Chez le cochon tout est bon. L'homme à tête de cochon, c'est lui. Solitaire, pointilleux, caustique et ronchon, le héros de Porco Rosso hérite des traits de caractère de son créateur : Hayao Miyazaki, animateur de formation et enchanteur à plein temps. Co-fondateur du studio Ghibli, l'homme qui a appris aux enfants comment poussaient les arbres, n'en finit plus d'émerveiller le monde de l'animation. Alors que Disney vacille en pleurant ses années folles, Berlin célèbre l'une des plus belles filmographies de la décennie, en attribuant un Ours d'or au Voyage de Chihiro. Mal représentée, souvent méprisée, l'animation japonaise trouve enfin son génie, maître incontesté des pirouettes aériennes et des promenades en forêt sur cellulo. LE PETIT PRINCE Deuxième enfant d'une famille de quatre garçons, Hayao Miyazaki vient au monde le 5 janvier 1941 à Tokyo. Fuyant la guerre avec ses parents, le petit Hayao pratique très tôt l'art du déménagement. Voyageant entre Utsunomiya et Kanuma, où son père dirige une usine de construction aéronautique, Miyazaki change trois fois d'école en six ans. Atteinte d'une tuberculose à la même époque, sa mère reste alitée pendant neuf ans. L'enfance de Miyazaki est ainsi rythmée par le bruit des machines et les visites à l'hôpital, sujets sensibles sur lesquels il reviendra dans son oeuvre. Sa vocation lui est révélée au lycée, où il découvre le premier film d'animation japonais en couleurs, La Légende du serpent blanc (Hakuja Den), inspiré d'un conte populaire chinois. Produit par la Tôei dôga, le film de Taiji Yabushita fascine l'adolescent au point de l'amener à exercer ses talents de dessinateur. Lecteur assidu d'Osamu Tezuka, Miyazaki envisage dans un premier temps de devenir mangaka (dessinateur de bande dessinée). En 1962, il entreprend des études en économie à l'université de Gakushuin et rédige une thèse sur l'industrie japonaise. Il rejoint la même année un club de recherches sur la littérature enfantine. QUAND HAYAO RENCONTRE ISAO Le diplôme en poche, Miyazaki se lance dans le métier d'animateur. En 1963, il entre comme intervalliste à la Tôei dôga, l'une des plus importantes compagnies d'animation et travaille sur le film Les Fidèles Serviteurs canins (Wan Wan Chushingura). Puis il est engagé sur la série TV Ken, l'enfant-loup (شkami Shônen Ken), concurrent direct d'Astro, le petit robot (Tetsuwan Atomu), toute première série animée créée par un ancien de la Tôei... Osamu Tezuka. La firme traverse alors une période trouble de grondements syndicaux. En employé modèle, Miyazaki prend la tête des manifestants et devient membre du syndicat des travailleurs. En 1964, il commence à fréquenter sa collègue et future moitié, Akemi Ota, qu'il épousera deux ans plus tard, et fait connaissance avec le secrétaire adjoint du syndicat, Isao Takahata. L'année 1965 marque le début d'une longue collaboration avec Takahata. Hustle Punch est leur premier projet en commun. En 1968 sort sur les écrans un long métrage ambitieux et novateur réunissant trois syndicalistes de la Tôei : Yasuo شtsuka, directeur de l'animation, Takahata, metteur en scène et Miyazaki, producteur, décorateur et animateur. Maintes fois retardé, Les Aventures de Hols, prince du soleil (Taiyô no شji Horusu no Daiboken) est un échec commercial, mais scelle l'amitié entre trois valeurs montantes de l'animation. En 1968, Miyazaki gravit encore lentement les échelons de la Tôei, passant du statut d'intervalliste à celui d'animateur clé, sans pouvoir toucher à la mise en scène. Il travaille ainsi sur plusieurs séries mineures et ne libère sa frustration que dans l'écriture d'un premier manga : Le Peuple du désert (Sabakuno Tami). Entre-temps, deux petits Miyazaki sont venus agrandir la famille. MUTATIONS En 1971, Miyazaki quitte la Tôei pour rejoindre Takahata à A Production. Ensemble, ils réalisent quelques épisodes de la série Lupin III (Rupan Sansei), puis Panda et Petit panda (Panda Kopanda), dont il élabore le concept et le design. Ce court métrage, réalisé par Takahata, aura une suite qui bénéficiera d'une sortie cinéma en 1973, Panda et Petit panda, le cirque sous la pluie (Panda Kopanda, Amefuri Sakasu no Maki). Le trait rond et jovial du panda annonce déjà la venue du célèbre Totoro. La même année, Miyazaki et Takahata quittent A Production pour Zuiyo Pictures, filiale de la grande Nippon Animation. Les séries sur lesquelles ils vont travailler connaîtront pour la plupart une distribution en France. Parmi elles, on peut citer Heidi (Alpes no Shôjo Heidi) et Conan, le fils du futur (Mirai Shônen Conan), où Miyazaki s'essaie enfin seul à la mise en scène. Série de vingt-six épisodes inspirée d'un roman d'Alexander Key, Conan aborde des thèmes similaires à Nausicaن, comme l'apocalypse ou le marasme écologique. En 1979, il rejoint de nouveau la Tokyo Movie Shinsha pour une version cinéma de Lupin III, le château de Cagliostro (Rupan Sansei, Kariosutoro no Shiro), dont il assure le script et la mise en scène. LES AILES DU DESIR En 1982, il collabore à la série Sherlock Holmes (Meitantei Houmuzu), en coproduction avec la Rai italienne, avant de revenir au manga. Nausicaن de la vallée du vent voit le jour dans les pages de la revue Animage, suivi du Voyage de Shuna (Shuna no Tabi), proche cousin de Princesse Mononoke. Novembre 1984, un film adapté des premiers volumes de Nausicaن sort en salles au Japon. L'année suivante, le studio Ghibli est fondé à Kichijoji. En 1985 naît ainsi le studio emblématique du renouveau de la japanimation, dont le succès dépasse de loin les espérances de ses créateurs. S'adressant d'abord à un public japonais, les films de Miyazaki et de Takahata ont su toucher, au fil des années, une audience internationale. Et c'est là que réside la réussite incroyable du studio : avoir séduit un public occidental, sans jamais renier ses origines ni étouffer ses ambitions. Réaliser des projets aussi atypiques que Pompoko ou Princesse Mononoke et rencontrer un succès public et critique. La venue en France de Miyazaki en décembre dernier pour l'avant-première du Voyage de Chihiro a fait le bonheur de quelques chanceux. Et montré que le maître n'a rien perdu de sa flamme créatrice... ni de son humour pince-sans-rire. Source : www.filmdeculte.com