Le prochain sommet arabe qui se tiendra dans un peu plus d'une semaine à Riyad, constitue un tournant pour l'avenir du Moyen-Orient. De ses résolutions adoptées et des réactions des principaux concernés, Israël et les Etat-Unis, le sort de la paix ou de la guerre sera décidé. Jusque-là, les interrogations persistent et les cartes sont toujours brouillées. Le roi d'Arabie Saoudite, Abdallah ben Abdel Aziz, effectue, depuis plus d'un mois, un forcing exceptionnel pour arrondir les angles de divergences entre ses principaux alliés dans la région, à savoir l'Egypte et la Jordanie. Un Sommet tripartite est prévu au courant de cette semaine pour remettre les pendules à l'heure avant le jour J. Le souverain saoudien est conscient mieux que quiconque que si les contradictions demeurent au sein de cet axe, le Sommet qu'on voulait «historique» sera voué à l'échec. De ce fait, les Saoudiens sont aidés, apparemment, par une partie de l'administration américaine qui commence à exercer de nettes pressions sur Amman et le Caire. Les craintes d'un échec de dernière minute se sont installées après que la rencontre d'Amman ait fini sans la publication du communiqué commun attendu, ce, alors qu'aucune précision ni information n'est sortie en réponse aux questions liées aux éventuelles propositions portant sur des modifications apportées au plan de paix arabe dit : «initiative du roi Abdallah ben Abdel Aziz». En effet, cette rencontre présidée par le souverain hachémite, Abdallah II, en présence des ministres des Affaires étrangères, de l'Egypte, Ahmed Abou al-Ghait, et d'Arabie Saoudite, le prince Saoud al-Fayçal, et en l'absence de celui des Emirats Arabes Unis, qui a posé des interrogations et soulevé des polémiques, était un revers pour tous les participants. C'est pour cette raison que le chef de la diplomatie jordanienne, Abdel Ilah al-Khatib, s'est abstenu de répondre aux questions des journalistes. Il s'est, en revanche, contenté de généralités telles que : le roi Abdallah tient à la réussite du sommet de Riyad qui aura pour objectif d'accélérer la solution du problème palestinien. Commentaire des proches collaborateurs du ministre égyptien: c'est de la «kalamologie». Les Jordaniens, disent-ils, n'ont pas encore avalé la réunion de la Mecque, sous la houlette des Saoudiens qui avait abouti à la réconciliation du Hamas et du Fath, et par là, donner naissance à un gouvernement d'Union nationale. Evènement intervenu au moment où les Jordaniens étaient sur le point de faire la même chose et de «vendre» le résultat aux Américains. À quelques jours de la tenue de ce Sommet, les préparatifs lui garantissant la réussite ne sont pas, semble-t-il, encore au point. C'est de l'avis des Egyptiens qui le laissent implicitement entendre. Ces derniers affirment que le dénouement de la crise qui couve entre Riyad et Damas concernant le Liban est apparemment loin de se concrétiser, sauf s'il y a un forcing exceptionnel à travers lequel l'Arabie Saoudite compensera la Syrie d'une manière ou d'une autre. Les réponses du président Bachar al-Assad au chef des relations extérieures au sein de l'Union européenne, Javiar Solana, qui s'est rendu, la semaine dernière dans la capitale syrienne pour discuter les affaires du Liban, n'ont rien des concessions qu'attendaient certains Etats arabes, y compris l'Arabie Saoudite. Parallèlement, la Libye a déjà fait part de sa décision consistant à boycotter ce Sommet qui a pour objectif, selon son chef, le Colonel Kadhafi, d'effectuer les modifications nécessaires sur les points essentiels de l'initiative de paix adoptée, il y a quelques années par le Sommet de Beyrouth, notamment le droit au retour des Palestiniens. Le gouvernement libyen est allé encore plus loin en menaçant de refouler vers Gaza tous les Palestiniens vivant et travaillant en Libye, et cède ainsi de facto à leurs droits légitimes. En Egypte, les médias locaux mènent, depuis quelques semaines, une campagne critiquant l'Etat qui a cédé, à l'Arabie Saoudite, la place de leadership dans le monde arabe. Une véritable épreuve Nombreux sont les responsables de tout bord politique, y compris du Parti National du président Moubarak, qui affirment que c'est une monumentale erreur que commet l'establishment égyptien en se désengageant facilement de ses grandes responsabilités aussi bien arabe que régionale. L'Arabie Saoudite qui mène à la fois une vaste campagne diplomatique et médiatique pour réussir son épreuve du Sommet arabe, utilisera tous les moyens et tous les instruments aussi bien relationnel, financier et d'influence en sa possession pour surmonter les difficultés qui persistent jusque-là. Selon le secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa, qui joue discrètement un rôle important dans le rapprochement des positions des uns et des autres, plusieurs obstacles seront levés avant la tenue du Sommet. Il s'agit, d'après lui, du nœud syrien et du petit rififi avec la Jordanie. Dans ce contexte, on apprend que l'émissaire du roi saoudien se rendra successivement à Damas et Amman. L'entourage du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, laisse entendre que le vice-président syrien, Farouk al-Charâah, ou même le chef de l'Etat, Bachar al-Assad, pourraient effectuer une visite-éclair dans la capitale saoudienne pour rencontrer ses dirigeants et dénouer définitivement la crise avant le Sommet. Les responsables syriens rappellent que leur pays était toujours présent aux côtés de l'Arabie Saoudite dans les moments les plus délicats. Aujourd'hui, ce Sommet fait partie de ces moments du fait que le sort de la région en dépend. Damas qui, comme l'Egypte, refuse toute modification de l'initiative de paix arabe, vise à travers son soutien de dernière minute à Riyad, d'avoir ultérieurement son soutien en cas de guerre ou de paix avec l'Etat hébreu. Quoi qu'il en soit, le plan saoudien pour la paix entre Israël et les pays arabes attire beaucoup l'attention aussi bien sur le plan régional qu'international, d'autant qu'il anticipe sur le court et le moyen terme. Pour preuve, le Premier ministre israélien a consacré la première partie de la réunion hebdomadaire du Conseil de gouvernement à discuter le pour et le contre de l'initiative du roi saoudien. Il n'était pas le seul à évoquer ses «côtés positifs». Son ennemi politique, Benyamine Netanyahou, était aussi de cet avis. Ce dernier est allé plus loin encore en soulignant qu'il faut l'étudier minutieusement et s'il était possible de trouver une solution contre des concessions précises. Ce qui mettra fin au conflit israélo-palestinien. À Washington, certaines voix au sein de l'administration Bush, y compris parmi les faucons, s'interrogent sur le remplacement de la «Feuille de route» par le volet sur la solution du problème palestinien proposée par l'initiative saoudienne. L'initiative de paix, et par là, le Sommet de Riyad, ont de fortes chances de réaliser des percées significatives. Elle est revenue aujourd'hui au cœur des discussions politiques, suscitant de plus en plus les intérêts de toutes les parties concernées par le conflit du Moyen-Orient. Car l'Arabie Saoudite et les pays arabes modérés cherchent, à l'heure actuelle, à endiguer l'influence iranienne. Celle-ci pourrait se consolider avec la réalisation de son programme nucléaire. À Tel-Aviv, les analystes politiques veulent convaincre le centre de décision qu'Israël sortira, elle aussi, gagnante de cette initiative de paix arabe qui lui a été proposée. Elle lui promet paix et normalisation au cas où il se retire des frontières de 1967, y compris le plateau du Golan, et l'acceptation de création de l'Etat palestinien, et de résoudre le problème des réfugiés en fonction de la résolution 194 de l'ONU. Les Israéliens attendent maintenant les résultats du Sommet de Riyad pour mettre à l'épreuve les «véritables intentions» des Saoudiens : Est-ce qu'ils persisteront sur leurs anciennes positions ne comprenant aucune concession significative, ou bien, ils montreront qu'ils étaient prêts à aider leurs paires arabes à aménager les intérêts de l'Etat hébreu ? Au Caire, la réponse a été déjà donnée : aucune concession de taille, sauf si les Israéliens reconnaissent les droits légitimes du peuple palestinien et agissent réellement sur le terrain en acceptent de se retirer de ce qui reste des territoires occupés. La déclaration de l'émissaire européen, Solana, à la veille de sa rencontre avec le président syrien concernant la nécessité du retrait d'Israël du Golan doit être bien comprises par les Israéliens qui n'ont fait que l'attaquer d'une manière virulente. Les médiateurs qui oeuvrent pour arrondir les angles des divergences reconnaissent que le nœud qui existe jusque-là est jordanien. En effet, Amman qui ne cautionne explicitement aucune modification sur l'initiative de paix saoudienne, évoque, d'autre part, les équilibres et les considérations liés à la communauté internationale et la lutte en cours entre Républicains et Démocrates aux Etats-Unis. La Jordanie veut que les Arabes sautent sur l'occasion. Cela dit, d'après elle, l'initiative saoudienne n'est pas un texte sacré. Ce qui mettra l'Arabie Saoudite dans la ligne des accusations de la part des Syriens et des Palestiniens. Les Jordaniens qui veulent assurer leurs arrières au cas où Israël et les Américains acceptent l'initiative de paix adoptée par le Sommet de Riyad, au cas où, cela se concrétise, tentent de semer le doute sur tous les plans, notamment au niveau saoudien. Evoquant le double jeu des Egyptiens, la froideur des Emiratis, et l'emballement soudain et inexplicable des Koweïtiens, les Jordaniens se concentrent sur les Saoudiens. Ils laissent comprendre que les grands de la famille royale d'Al-Saoud ne sont pas unis, même tactiquement envers les dossiers urgents tels que celui des Palestiniens et des Iraniens. Ce qui montre que le royaume hachémite est plus que jamais inquiété des résultats du Sommet arabe qui pourrait être au détriment et ses intérêts. Les prochains jours seront décisifs à cet égard. Il y a lieu donc de suivre de près les positions qui émaneront d'Amman pour mieux lire le cours des évènements et anticiper sur les résultats du sommet de Riyad.