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« Tillass n'wayour ». Ou quand « Tamazirt » découvre le nouveau concept de l'autorité
Publié dans Jeunes du Maroc le 07 - 10 - 2005

« Amghar n'tamazirt » (le maqaddem du village) se souvient encore des années noires (blanches ?) du colonialisme où le « Kaïd » lui ordonnait d'emmener 4 poulets du village. Amghar répercutait aussitôt le message sur le « mokallif » (responsable) ainsi : « Emmènes-moi 8 poulets du village pour le « Kaïd » » pour qu'enfin le « mokallif » demande aux villageois 10 poulets pour le « Kaïd ». Ainsi, « le mokallif » aurait 2 poulets, « Amghar » et le « Kaïd », 4 poulets chacun. Les villageois, eux, n'ont qu'à se résigner.
Cette période est restée gravée dans la mémoire d'« Amghar », qui essaie de la revivre semant la terreur et usant de son autorité sur les habitants dans les villages reculés. Ces habitants sont habités par la peur et vivent dans des conditions précaires à tel point qu'ils n'aspirent même plus à améliorer leurs conditions de vie parce que c'est « bifandi » (interdit). Ce concept récurrent « bifandi » est un garde-fou dont use « Amghar » encore et toujours évoquant le Makhzen, le Kaïd, le Kadi, ... qui veulent que les sujets soient au service de l'autorité et non l'inverse.
De cet état des lieux décrit par la pièce théâtrale amazighe, « Tillass n'wayour » (les obscurités de la lune), surgit un « hors la loi établie » pour inciter les gens à réclamer leurs droits, à surpasser cette peur enracinée de l'autorité, à se lever contre l'injustice et l'ordre précaire établi. Ainsi, de jour en jour, les habitants sont au courant des idées incendiaires de cet « étranger » bien qu'ils reconnaissent parfaitement son identité.
En effet, cet « étranger » n'est autre que « Iwiss n'mou laafi » (le fils de l'incendiaire du village) et les gens se disent que « telle mère tel fils ! ». « Amghar » met ainsi en garde les villageois contre cet intrus et il est devenu « bifandi » (interdit) de l'approcher et discuter avec lui.
La pièce théâtrale ne passe pas outre les scènes quotidiennes d'autoritarisme d'« Amghar » qui incarne parfaitement les déboires de l'autorité. Mais elle les caricature et les répète à satiété. En voici une illustration centrale.
La femme de Brik metta au monde un premier bébé et il est de coutume que la famille de l'épouse s'occupe du baptême. Ainsi en est fait. Brik emmène le mouton que sa belle-mère lui a offert pour la circonstance, au four du village pour le rôtir. Une première au village ! Un simple villageois ose rôtir un mouton ? N'est-ce pas « bifandi » ? Brik transgresse-t-il la « loi établie » ? Da Jamaa qui s'occupe du four le lui a bien rappelé. Mais en vain.
Le Kadi est arrivé au village et a senti l'odeur du rôti. « Amghar » ordonna alors à Da Jamaa de lui emmener le rôti à sa maison et invita le Kadi à déjeuner chez lui. Da Jamaa acquiesça à l'ordre d'« Amghar » et inventa une drôle d'histoire pour contourner Brik : le mouton a rené de ses cendres et regagna son troupeau.
Plusieurs plaintes ont été déposées contre Da Jamaa : celle de Brik, celle d'un villageois qui a perdu sa grand-mère ayant senti le rôti et ne pouvant l'avoir, et enfin celle d'une femme ayant été blessée par Da Jamaa après avoir intervenu pour départager Da Jamaa et Brik.
Vint le jour du jugement. Le Kadi accompagné de « Amghar » s'installent confortablement pour départager Da Jamaa et ses accusateurs.
Toutes les accusations ont été érigés en contre-accusations : Brik devait se plier à la volonté de Dieu qui redonna vie à son mouton ; la femme blessée ne devait pas intervenir parce que c'est au Makhzen que revenait la tâche de départager les gens et le villageois ayant perdu sa grand-mère n'avait pas le droit de circuler dans les zones « réservées ».
Avant même la levée de la séance, l'épouse du Kadi « Toufella » fait son entrée dans la salle. Le Kadi quitte aussitôt son fauteuil apeuré. Sa femme lui reproche de ne pas faire le ménage quotidien avant de sortir délibérer. Un sentiment de soulagement règne alors dans la salle et les « accusés-accusateurs » reformulent non sans difficulté leurs accusations au « nouveau Kadi » qui n'est autre que l'épouse du Kadi « Toufella », qui leur a rendu justice.
Ainsi, « Tamazirt » découvre les bienfaits du nouveau concept de l'autorité basé sur la protection des droits humains et l'autorité au service du citoyen.


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