Des chiffres qui font peur ! Voilà en résumé les statistiques issues des enquêtes pour l'année 2011 : 7.211 personnes ont été poursuivies pour des violences sur mineurs. 23 enfants sont décédés suite à des coups et blessures, 1.384 mineurs ont été violentés engendrant une incapacité de moins de 20 jours, de même 660 cas de violence provoquant une incapacité corporelle de plus de 20 jours, 912 viols avec violence perpétrés sur des mineurs, 482 cas d'abus sexuels sans violence, 353 cas de viols sur enfants accompagnés de défloration, 184 kidnappings, 51 cas d'exploitation des enfants pour les fins de mendicité. 102 cas d'encouragement à la prostitution des mineurs, 43 cas d'encouragement à la prostitution pour des buts lucratifs. 2 cas d'exploitation sexuelle organisée en réseaux, 3 cas de prostitutions touristiques. Cas isolés d'enseignants pervers ou de tuteurs malades défraient la chronique et placent la société face à ses démons. Malheureusement, par crainte de l'opprobre, la société tempère ses actions avilissantes. Et pourtant l'armature judiciaire existe pour protéger ces enfants et les associations vouées à la défense de l'enfance poursuivent leur bataille sans relâche. Le code pénal et la nouvelle Constitution foisonnent de sanctions tranchées qui protègent l'enfance mais restent tributaires de lois organiques qui tardent à être promulguées. Des attentes qui pressent le gouvernement à être au diapason de ses responsabilités pour faire sortir au plus vite les lois qui déterminent les procédures et éradiquer enfin une gangrène aux multiples causes et conséquences. Devant des cas de mineurs violés ou violentés, il n'y a ni majorité ni opposition. Les débats politiciens à l'hémicycle au sein des commissions parlementaires sont aussi responsables du retard enregistré dans ce domaine. Devant l'ampleur du désastre, il ne peut y avoir que fermeté et rigueur. Aujourd'hui, après la vague des « fqihs » qui abusaient de leurs élèves, c'est au tour de certains enseignants de briller dans un registre qui ne les honore guère. Une institutrice qui exhibe son élève sur une table de classe devant tous ses camarades pour le déshonorer tout en ordonnant aux élèves garçons de faire la même chose. Tout récemment, un professeur sexagénaire d'une école primaire à Oujda s'est permis de caresser les parties génitales d'une élève de six ans et de la faire asseoir ensuite sur ses « genoux » ! L'instituteur de Oujda sera poursuivi pour attouchement, harcèlement sexuel, violence sexuelle contre un mineur, un cas aggravé vu son statut d'enseignant qui a une autorité sur ses élèves, précisent plusieurs avocats. Fatima Zohra, Chahinaz, Khaoula et Rihab victimes des sévices d'enseignants pervers, ne sont que la partie visible de l'iceberg. Le cas de la petite Wiame balafrée, violée et violentée, à l'extrême par un sadique, dans la région de Sidi Kacem, n'a laissé personne indifférent. « Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, à savoir la surcharge des classes (parfois dépassant quarante élèves), la méconnaissance des méthodes de gestion des situations de crise au sein de la classe, parfois la tolérance de pratiques de la part de l'administration des établissements (par exemple le châtiment corporel). Il faut signaler que l'on a tendance à évoquer la violence physique en oubliant de parler de violences psychologiques et verbales dont les conséquences sont ravageuses », explique à L'Economiste Najat Anwar, présidente de l'Association Touche pas à mon enfant. Elle précise aussi qu'il faut, d'urgence, penser à élargir les prérogatives de la société civile. De même un débat national doit être instauré relatif à la réforme du code pénal marocain dans la partie concernant le viol, l'abus, l'agression et l'exploitation sexuels de l'enfant mineur. Un souhait qui reste tributaire de la création du conseil de la famille et de l'enfance pour plancher sur ce genre de problématique. Par ailleurs, la prévention reste de mise. La lutte contre ce fléau peut prendre des formes plus pédagogiques. Les ministères de l'Education nationale, la Justice, de la Famille et de la solidarité doivent repenser leurs méthodes et proposer des outils pédagogiques pour sensibiliser, sans heurter, nos enfants aux violences sexuelles auxquelles il pourrait leur arriver d'être soumis. Bannir le silence Le combat de l'Association Touche pas à mon enfant est de longue haleine. Parmi ses missions les plus importantes, lutter contre le silence et faire sortir les enfants maltraités et les parents du mutisme dans lequel ils s'enferment par crainte d'opprobre. L'association propose aux victimes de leur apporter un accompagnement et un soutien psychologique adapté afin de gérer au mieux les traumatismes et les souffrances. Elle leur apporte en outre une assistance juridique, aides, conseils et actions pour que les coupables soient jugés et condamnés à hauteur de leurs crimes. D'ailleurs l'association se constitue partie civile systématiquement aux côtés des victimes. Son combat est élargi à toute forme d'agression contre les enfants. Outre la pédophilie, les atteintes sexuelles sur des enfants pré-pubères et l'inceste, elle s'attaque aussi à l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tels la prostitution infantile et juvénile, la pédopornographie, la traite des enfants à des fins sexuelles, le tourisme sexuel impliquant des enfants, le mariage de mineurs et la maltraitance. Pour éviter que de telles actions soient commises, ou pousser les victimes à en parler, l'association met le paquet sur la prévention de la maltraitance et des abus sexuels sur enfants à travers des campagnes de sensibilisation. Par Ali KHARROUBI - www.leconomiste.com