Avec la sécheresse persistante au Maroc ces dernières années, la production d'olives lors de la campagne 2022-2023 a considérablement chuté par rapport aux années précédentes, pour atteindre 1 million de tonnes, nécessitant l'adoption des techniques d'irrigation modernes et rationnelles pour garantir la survie de cette culture emblématique. L'Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) a organisé, mercredi 28 février 2024, un webinaire mettant en lumière la filière oléicole. Cette conférence en ligne, ayant rassemblé des experts de l'UM6P, de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'African Plant Nutrition Institute (APNI), a été l'occasion de faire le point sur les plateformes de démonstration pour la culture de l'olivier, dans le cadre de la campagne agricole 2022-2023, relevant de l'initiative Al Moutmir. La filière oléicole au Maroc avait particulièrement souffert des changements climatiques au cours des dernières années. L'augmentation des températures et les épisodes successifs de sécheresse, entraînant une baisse significative des réserves d'eau, ont fortement impacté la production d'olives dans les zones humides du centre du Royaume, a fait savoir Belkassem Boulouha, expert et professeur à l'UM6P. Selon le spécialiste, l'impact du climat sur la production d'olives a été notablement ressenti dans des régions telles qu'Al Haouz, Essaouira, Safi et Taroudant qui ont enregistré une baisse significative de 42% de leur production. Les régions de Béni Mellal et Khénifra ont également été touchées, avec une baisse de 10%, tandis que dans les régions du nord-est ont connu une baisse de 17%. Par conséquent, la production d'olives a subi une forte baisse, passant de 1,9 million de tonnes lors de la campagne agricole 2020/2021 à seulement 1 million de tonnes lors de la campagne 2021/2022, puis à nouveau à 1 million de tonnes lors de la campagne 2022/2023, a dévoilé Pr Boulouha. De son côté, Abdelaziz Bouizgaren, chercheur à l'INRA, a expliqué que la rentabilité de la culture de l'olivier est remise en question lorsque les précipitations annuelles ne dépassent pas 450 mm. Il a également affirmé que les variations saisonnières et annuelles des précipitations ainsi que les périodes de sécheresse prolongées affectent également cette culture. Cependant, le chercheur a signalé que la sur-irrigation peut nuire à la qualité des produits et exercer une pression supplémentaire sur les eaux souterraines, plaidant ainsi pour une gestion plus rationnelle et l'adoption de techniques d'irrigation modernes et efficaces pour réduire la consommation d'eau et faire face à la rareté de cette source vitale. En ce sens, Bouizgaren a recommandé la conversion de l'irrigation de surface à l'irrigation localisée, notamment de l'irrigation traditionnelle à l'irrigation goutte-à-goutte. Il a noté que cette transition est souvent difficile et peut échouer. En revanche, les agriculteurs peuvent utiliser des techniques tribales pour assurer son bon fonctionnement. Quant à la fertilisation rationnelle des vergers d'oliviers, Hakim Boulal, chercheur à l'APNI, a mis en évidence l'importance de la nutrition raisonnée qui joue un rôle essentiel dans la culture des oliviers, garantissant des rendements stables, une croissance végétative saine et une qualité optimale de l'huile produite. Pour cela, il est primordial de satisfaire les besoins nutritionnels spécifiques de l'olivier tout en minimisant l'impact environnemental, notamment en préservant la qualité des sols et des nappes phréatiques. De plus, il est nécessaire d'éviter les excès de nutriments qui pourraient nuire à la santé de l'arbre et à la qualité des olives récoltées. D'après Boulal, en adoptant une approche de nutrition raisonnée, les agriculteurs peuvent non seulement améliorer leur rendement, mais aussi contribuer à la durabilité de leur production et à la préservation de l'environnement. S'agissant des plateformes de démonstration relevant de l'initiative Al Moutmir, Choukri El Mustapha, ingénieur agronome à Al Moutmir – UM6P, a affirmé que malgré les conditions climatiques difficiles, ces plateformes ont montré des résultats prometteurs au niveau de la filière oléicole. Dans cette optique, Choukri a mis en lumière les objectifs de l'initiative Al Moutmir, dont la transition vers des systèmes agricoles complets et durables, essentielle pour stimuler la production tout en préservant les ressources naturelles et en améliorant la situation sociale des agriculteurs. Cette transition, selon l'ingénieur, implique une identification précise des besoins des sols, un accès aux marchés, des solutions de fertilisation adaptées, et des services d'accompagnement spécialisés (plus de 80 ingénieurs agronomes). Parallèlement, des efforts sont déployés pour contribuer à l'amélioration sociale à travers des programmes agricoles alternatifs, garantissant une nutrition équilibrée des cultures et offrant des solutions de fertilisation gratuites via des laboratoires mobiles, a-t-il ajouté. D'après le spécialiste, le programme intégrée de management des cultures (IPC) a permis d'améliorer le rendement de 15 à 23 % par rapport au groupe témoin, ainsi que la qualité de la production, notamment en ce qui concerne le poids moyen des fruits et leur maturité. De plus, la marge bénéficiaire a augmenté de 14 à 26% par rapport au groupe témoin. Le programme a également contribué à améliorer la croissance végétative et à résoudre les problèmes de santé des plantes. Le principe de durabilité a été mis en avant, avec un impact positif cumulatif constaté après la réinstallation des plateformes dans certaines vergers d'oliviers. Par ailleurs, Choukri a révélé que lors de la campagne agricole 2022/2023, un total de 1.251 plateformes ont été mises en place, couvrant 27 provinces et 132 communes, au bénéfice de 480 agriculteurs, dont certains ont partagé leur expérience via le webinaire et ont exprimé leur satisfaction quant aux résultats obtenus grâce aux plateformes de démonstration relevant de l'initiative Al Moutmir, ainsi qu'à l'accompagnement minutieux et technique des spécialistes.