisée », le tissu urbain et social devait finir par trouver un terrain d'entente. Et malgré les problèmes, l'idée demeure dans l'urbanisme d'Ecochard, même si parallèlement il y a eu une avancée certaine de l'habitat social. Et aujourd'hui, l'idée du zonage a pris une tournure anarchique, hybride, en total déphasage avec ce que pouvait mettre en place Michel Ecochard.
De la ville
comme espace-temps
Deux grandes lignes dans le travail de Michel Ecochard au Maroc retiennent l'attention des grands spécialistes de l'urbanisme : d'abord la ségrégation spatiale et la hiérarchie sociale; ensuite les mouvements de modernisation par l'architecture. Autant dire une lecture de l'urbanisme comme composante politique, sociale et économique.
C'est cette nouveauté qui a fait peur à tant de responsables coloniaux de l'époque. Le bâtiment n'est plus un ensemble de constructions qui répond à des besoins, mais bel et bien des outils qui participent d'une politique globale. «Après l'indépendance politique obtenue en 1956, les migrations internationales des populations européenne et juive marocaine sont désormais inéluctables et irréversibles. Les villes du Maroc déplacent leur centre de gravité (ce que n'avait pas pris en compte l'aménagement d'Ecochard, puisque celui-ci travaillait sur une ville coloniale), et par là même, la ségrégation spatiale promue par l'urbanisme colonial va se transformer en ségrégation sociale promue par le niveau de vie». Nous sommes donc de plein fouet face à de nouveaux phénomènes urbains sous-tendus par le social et le politique. Comment gérer de telles problématiques? C'est simple, et le mouvement semblait couler de source: «Les Européens quittent définitivement les quartiers qui leur étaient proposés, et l'élite citadine marocaine les remplace dans ces logements d'un nouveau type». Suivent d'autres flux migratoires et d'autres déplacements comme celui des juifs marocains qui sont de plus en plus nombreux à émigrer et donc à vider le mellah et la vieille médina. Que se passe-il alors à cette période précise ? L'explosion des «bidonvillois» et des migrants ruraux qui s'entassent dans la médina jusqu'à la «taudification», ont définitivement condamné le cœur même de la ville de Casablanca. Et Michel Ecochard était conscient de cette évolution fatale qui pourrait détruire à jamais le visage de la ville puisque, ce qu'il faut aussi prendre en compte, c'est que parallèlement à ces mobilités multiples de population, le courant de l'exode rural prend de plus en plus d'importance. Un phénomène que rien ne pouvait arrêter à l'époque (et même aujourd'hui, la réflexion devant se porter sur l'évolution à très long terme d'une ville et non une vision à court terme !). Le paysage social de la ville s'ancre comme auparavant dans une hiérarchie d'habitat et de quartiers. Et ce que craignait Ecochard finit par avoir lieu : nous assistons à l'aube de l'indépendance du pays à ce que sera la ville plus tard : un espace séparé et presque étanche. Et les sources d'une telle situation sont à trouver dans l'idéologie car, le développement séparé des communautés durant le Protectorat relevait essentiellement d'une option politique. De ce fait, sur le terrain, cela se traduisait par un éclatement physique de la ville. Nous sommes devant un assemblage discontinu de quartiers plus ou moins achevés. Par la suite, l'économique entre en jeu, ce qui fait qu'à l'Indépendance, la mise en place d'un nouvel ordonnancement social au sein de la ville va finalement traduire une détermination toute économique. Il faut, par ailleurs souligner que cette transformation touche également les villes traditionnelles du Maroc. Le cas d'une cité historique comme Fès est à cet égard révélateur.
Ecochard-Prost : deux visions de l'espace
Deux hommes, deux grandes figures, deux approches différentes, deux architectures et deux réflexions sur l'espace qui auraient pu former un tout de grande intensité. Pourtant, d'une époque à l'autre, Casablanca a changé de visage. «Contrairement au Casablanca de Prost, celui d'Ecochard est ancré dans la durée, même si celle-ci s'inscrit dans une représentation du temps exogène et progressiste». Ce que nous propose ici J.P Frey de cette conception originale, ambitieuse de la polis du XXème siècle conçue pour une ville de développement colonial (dont on suppose implicitement la croissance forte et soutenue) allait être combattue par ceux même qui avaientt appelé l'urbaniste au chantier. Ecochard devait mettre un frein à ses conceptions d'un espace assujetti à l'impact du temps. Ne disait-il pas que « les cités sont faites pour s'agrandir, mais il leur faut des limites étudiées». La fin du travail d'Ecochard était prévisible à plus d'un titre, étant donné que sa vision ne pouvait plus cadrer avec les mercantilismes montants et surtout le manque de discernement de plusieurs responsables pour qui le patrimoine n'était pas une clef de développement. Et J.P Frey de continuer posant la question : «Les raisons de l'échec sont riches d'enseignements, confrontées au projet urbanistique en lui-même; les politiques urbaines qui en découlent, peuvent-elles se substituer à la politique globale, contrer la logique spéculative sur le foncier, et cadrer des pratiques urbaines «spontanées»?» L'échec marocain n'arrêtera pas le visionnaire Ecochard qui ira plus loin pour mettre en application ses techniques et surtout sa vision poétique de l'espace. Il poussera sa réflexion plus loin encore en systématisant cette approche de l'urbanisme dans une réflexion globale sur les villes du Sud. C'est dans cette optique, qu'après Casablanca, on le retrouvera à l'oeuvre à Karachi. « S'il a, dans une certaine mesure, échoué au sein de l'administration coloniale, il a en tous cas soulevé un problème toujours d'actualité en matière de politiques urbaines au Maroc: celui de l'habitat du plus grand nombre.»


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.