Les scénarios optimistes d'un rebond conséquent des cycles de croissance économique défilent à nouveau après une année 2005 sanctionnée par la sécheresse, les conséquences du démantèlement de l'accord multifibres et la hausse vertigineuse des cours de l'énergie. Les projections pour 2006 se veulent volontaristes en dépit de la persistance du surenchérissement des cours du pétrole. Et pour une fois, la cacophonie entre les diverses sources conjoncturistes a cédé la place à des prévisions rapprochées sur un taux de croissance s'articulant autour du seuil appréciable de 7%. Dans les pays émergents, le Maroc est encore loin de «compter sur ses propres forces» pour doper les activités créatrices de richesses et d'emplois pour se mesurer aux dragons chinois qui ont pulvérisé le cap des 10% de croissance où l'Inde qui s'en rapproche studieusement. Le Maroc a même accusé le coup l'an passé en se faisant nettement distancer par des partenaires de la région MENA ou d'Afrique du Nord qui affichaient un taux de croissance équivalant au triple ou quadruple de celui du Royaume. Il n'empêche, l'optimisme de bon aloi des décideurs s'affiche avec vigueur, au double plan de la croissance externe et interne de l'économie nationale, pour l'année en cours : « l'activité économique devrait connaître une forte reprise en 2006. Les conditions d'une croissance économique robuste et soutenue semblent en effet réunies, tant sur le plan externe qu'interne. Ainsi, l'activité économique mondiale demeure encore vigoureuse, dans un contexte de poursuite de la flambée des cours de l'énergie. Elle se caractérise aussi par la reprise de l'activité dans la zone euro, notre principal partenaire commercial. De ce fait, l'économie nationale devrait bénéficier d'un raffermissement supplémentaire de la demande étrangère qui lui est adressée ». Renouer avec une rythme de croissance soutenue et durable La croissance interne devrait enregistrer des performances appréciables avec une campagne agricole jugée « très bonne » et une relance dynamique de la demande intérieure en consommation et en investissements. Dans ces conditions, le taux de croissance du PIB est bien parti pour franchir le niveau des 7%, marquant un regain de 5 points par rapport à 2005. Sauf qu'il ne faut pas crier victoire trop tôt car le niveau de 2005, un des plus faibles scores dans l'histoire de la croissance de l'économie marocaine, n'est pas une base recommandable de comparaison fiable. Celle-ci est, d'ailleurs, constamment incitée par les argentiers de la planète, BM et FMI qui ne cessent de harceler le gouvernement marocain pour redoubler d'efforts en vue d'autonomiser la croissance du PIB non agricole et de réaliser des cycles de croissance aptes à faire reculer le chômage et la pauvreté sans qu'ils puissent être inférieurs à 6%. D'ailleurs, l'analyse des évolutions récentes des activités non agricoles confirment que la croissance économique hors secteur primaire est en train de marquer des points reflétant la confiance retrouvée des opérateurs des secteurs secondaires et tertiaires au vu des derniers résultats obtenus. A l'instar des entreprises du BTP qui poursuivent l'expansion de leur activité grâce aux grands chantiers d'infrastructures et d'habitat social mis en œuvre par les programmes publics de développement économique et social à travers les différentes régions du Royaume. En outre, les nets progrès affichés par les industries de transformation intéressent toutes les branches de l'activité de production, textile et habillement compris. Tout comme le tourisme qui s'est bien comporté en enregistrant des hausses respectives de 16,7% et 8,6% pour les arrivées d'étrangers et les nuitées qui ont boosté les recettes voyages (+21,4%). Quant au commerce extérieur, il a été caractérisé, au terme des cinq premiers mois, par une légère amélioration, ce qui se reflète par une stabilité du taux de couverture à 53,3% entre fin mai 2005 et 2006 et par l'allégement du rythme de progression du déficit commercial qui est passé de 23,7% à fin mai 2005 à 10,8% durant la même période de l'année en cours. Quant à la situation des finances publiques au terme des cinq premiers mois 2006, elle a été marquée par la bonne tenue des recettes fiscales (+10,5%) et une atténuation de la tendance haussière des dépenses ordinaires (+5,6% contre 17,8% à fin mai 2005), ce qui a fait ressortir un excédent global de 1,9 milliard de dirhams. Croissance économique Développer les investissements industriels Les nouvelles voies de la croissance dont ne cessent de parler les économistes et autres conjoncturistes se nourrissent dans une approche de rupture dans le mode calcul des indicateurs de développement exclusivement rapportés jusque là au PIB « gonflé » par les seules bonnes performances de l'agriculture qui en représente la part la plus substantielle. L'autonomie du développement, si chère au ministre Fathallah Oualalou, consiste à trancher le « cordon ombilical » avec la prédominance du secteur primaire largement tributaire des caprices météorologiques en accélérant les réformes structurelles et sectorielles à même d'imprimer la cadence optimale à la croissance des activités non agricoles. Et cela semble être en bonne voie avec l'optimisme manifesté par les chefs d'entreprise au vu des conclusions des dernières enquêtes statistiques officielles plaçant sur orbite le redémarrage de la production industrielle en net reprise de croissance. Ce diagnostic est d'ailleurs étayé par l'évolution positive enregistrée par un certain nombre de branches industrielles, comme l'agroalimentaire, les industries mécaniques, métallurgiques, électriques et électroniques et le textile et cuir. Concernant le secteur du textile et de l'habillement, les exportations en valeur à l'étranger des vêtements confectionnés et des articles de bonneterie ont progressé de 12,3% et de 9,6% respectivement au terme des cinq premiers mois de l'année 2006, après un repli de 13,8% et 20,4% une année auparavant, marquant ainsi un retournement remarquable de la conjoncture du secteur. Ces performances enregistrées au niveau des industries du textile sont les conséquences de la réinstauration des quotas aux Etats-Unis et en Europe sur les produits du textile et habillement fabriqués en Chine. Cette situation a en effet amené certains donneurs d'ordre à diversifier leurs fournisseurs et sources d'approvisionnement. Un atout de taille s'impose avec le plan Emergence qui dote, pour la première fois dans les annales, la stratégie industrielle d'une vision à long terme ciblant les secteurs porteurs et les niches potentielles de croissance. Ce n'est qu'au prix de l'équilibre des forces de développement entre les secteurs primaire et secondaire que la croissance de l'économie nationale gagnera des points salutaires. Sinon, les fluctuations de cette croissance continueront d'entretenir la confusion des rôles et des genres.