Plus de deux milliards de personnes vivent dans des pays soumis à un stress hydrique physique élevé. Et le Maroc fait partie du top 20 des pays les plus touchés, selon un rapport de l'ONU. Pour remédier à cette situation, les autorités marocaines mènent des actions pour mobiliser de nouvelles sources en eau, mais surtout rationaliser l'utilisation de l'eau disponible, afin d'éviter son exploitation abusive. Les ressources en eau se font de plus en plus rares à cause du réchauffement climatique, de l'industrialisation, de la population grandissante. Près de 40% de la population est touchée par la pénurie d'eau et cette donnée va empirer dans les 25 années à venir. Aujourd'hui, la pénurie d'eau touche de nombreux pays mais les zones les plus atteintes restent le Maghreb et le Moyen-Orient. Selon les données fournies par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), l'accentuation du dérèglement climatique et la persistance du déséquilibre entre les disponibilités et les besoins en eau constituent des facteurs aggravants de nature à alimenter un déficit hydrique important au Maroc à l'horizon 2030. Celui-ci pourrait atteindre 2,3 milliards de m3, avec une demande prévue de l'ordre de 14,8 milliards de m3, dépassant les ressources mobilisées qui s'élèveraient à près de 12,5 milliards de m3. En outre, la surexploitation des ressources en eau souterraine (un volume exploité de 4,3 milliards de m3 contre un volume exploitable de 3,4 milliards de m3, engendre un déficit annuel de près d'un milliard de m3), notamment au niveau des bassins de l'Oum Er Rbiaa, du Souss-Massa-Drâa, du Tensift, de Sebou et du Bouregreg. Pourtant les solutions ne manquent pas telles que la récupération de l'eau des pluies ou la réutilisation des eaux usées pour l'arrosage des espaces verts, qui permettent de limiter les pics de consommation. Un patrimoine de 140 grands barrages D'après les chiffres fournis dans le cadre d'une nouvelle édition de la publication de la DEPF, intitulée «Tableau de bord sectoriel de l'économie marocaine», rendue publique en février 2019, la production d'eau potable au Maroc est de 1168 millions de m3 en 2017. Le potentiel des ressources en eau renouvelables au Maroc est évalué actuellement à 22 milliards de m3 par an, soit l'équivalent de 650 m3 /habitant/an contre 2.560 m3 en 1960, représentant ainsi une baisse de 74,6%. Plusieurs facteurs concomitants laissent entrevoir le risque de passage du Maroc d'une situation de stress hydrique à celle de la pénurie d'eau. Les besoins actuels en eau dépassent de plus en plus les ressources renouvelables disponibles, sous l'effet particulièrement de la pression démographique, de la dégradation de la qualité des eaux à cause des rejets et du retard accumulé en matière d'assainissement notamment en milieu rural. En particulier, les besoins sans cesse croissants de certains secteurs comme l'agriculture suscitent d'importants défis. Ce secteur consomme près de 85% des ressources en eau renouvelables, soit un niveau supérieur à la moyenne mondiale qui est d'environ 70%2. En outre, la gestion de l'eau en agriculture reste marquée par une faible valorisation de la ressource (faiblesse de l'efficience à la parcelle pour l'irrigation de surface (50%), tarifs d'eau agricole inadaptés et retard dans l'équipement des superficies à l'aval des barrages existants. En matière de développement de l'offre hydrique et de sa diversification, les actions engagées par les autorités marocaines ont permis de disposer actuellement de 140 grands barrages, d'une capacité globale de plus de 17,6 milliards de m3, et de plusieurs milliers de forages et de puits pour capter les eaux souterraines. Ceci, en plus de 14 grands barrages et une dizaine de petits barrages qui sont en cours de construction, avec une capacité supplémentaire de stockage de près de 3,5 milliards de m3. Recours aux ressources en eau non conventionnelles Outre l'accélération de la cadence des investissements dans les infrastructures hydrauliques, le Maroc a de plus en plus recours aux ressources en eau non conventionnelles à travers la réutilisation des eaux usées et le dessalement de l'eau de mer. En termes de réutilisation des eaux usées, des conventions ont été signées et mise en œuvre dans le cadre du plan national pour la réutilisation des eaux usées épurées. Ces conventions concernent, notamment, l'arrosage des golfs et des espaces verts ainsi que l'irrigation des périmètres agricoles. Le plan de réutilisation des eaux permettra la mobilisation d'un volume additionnel de 325 millions de m3 à l'horizon 2030, soit un taux d'épuration des eaux usées de 100%. Concernant le dessalement d'eau de mer, un volume de 510 millions de m3 par an a été fixé comme objectif à atteindre à l'horizon 2030 par le Plan National de l'Eau. Dans ce cadre, un grand projet de dessalement de l'eau de mer a été lancé pour le renforcement de l'approvisionnement en eau potable de la ville d'Agadir et l'irrigation de la zone de Chtouka. De même, des études techniques sont en cours de lancement concernant le dessalement de l'eau de mer en faveur de la zone du Grand Casablanca. Sur le plan réglementaire et législatif relatif à la gestion de l'eau, des efforts importants ont été consentis, notamment avec l'adoption en août 2016 d'une nouvelle loi sur l'eau (n°36/15) qui, tout en poursuivant les objectifs de la loi 10/95, prévoit, en particulier, une simplification des procédures d'utilisation du domaine public hydraulique, le renforcement de la police de l'eau, ainsi que la mise en place d'un cadre réglementaire adéquat aussi bien pour favoriser la valorisation et l'utilisation des eaux usées que pour le dessalement des eaux de mer. Cette nouvelle loi prévoit également de renforcer et clarifier les attributions du Conseil Supérieur de l'Eau et du Climat, en lui accordant une vocation consultative au sujet des plans directeurs d'aménagement intégré des ressources en eau au niveau des bassins hydraulique. Plan national de l'Eau à l'horizon 2030 Face au contexte de changement climatique et à la rareté hydrique, la mise en œuvre de nombreuses actions d'envergure se poursuit dans le cadre du Plan national de l'Eau à l'horizon 2030. Ces actions portent essentiellement sur la gestion rationnelle de la demande en eau et sa valorisation, la diversification des sources d'approvisionnement en eau, ainsi que sur l'amélioration de la qualité des ressources hydriques et de la gouvernance dans le cadre de la nouvelle loi sur l'eau (36-15). Ainsi, en matière de gestion de la demande en eau et de valorisation de la ressource, la généralisation de l'accès à l'eau potable, en particulier dans les zones rurales et montagneuses s'est accélérée. Le taux de raccordement, dans le cadre du Programme d'Approvisionnement Groupé en Eau Potable rural (PAGER), a atteint 96,5% à fin 2017. Pour ce qui est des rendements des réseaux de distribution d'eau potable, le programme d'économie d'eau potable adopté a permis d'enregistrer quelques avancées pour porter ce rendement à 76,5%2 en 2017 et devrait se situer à 80% à l'horizon 2025. En outre, dans le cadre du programme de reconversion à l'irrigation localisée, qui sera poursuivi jusqu'à l'horizon 2030, la superficie totale reconvertie a atteint 540.000 ha à fin 2017 (soit 98% de l'objectif de reconversion fixé en 2020 à savoir 550.000 ha), conclut la DEPF.