Et si Emmanuel Macron était finalement le grand perdant de cette dissolution avant même que les élections législatives anticipées ne produisent leurs résultats ? Mauvais calculs, stratégie improvisée, décision prise sur un coup de sang et une lecture erronée des réalités politiques, Macron risque fort de payer tout cela et la facture risque d'être salée. Et pour cause. Alors que les pronostics vont bon train sur les éventuelles issues de ces élections législatives anticipées, il y a une certitude qui s'impose à tous. La situation du président Emmanuel Macron n'a aucune chance de s'améliorer. Le but de cette dissolution étant théoriquement de lui procurer une majorité encore plus large que celle dont il disposait à l'issue des législatives de 2022. Or il risque de se retrouver démuni de tout. Seul à affronter au mieux une expérience castratrice de la cohabitation, au pire une véritable crise de régime. En attendant les résultats de ces élections anticipées, Emmanuel Macron traverse une phase délicate où il n'est pas présenté sous son meilleur jour pour utiliser un euphémisme accentué. Déjà son entourage, aussi bien à l'Elysée qu'au sein du gouvernement ou dans la majorité présidentielle, trouve une difficulté énorme à justifier ou à comprendre les tenants et les aboutissants de cette dissolution. Tous la perçoivent, sans oser le dire publiquement, comme une tentative de suicide politique, ou dans le meilleur des cas, un très mauvais choix stratégique d'un homme qui s'est toujours targué d'être doté d'une intelligence et d'un flair politique hors du commun. Signe des temps et des humeurs qui ne trompent pas, ils sont extrêmement rares les candidats à la nouvelle législature qui osent afficher un portrait d'Emmanuel Macron sur leurs matériels de séduction électorale. Avec cette conviction à peine camouflée: Non seulement Macron ne peut plus faire gagner une élection mais sa présence peut être handicapante. L'effet Magique d'Emmanuel Macron qui l'avait porté au pouvoir, s'est estompé sous une double et amère réalité. Le bilan très contestable de sa gouvernance et sa décision de se livrer à un Hara-kiri général qui a dissout son gouvernement et sa majorité relative. Sauf miracle, Emmanuel Macron risque de subir une cohabitation. Soit avec une extrême droite conquérante, soit avec un Front populaire revigorée. Dans tous les cas de figure, l'hypothèse que la majorité présidentielle sur laquelle officiellement il mise pour rêver élargir sa majorité est sur les rotules. Après son échec aux européennes, elle ne trouve plus suffisamment de jus et de dynamique pour se relancer sur une autre campagne électorale. D'autant plus que face à toutes les promesses électorales qu'elle peut formuler pour séduire, cette majorité présidentielle aura pour réponse cette tranchante réplique : que vous ne l'avez pas fait quand vous aviez tous les leviers du pouvoir. En l'absence d'une performance qui lui redonne une majorité au parlement, Emmanuel Macron sera contraint de subir l'agenda des autres partis politiques incarnés par les deux extrêmes, droite et gauche. Pour ceux qui lui prédisent une séquence invivable où le président Jupiter risque de se transformer en Reine d'Angleterre dont la mission principale tourne autour des inaugurations officielles, l'expérience de la cohabitation, quelles que soient les limites de pouvoir qu'elle imposera à la présidence, sera une douce expérience par rapport à l'hypothèse d'une véritable crise de régime dans le cas fort probable où aucune force politique ne parvient à arracher une majorité pour gouverner et dans le cas encore plus grave où ces échecs rendraient impossible toute alliance entre les partis pour dégager une majorité. Dans ce cas précis, tout à fait plausible, Emmanuel Macron campera au centre de cette crise institutionnelle ou crise de régime dont la solution et la sortie ne peuvent se passer d'une démission du président et d'une élection présidentielle anticipée. Il est vrai que jusqu'à présent, Emmanuel Macron a balayé d'un revers de la main cette hypothèse de démission. Mais comment le croire sur parole quand quelques jours seulement avant le scrutin européen, il affirmait à ses troupes qu'il ne sera jamais question de dissolution de parlement comme le demande l'extrême droite, à partir du moment où il sera difficile de penser que ces élections européennes, par définition internationales, auront un impact sur le plan national. Au soir de ce fameux 9 juin, Emmanuel Macron a décidé, sans crier gare, d'embarquer la France, qui s'apprête à accueillir les jeux olympiques, dans une aventure politique, électorale qui pourra avoir de graves répercussions sur l'architecture institutionnelle du pays et qui, plus grave encore, risque de rendre le pays ingouvernable pour au moins une année. Une chose est certaine, Emmanuel Macron sortira lessivé de cette expérience. Et sur un coup de poker dont l'enveloppe ne trompe personne, il risque de perdre toute sa mise et celle de sa majorité et se retrouver totalement nu.