"D'une réforme qui aboutirait à un rééquilibrage du pouvoir avec un parlement élu dans la transparence" (avril 2004), le journal hebdo parle aujourd'hui "d'une monarchie dont le rôle est celui de ne pas gouverner le pays". Il y a quelques années feu Hassan II disait dans un entretien avec un magazine français : "Je suis autant Roi que Léonid Brejnev l'est en URSS". L'attitude de certains journalistes est pernicieuse. Sous prétexte de reconnaître les différences, ils les mesurent à l'étalon des sociétés implicitement ou explicitement tenues pour les meilleures. Le langage politique ne doit pas tenir lieu de méthode politique. Pourquoi voir dans diverses manifestations même de « milliers » d'habitants aussi bien au Nord qu'au Sud du pays « la médiocrité de la gestion du pays » au lieu d'y voir un bourgeonnement de notre jeune démocratie ? Comment construire une monarchie parlementaire avec des députés dont on exhibe la somnolence au parlement à la une de nos journaux ? Max weber a déjà souligné avec force, la prédominance du raisonnement logique en cherchant des moyens efficaces en vue d'atteindre des buts réalisables. Comme on le sait sur le régime de gouvernement, la république se lit à l'opposition au despotisme ou encore, sur la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (république) et sur leur réunion (despotisme). Ce qui revient à affirmer que la volonté générale (démocratie) définit un souverain (un peuple) et l'organisation des pouvoirs (république) définit un gouvernement. Au passage, on peut s'exercer, à l'aide de ce code, à la compréhension des régimes politiques modernes et contemporains : citez des démocraties qui sont aussi des monarchies constitutionnelles, des républiques qui ne sont pas démocratiques, des démocraties républicaines, des empires républicains, etc. Ainsi la Syrie est-elle une monarchie ou une république ? Et ou classer la Libye ? L'Egypte et la Tunisie ? Y a-t-il plus de démocratie en Algérie qui est une république qu'au Maroc qui est une monarchie ? En fait les Marocaines et Marocains conscients du rôle d'équilibre que joue l'institution royale au sein de leur société, et des retards que connaît celle-ci, estiment que des équilibres préalables accompagnés de changements progressifs sont nécessaires avant d'arriver à « républicaniser » la monarchie. Est -il facile de passer de 40 ans d'un despotisme aussi éclairé soit-il à une monarchie à l'espagnole ? Surtout quand on sait que ces 40 ans, non seulement ont déstructuré l'économie marocaine et vulnérabilisé l'ensemble de la société par une culture politique constituée par un habitus makhzenien, mais aussi enfoncé le pays dans le sous-développement et la méfiance générale. Tout le monde au Maroc veut bien croire les analyses de ces journalistes. Mais il ne suffit pas de transposer les institutions et les grands principes de la démocratie pour obtenir un régime démocratique. Il faut de plus développer les règles opérationnelles du système démocratique : Attitudes politiques, normes de comportements, mécanismes de prise de décision. Or cet ensemble culturel évolue lentement et se transpose avec difficulté surtout quand des citoyens s'attachent plus à leurs droits en négligeant leurs devoirs et n'attendent que des prestations du gouvernement en refusant de prendre leurs responsabilités. Résultat : La machine démocratique tourne à vide. Pour durer, un système social doit former son personnel, pourvoir aux rôles sociaux qui le composent. Il doit inculquer aux individus les valeurs, attitudes et orientations qui leur permettront de « tenir » leur rôle politique. Demander de « républicaniser la monarchie » maintenant, c'est imputer notre situation actuelle à cette seule institution et laver les autres y compris le peuple marocain, traité d' "inférieur" de toute responsabilité. Alors, imaginons que Sa Majesté décide par exemple de régner sans gouverner à partir de 2007 avec une nouvelle constitution. Cette dernière soumise à un référendum libre et démocratique, croyez-moi, a de fortes chances d'être rejetée par la majorité écrasante des électeurs marocains, non pas parce qu'ils seraient vraiment contre, mais parce qu'ils n'ont plus confiance qu'en Sa Majesté qui constitue le dernier rempart contre la SIBA... Mais allons plus loin. Cette constitution limitant les pouvoirs royaux passe. Arrivent alors les élections. Les partis politiques sont-ils vraiment des sortes de courroie de transmission entre le peuple et l'Etat ? Pour qui va voter la majorité des marocains analphabètes et pauvres ? A moins de mettre un mokhazni derrière chaque électeur et un policier derrière chaque candidat, la majorité irait aux partis des députés (somnolant à l'hémicycle) qui auraient misé davantage, qu'ils partageraient avec ceux qui ont un minimum de crédibilité politique : les islamistes. Ceux qui décrocheraient la majorité pourraient-ils défendre un programme commun ? Serions-nous prêts à accepter le leader du PJD comme Premier Ministre avec les risques « de républicanislamiser » la Monarchie et ce n'est pas Nadia Yassine qui me contredirait. En supposant qu'on puisse trouver un autre leader de parti, n'auriez-vous pas peur qu'il fasse de sa fonction un fief pour lui, sa famille et ses partisans comme on le voit maintenant dans les ministères, administrations et associations. Non il ne s'agit pas d'un atavisme marocain mais de la nécessité d'une révolution culturelle ! Qui défendrait alors le système et l'empêcherait de déraper ? Une société riche, épanouie et confiante dont la construction exige des années de travail et d'autocritique comme dirait Hind Taarji. Je ne suis pas plus royaliste que le Roi, car à long terme, le Roi lui-même - j'en suis persuadé- est pour une évolution de la Monarchie. Mais quand on est capitaine d'un bateau, on essaie de naviguer en ramenant tout le monde à bon port. Dans ce sens, il faut assurer une justice indépendante et saine restaurant la confiance et évitant des révoltes, garantir la santé à tout le monde pour éviter des épidémies et généraliser l'instruction civique et militaire pour se préparer à d'éventuelles attaques de pirates. Au fur et à mesure et en amarrant chaque fois à un port, le capitaine pourrait lâcher dans le calme et la sérénité du lest et abandonner progressivement le commandement. Mais donnons à notre commandant de bord le temps, envoyons-lui des signaux intelligents de temps en temps pour réaliser cette révolution culturelle. Sinon, à force de trop puiser dans la démagogie et le populisme, nous risquons de faire naufrage ensemble.