Le modèle économique sur lequel repose le marché des manuels scolaires produit des résultats inverses, selon le Conseil de la Concurrence (CC), en ce sens qu'il repose sur une offre et une demande artificiellement soutenues par des fonds publics et semi-publics, et ne correspond pas du tout à la réalité économique du marché. Dans son avis sur « La concurrence sur le marché des manuels scolaires« , le Conseil a indiqué que le marché des livres scolaires connaît une production massive allant de 25 à 30 millions d'exemplaires de cahiers programmés et conçus pour être utilisés « une seule fois », ce qui équivaut à une consommation de 3 à 4 livres en moyenne par élève chaque année, entraînant ainsi un gaspillage énorme de ressources, de matériaux et d'énergie au Maroc. Dans le même contexte, le Conseil a noté l'absence sur le marché de manuel scolaire doté d'un support numérique complémentaire, contrairement à d'autres pays où le manuel imprimé est souvent accompagné d'un ensemble de contenus numériques. Il a également constaté une concentration géographique élevée des éditeurs, principalement à Casablanca et Rabat. De plus, les quatre premiers groupes d'éditeurs contrôlent plus de 53% du marché des manuels scolaires. Si le cinquième groupe est inclus, cette part augmente à 63%. La structure dirigée par Ahmed Rahhou, révèle en outre que la fermeture du marché des manuels scolaires à ses débuts a conduit à la création de véritables rentes que les mêmes éditeurs agréés ont accumulées depuis vingt ans, notant que leur part de marché est restée presque stable au cours de cette période. Le développement quantitatif du marché des manuels scolaires a été réalisé aux dépens de sa qualité, en faisant un produit commercial simple où les considérations de coût de production l'emportent largement sur les considérations de contenu, souligne encore le Conseil, qui fait également noter que les prix des manuels scolaires fixés par l'État n'ont pas été révisés depuis la période de 2002 à 2008. Il n'y a pas eu de respect de la procédure légale et réglementaire pour leur fixation dans la plupart des cas, soutient il. Il recommande à cet égard une révision en profondeur du modèle économique sur lequel repose le marché des manuels scolaires en l'intégrant comme élément central des politiques publiques visant à réformer l'éducation. Cette révision devrait se baser sur une logique économique qui encourage la créativité et l'innovation, tout en tenant compte des spécificités culturelles et sociales du pays. Le Conseil a également appelé à une révision approfondie des rôles et des missions du ministère de l'Éducation nationale liés aux manuels scolaires. Cette réforme doit s'inscrire dans le cadre des politiques publiques liées à l'éducation. Étant donné que les manuels scolaires sont une question d'intérêt national, l'État, le secteur privé et les chercheurs académiques doivent participer pleinement à leur élaboration, a-t-il préconisé. Dans le même contexte, il a recommandé la création d'un nouveau cadre législatif et réglementaire qui favorise la visibilité et la lisibilité des acteurs concernés. Il considère que l'expérience a montré que la réglementation administrative actuelle du marché des manuels scolaires ne garantit ni la sécurité juridique ni la visibilité en faveur des industriels souhaitant investir dans le marché de l'édition en général, et dans les manuels scolaires en particulier. Et d'insister à ce propos sur la nécessité de faire de la production de manuels scolaires destinés aux cycles primaire et secondaire une compétence de l'État en tant que fondement de la souveraineté nationale, de manière à ce que l'État continue à détenir le droit de les produire et les droits d'auteur qui y sont associés, et qu'il vise à créer une institution qui serve l'unité nationale, son identité et ses valeurs. A noter que cette initiative d'avis émis par le Conseil de la Concurrence vise à dresser un diagnostic de la situation de la concurrence sur le marché des manuels scolaires au Maroc, conformément aux dispositions des paragraphes trois et quatre de l'article 4 de la loi 20.13 relative au Conseil de la Concurrence, telle que modifiée et complétée, qui permettent au Conseil d'examiner, de sa propre initiative, toutes les pratiques susceptibles de porter atteinte à la concurrence libre. Cela lui permet également d'examiner de sa propre initiative toute violation des engagements pris par les parties dans le cadre d'une opération de concentration économique dans le cadre du contrôle de l'administration de cette opération, ainsi que des pratiques consistant à ne pas respecter les règles énoncées dans la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence et concernant la notification des opérations de concentration économique et le respect des décisions du Conseil et de l'administration en matière de ces opérations.