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L'homme de tous les consensus
Publié dans La Gazette du Maroc le 28 - 10 - 2002

Abdelwahad Radi, président de la Chambre des représentants
Abdelwahad Radi n'est certainement pas un homme ordinaire malgré sa bonhomie et sa modestie légendaire. Il peut s'enorgueillir d'être aujourd'hui le plus ancien député du pays. Et à ce titre, il a accompagné et vécu les principales étapes politiques de l'histoire contemporaine du Maroc. Déjà dans sa jeunesse, Abdelwahad Radi s'inscrit dans la lutte pour l'indépendance en adhérant au Mouvement national. Après, il s'inscrit dans la lutte pour la démocratie et adhère à “ l'insurrection de 1959 ” qui allait déboucher sur la création de l'Union nationale des forces populaires. Et c'est comme député de ce parti que Radi fit pour la première fois son entrée au Parlement de 1963. Depuis lors, il ne cessa d'arpenter les coulisses des institutions politiques tout en menant une dense activité partisane. Son éclatante victoire lors des législatives de 1977 l'a propulsé au-devant de la scène ittihadie et c'est en toute logique qu'il fut élu président du groupe de l'USFP qui ne comptait alors que quinze membres. Tout au long de cette législature, Abdelwahad Radi s'est illustré comme un opposant farouche avec lequel comptaient les représentants des partis de l'administration miraculeusement majoritaires dans les parlements de 1977 et 1984.
Un parlementaire de la trempe de Radi devait tout simplement être conduit à siéger dans les structures du parlement. Ainsi de 1993 à 1997, Abdelwahad Radi remplissait la fonction de premier adjoint du président.
C'est dire que le perchoir n'a pas de mystère pour cet homme rompu aux affaires. Lors de
cette législature, l'opposition nationale et démocratique allait se regrouper dans la Koutla. Là également Abdelwahad Radi a contribué amplement à concrétiser le grand changement qu'a connu la vie politique nationale. En toute logique, Abdelwahad Radi fut élu président de la Chambre des représentants en 1997, grâce à la conjonction des efforts de la majorité démocratique qui allait appuyer le gouvernement de l'alternance consensuelle.
Mais où puise Radi tout ce respect que lui voue la classe politique marocaine dans son ensemble ? Pour lui, les choses sont toutes simples et aucun secret n'est à dévoiler ou à dissimuler. L'action politique soutenue qu'il a menée tout au long de quatre décennies a forgé en lui une personnalité charismatique, tout comme elle lui a appris le pragmatisme, la modération, la flexibilité et la fermeté sur les principes quand il le fallait. Bien entendu, le tout axé sur la défense des intérêts suprêmes de la nation. Persuasif dans ses propos, Radi en tant que grand pédagogue sait bien mettre sa formation académique au service de l'action politique. C'est pour cela qu'il se distingue de plusieurs acteurs politiques par son art de la communication.
A maintes reprises, Radi sait bien alterner entre l'intellectuel et le militant populaire. C'est pour cela que toutes les émissions auxquelles il a participé en tant qu'invité ont eu un grand impact sur l'auditoire.
Abdelwahad Radi est devenu au fil du temps un sage qui sait aboutir au consensus voulu, tout en sauvegardant les équilibres. Nombreux sont ses camarades qui lui collent le quolibet de “ Sapeur pompier ”. Parce que Radi sait aller au charbon et circonscrire le danger quand il se présente. Et cette aptitude, il la tient surtout de son attachement au dialogue démocratique. N'est-ce pas lui qui a été désigné pour présider le fameux sixième congrès de l'USFP ? Tout le monde sait que Radi a toujours préféré rester à l'écart des escarmouches entre clans sans toutefois se démarquer des contradictions. Au contraire, il se trouvait toujours dedans, mais tout en jouant, souvent, le rôle d'arbitre. C'est pour cette raison d'ailleurs que Abdelwahad Radi a recueilli le plus de voix des Ittihadis lors de leur dernier congrès. Jusqu'à la fin de ces assises, Radi était resté fidèle à sa position de départ qui est celle de sauvegarder l'unité du parti. Et même quand le clash eut lieu, Radi n'a pas rompu définitivement avec ses anciens camarades qui témoignent en sa faveur pour avoir essayé tout au long des étapes de gérer la différence dans le cadre du respect des statuts et des règlements. D'ailleurs, ces mêmes méthodes sont utilisées au parlement par le président Radi qui est avant tout le président de tous les représentants de la nation sans aucune distinction.
Quand Abdelwahad Radi fut nommé par feu Hassan II ministre de la Coopération, alors que son parti était dans l'opposition, cette nomination n'a soulevé aucune protestation majeure puisqu'elle était perçue comme une mission au service de l'intérêt national qui transcende les intérêts des partis. C'est bien cette nomination de Radi qui est apparue comme le cheminement logique de la longue marche de ce militant assidu qui n'a raté aucun rendez-vous majeur pour défendre les causes nationales. Il était aux côtés de feu Hassan II au sommet de Naïrobi et à d'autres rencontres internationales où la question de notre intégrité territoriale était abordée. Il n'était pas du tout surprenant que Radi fut nommé secrétaire général de l'Union arabo-africaine entre 1984 et 1986. A partir de ce poste, Radi a ouvert des brèches énormes dans les thèses qui soutenaient les séparatistes et grâce à lui, le Maroc et la Libye ont tourné la page des dissensions et des incompréhensions mutuelles.
Radi était resté, malgré ces nominations, égal à lui-même et confortablement installé dans son parti leader de l'opposition. C'est qu'il alliait magistralement la lutte nationale à la lutte démocratique. Dans ce sens, Radi était convaincu de la nécessité de faire revivre la confiance mutuelle entre le palais et l'USFP. Certains de ses camarades n'hésitent pas à dire que “ Radi est l'homme du Palais à l'USFP et l'homme de l'USFP au Palais ”. C'est dire la place et le rôle que détient Radi dans l'échiquier politique national. Mais certains de ses détracteurs lui reprochent de jouer ce rôle et critiquent ouvertement cette position privilégiée d'un homme qui ne sait être démocrate que s'il est nationaliste. Tout le mode se souvient de sa présidence de délégations parlementaires ayant visité l'Europe au moment même où les questions des droits de l'homme constituaient des sujets de discorde entre le Maroc et ses partenaires européens. Tout le monde se souvient de son interpellation de parlementaires européens en ces termes : “ Cessez de faire l'amalgame entre la question de notre intégrité territoriale et la question des droits de l'Homme ”. C'est Radi qui, encore une fois, a ouvert une brèche dans le mur européen hostile à l'intégrité territoriale du Maroc. L'expérience parlementaire et politique a guidé Radi à œuvrer à instaurer une nouvelle diplomatie parlementaire dont l'effet immédiat a été le retrait par plus de vingt pays de leur reconnaissance de la fantomatique république sahraouie. D'ailleurs, durant la législature 1997-2002, le Maroc a battu tous les records d'organisation de forums parlementaires internationaux sur son sol. Ce sont trois conférences internationales qui ont eu
lieu au Maroc : la 107ème session de l'Union parlementaire mondiale, la deuxième session de l'Union des Parlements islamiques et le forum parlementaire euro-méditerranéen. Durant toutes ces conférences et d'autres, tous les observateurs ont relevé le haut degré de professionnalisme du plus ancien député du pays.
Et tous ceux qui ont suivi de près son parcours sont unanimes à dire que Radi a une capacité d'écoute extraordinaire. Lui, ne parlait qu'après avoir écouté les gens aussi simples soient-ils. C'est le cas de ses électeurs de la circonscription du Gharb, ou des diplômés-chômeurs qui ont défrayé la chronique par leurs manifestations devant le Parlement. Radi sait écouter les gens pour mieux comprendre leurs aspirations et pour mieux gérer les différences et les incompréhensions. C'est cette aptitude qui est derrière le succès éclatant de sa présidence de la Chambre des représentants à laquelle il a été reconduit avec une très forte majorité.
Secondé par une équipe restreinte de six personnes dont son chef de cabinet, Radi a su s'entourer de compétences. Pour la première fois au Maroc, la Chambre des représentants s'est dotée d'un service d'archivage et de documentation. En somme, c'est la sauvegarde de la mémoire du pouvoir législatif pour que le peuple marocain et les spécialistes sachent ce que font les députés au service de l'action législative, du contrôle du gouvernement et de la diplomatie parlementaire.
Abdelwahad Radi est l'homme qu'il faut à la place qu'il faut.
Abdelwahad Radi
en quelques dates
Né le 4-1-1935 à Salé (Maroc)
• Président de la Chambre des représentants (6ème législature 1997-2002)
• Professeur de psychologie sociale à la Faculté des lettres et sciences humaines de Rabat
• Membre du bureau politique de l'USFP depuis 1989
• Député depuis 1963
• Ancien secrétaire général du syndicat national de l'enseignement supérieur (1971)
• Ancien ministre de la Coopération (1983-1985)
• Ancien secrétaire général de l'Union arabo-africaine (1985-1986)
• Ancien président du Groupe socialiste au sein de la Chambre des représentants (1977-1983)
• Président du conseil communal de Ksibia (depuis 1976)
• Ex-président du conseil provincial de Kénitra (1984-1997)
• Président de la Région Gharb-Chrarda-Benihssen depuis 1998
• Co-président du Forum parlementaire euro-méditerranéen depuis sa création en 1998
• Président du conseil consultatif de l'UMA depuis septembre 2001
• Président de l'Union des parlements des Etats membres de l'OCI, depuis septembre 2001 (UPMOCI).


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