En délibérant, hier vendredi 15 février, son avis défavorable au projet de plafonnement des marges bénéficiaires des hydrocarbures, le Conseil de la concurrence a également émis quelques recommandations. Son but, selon le président Drisse Guerraoui : «répondre aux dysfonctionnements de nature structurelle» que connait ce marché, totalement libéralisé en décembre 2015. Précisions. Au lieu d'agir sur le marché des hydrocarbures en plafonnant les prix, le Conseil de la concurrence recommande au gouvernement de s'intéresser plutôt à quatre leviers qu'il juge «essentiels». Sur l'amont et sur l'aval de cette structure complexe impliquant des intervenants nationaux et étrangers, le président Driss Guerraoui estime que le marché des hydrocarbures peut être rendu «plus concurrentiel» et «en phase avec les objectifs stratégiques». En la matière, le responsable dénombre trois objectif : la sécurisation de l'approvisionnement, l'efficacité économique et «la justice sociale». Comment faudrait-il s'y prendre ? En amont toute ! Le Conseil de la concurrence considère que la dynamisation de la concurrence «ne pourra pas se réaliser en agissant uniquement sur la réglementation des prix en détail et des marges». L'institution privilégie le segment amont de ce marché. Driss Guerraoui recommande ainsi d'«agir sur les autres niveaux de la chaîne de valeur» et déclencher «un processus concurrentiel intégré englobant aussi l'amont du secteur». Dans ce cadre, il recommande une «réappropriation nationale» de l'activité du raffinage. Une opération qui permettrait, selon le responsable, au(x) structure(s) en charge du raffinage de jouer le rôle de contre-pouvoir vis-à-vis des opérateurs dominants dans les segments d'importation, du stockage et de la distribution en gros. Au Maroc, l'unique structure capable de remplir ce rôle est la Samir. Privatisée en 1997, l'entreprise est aujourd'hui en arrêt de mort, plombée par un long feuilleton judiciaire où son propriétaire, le magnat éthiopien naturalisé saoudien refuse de céder la moindre concession. Le Conseil de la concurrence recommande néanmoins au gouvernement de mettre en place «un dispositif spécifique d'encouragement de l'investissement dans l'industrie de raffinage privé, ou dans dans le cadre d'un partenariat public-privé». La possibilité pour l'Etat de prendre en charge l'émergence d'une structure équivalente à la Samir est exclue par le Conseil. Stockistes et indépendants Le Conseil de la concurrence fait que remarquer que l'importation et la distribution des carburants au Maroc est corrélé au stockage. Favorable à l'accès de nouveaux opérateurs sur le marché national, l'institution suggère de développer le métier de stockiste indépendant. «L'idée est d'encourager les investissements dans les capacités de stockage par des tiers indépendants», expliquait Driss Guerraoui, hier. Pour ce faire, le Conseil recommande la mise en place d'un dispositif facilitant les procédures de création de nouvelles capacités de stockage, ou de l'extension de celles existantes. Il s'agit aussi, selon le Conseil, de «créer un cadre incitatif offrant une visibilité à l'investissement dans ce segment du marché». Davantage de vendeurs… en détails Le Maroc compte 2477 stations-services. A première vue, l'existence d'un nombre important de pompes à essence et gasoil devrait assurer un état de concurrence entre les différents distributeurs pétroliers. Tel n'est pas le cas. Pour améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché de détail au Maroc, le Conseil de la Concurrence propose au gouvernement de «substituer le régime des agréments», applicable aux stations-services par «un simple système déclaratif». Dans cette option, l'obligation de disposer d'un réseau de 30 stations-services au minimum pour prétendre à opérer dans le secteur devra être «supprimée» d'après Driss Guerraoui. En lieu et place, le président recommande le gouvernement d'«encourager» la création d'unités de distribution indépendantes, mais aussi de « supprimer » la règle de chaînage entre les station. Régulation : pour un énième watchdog Vous connaissez l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) ? Le Conseil de la concurrence estime que la création d'un établissement public, à même de s'assurer que les entreprises n'agissent pas illégalement ou de manière anticoncurrentielle. On préconise ainsi d'attribuer la régulation technique et économique du marché des hydrocarbures à une future Autorité nationale de régulation de l'énergie. Outre le Conseil de la concurrence, le Maroc aurait, suivant cette recommandation, un nouvel organe public accompagnant le marché des hydrocarbures vers une maturité concurrentielle.