Reviens-nous Abdelkrim, définitivement lavé de tous soupçons de « mercenaire, extrémiste ou autre terroriste», réhabilité à la dimension historique d'un nationaliste exemplaire, rayonnant par l'enseignement de la dignité des peuples opprimés dans le monde entier. Et c'est avec raison que s'insurgea l'ambassadeur de l'Etat de Palestine à Rabat, Wassif Mansour, lorsqu'il livra à brûle-pourpoint son témoignage poignant lors de la rencontre de la Fondation du samedi 27 mai : «C'est une falsification historique et une escroquerie morale que de réduire le grand Abdelkrim à un héros du Rif seulement, originaire d'Ajdir de la tribu des Aït Wariaghel. Non et non, Abdelkrim est beaucoup plus que cela dans la mémoire des peuples. C'est un héros mondial, un précurseur des guerres populaires de libération, un fin stratège politique, un réformateur social, un penseur philosophe et religieux, un expert des activités clandestines et un chevronné en matière de relations internationales». Mieux encore, le héros de la légendaire bataille d'Anoual est un pionnier de la démocratie et du respect des droits de l'homme. En témoigne le Général Navarro, capturé lors de la bataille du Rif, qui s'exclama lorsqu'il fut remis en liberté : «Viva Abdelkrim, viva Abdelkrim». La bataille d'Anoual du 21 juillet 1921 marqua la première défaite du puissant colonialisme dans l'histoire des conquêtes des nations opprimées. En rassemblant 1500 hommes armés de simples fusils, El Khattabi réussit à mettre en déroute les 25 000 soldats d'une armée espagnole d'occupation surarmée. Ce qui avait laissé pantois le monde entier et des figures prestigieuses comme Mao Tse Toung, Ho Chi Minh et Che Guevara se sont inspirés de l'école de la guérilla populaire du leader nationaliste marocain. En octobre 1925, la France se rallia à l'Espagne en recourant aux armes de destruction massive afin de mâter la rébellion généralisée des tribus rifaines. Khattabi déposa les armes pour épargner aux populations du Rif un massacre qui tournait à un véritable génocide. À son retour de déportation, il fit lever une armée de mille combattants volontaires du Maghreb pour renforcer la résistance palestinienne et ce, bien avant l'arrivée des armées arabes. C'est encore lui qui fonda, le 5 janvier 1948, le Comité pour la libération du Maghreb composé des partis nationalistes de Tunisie, du Maroc et d'Algérie et qui forma un contingent militaire à dimension régionale pour lutter contre l'occupation française. Nos chercheurs et historiens doivent se racheter de leur silence en aidant la Fondation, présidée par le fils du héros, Saïd El Khattabi, qui eut ces mots émouvants : «il est certain que la personnalité de Abdelkrim El Khattabi attire l'attention de beaucoup de monde et pour laquelle les historiens expriment une admiration particulière. Abdelkrim El Khattabi est une référence pour tous ls hommes libres dans le monde. C'est un génie et un héros à bien des égards et nombreux sont ceux qui se demandent toujours quel est le secret de ses victoires, et comment un homme modeste a réussi en peu de temps à réunir des tribus rifaines rivales pour défendre les valeurs de justice et de vérité». En fait, hormis Saâdeddine Al Othmani qui a apporté sa présence et l'appui de son parti à la Fondation, où étaient passés les autres partis nationaux qui semblent avoir « boycotté » la journée de soutien à une institution encore fragile qui est appelée à restituer la vérité sur l'histoire du Royaume. Aussi, pas de ministres, pas d'officiels. Est-ce à dire que l'ombre de l'Emir du Rif continue da faire peur ? Que le silence est toujours de mise ? Pourtant, ce ne serait que justice de remettre à jour les glorieuses pages de l'histoire de la lutte du Royaume pour l'indépendance et celle du Maghreb et de l'Afrique.