La violence sexuelle contre les enfants est une menace universelle et se produit partout dans le monde indépendamment du succès économique d'un pays. Les conséquences émotionnelles et sanitaires de ce fléau persistent à long terme et ses impacts socio-économiques peuvent être dévastateurs. L'indice Out of the Shadows, élaboré avec le soutien de la World Childhood Foundation et de l'Oak Foundation, et avec l'aide additionnelle de la Carlson Family Foundation, montre que les gouvernements, le secteur privé et la société civile n'agissent pas assez pour protéger les enfants de la violence sexuelle et atteindre ainsi les objectifs de développement durable de l'ONU, qui préconisent de mettre fin à toutes les formes de violence contre les enfants d'ici 2030. L'indice, qui évalue principalement les politiques, les pratiques et les normes de protection de l'enfant contre les violences sexuelles, couvre 85% de la population mondiale âgée de moins de 19 ans, et mesure la manière dont 60 pays luttent contre l'exploitation et les agressions sexuelles à l'égard des enfants. Le Maroc fait partie de ses 60 pays. Sur un score de 100, le pays rentre dans la catégories des pays où les mesures prises par le gouvernement, le secteur privé et la société civile, pour lutter contre la violence sexuelle commise à l'égard des enfants, restent médiocres avec un score de 47.7. Ce score a été mesuré selon plusieurs critères à savoir l'environnement, le cadre juridique, l'engagement et les capacités du gouvernement ainsi que l'engagement des industries de la société civile et des médias. Selon l'étude, le Maroc a adopté plusieurs politiques et lois nationales visant à lutter contre la maltraitance et l'exploitation des enfants. Selon le rapport, les données collectées et l'engagement de l'industrie technologique doivent être renforcés. Les abus sexuels et l'exploitation des enfants En ce qui concerne les progrès réalisés par le Royaume, l'étude monte que sur le plan national et politique, le pays a mis en place plusieurs plans d'action nationaux qui se concentrent sur les abus sexuels et l'exploitation des enfants, comme le programme de soutien aux femmes et enfants victimes de violence qui est un outil qui permet de lutter contre la violence faite aux enfants. Sur le plan juridique, l'étude souligne que les lois au Maroc prévoient des protections non sexistes des enfants contre le trafic et l'exploitation à des fins sexuelles, et contre les abus sexuels. Pour sa part, le gouvernement recueille et publie les données sur les cas d'exploitation et d'abus sexuels d'enfants dans le pays, et contre l'exploitation sexuelle. L'étude revient également sur le plan d'action national pour l'enfant «Maroc digne de ses enfants», réalisé en 2008 et qui a élaboré un guide de prise en charge médicale des femmes et des enfants victimes de violence et de mauvais traitements, distribué à la police, et aux tribunaux. Cela montre que le Maroc réalisé des avancés timide en termes de protection de l'enfant et la lutte contre la violence sexuelle à son encontre. Cependant, la question posée dans cette étude est : que faut-il faire de plus pour lutter définitivement contre la violence ? D'après l'étude, les informations et la collecte de données disponible sur la prévalence des abus et de l'exploitation sexuels des enfants sont faibles. En gros, la direction générale de la sécurité nationale (DGSN) recueille des données sur les cas signalés d'abus sexuel sur des enfants, mais pas sur sa prévalence. Aucune loi n'oblige les opérateurs Internet au Maroc à signaler les abus sexuels En ce qui concerne les engagements pris par l'industrie technologique au Maroc, l'étude démontre que le pays n'a pas encore de notification et système de retrait permettant au public de signaler des contenus d'abus sexuel contre un enfant afin qu'il puisse être rapidement retiré d'Internet (réseaux sociaux, site pornographique ...), puisque le Maroc ne fait pas partie du réseau international d'avis et de retrait sur internet. Côté loi, le Royaume ne semble pas avoir de loi spécifique pour répondre aux cas d'abus et d'exploitation sexuels sur les enfants et les protéger des risques d'internet, rapporte l'étude, puisqu'aucune loi n'oblige les opérateurs Internet au Maroc à signaler toute représentation suspectée ou détectée un abus et exploitation sexuels. Les lois qui criminalisent l'exposition en ligne des enfants comme étant une marchandise sont incidemment absentes. D'ailleurs, une étude de l'UNICEF sur le Maroc note qu'il n'existe aucune loi qui oblige à déclarer, au niveau national, les cas d'enfants utilisés pour des fins pornographiques. Pour en savoir plus sur la violence sexuelle faite aux enfants et les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre ce drame, Hespress Fr a interrogé Najat Anwar, présidente de l'ONG «Touche pas à mon enfant». Najat Anwar Hespress Fr : Est-ce que le Maroc dispose d'une politique et des lois qui protègent réellement l'enfant contre l'abus sexuel au quotidien et dans la vie réelle. Et que doit faire le gouvernement marocain de plus pour mettre fin à cet abus ? Najat Anwar : En toute franchise, dire que des avancées en matière de protection de l'enfance n'ont pas été réalisées au Maroc, par l'institutionnel, serait une injustice de ma part. Cependant, j'estime qu'il y a encore un chemin à faire. Il faut impérativement harmoniser nos lois nationales par rapport aux standards internationaux, aux conventions ratifiées et signées, par le Maroc. Ensuite il faut rendre opérationnel l'article 12 de la constitution qui élargit les prérogatives de la société civile. Nous sommes toujours dans l'expectative d'une loi organique qui tarde à voir le jour. Enfin, il est nécessaire d'encourager les initiatives de partenariat institutionnel- société civile. Et je profite de l'occasion pour vous rappeler le partenariat liant l'initiative nationale de développement humain, la direction générale des collectivités locales et l'organisation ne touche pas à mon enfant, pour la création d'une unité sociale de proximité nommée «hna maak» (on est avec toi). Cette expérience inédite a vu le jour à Taroudant et s'étendra, nous l'espérons à l'ensemble des villes du Maroc. L'étude montre que le Maroc ne dispose pas de technologie de pointe pour stopper l'abus sexuel sur Internet (réseaux sociaux). Par exemple, un système de notification qui permet aux individus de signaler un contenu d'abus sexuel contre un enfant pour qu'il soit retiré. Même les fournisseurs d'Internet n'ont pas la main de stopper ce genre de contenu. A quoi, selon vous, est dû ce retard ? Le gouvernement a pour mission de préserver les intérêts des mineurs et de les protéger. En fait, il y a un retard au niveau du gouvernement face à l'exploitation des mineurs par internet. Notre ONG a toujours demandé à partir de ses communiqués et recommandations au gouvernement la protection des enfants mineurs face à la maltraitance et l'exploitation. Comment «Touche pas à mon enfant» a pu contribuer à la protection de l'enfant contre les abus en général, et l'abus sexuel en particulier ? Notre organisation s'appuie sur les médias et notre mission nécessite d'entrer dans l'intimité des gens, leur domicile, à travers également des campagnes de sensibilisation au sein des écoles afin de mettre un terme à la notion de «hchouma», du scandale et de la honte. Nous espérons que les victimes ainsi que leurs familles pourront échanger sans crainte et partager leurs douleurs. Pour mettre un terme à ces pratiques, nous devons apporter nos messages de sensibilisation au sein du foyer, en passant par l'école pour arriver à la société, le gouvernement, ensuite le législateur et enfin la justice.