Pour le Conseil économique social et environnemental (CESE), le secteur informel aggrave la vulnérabilité du marché du travail et fait perdre d'importantes recettes fiscales pour l'Etat, d'où de graves dommages à l'économie nationale. C'est en tous cas l'une des conclusions d'un avis consultatif préparé par le Conseil économique, social et environnemental sur l'économie informelle au Maroc, qui devrait être au centre des discussions à la Chambre des conseillers la semaine prochaine. A travers cet avis, dont Hespress a copie, le CESE entend souligner la nécessité pour les pouvoirs publics d'aborder en priorité le problème de l'économie informelle au Maroc, d'autant plus qu'une volonté politique s'est clairement exprimée en la matière au plus haut niveau de l'Etat. En effet, le Roi Mohammed VI dans son discours du Trône du 29 juillet 2020 avait indiqué que l'importance du secteur informel est l'une des lacunes révélées par la crise sanitaire du Covid-19, soulignant que « la généralisation de la couverture sociale devrait constituer un levier d'intégration du secteur informel dans le tissu économique national ». Le CESE a noté que l'économie informelle au Maroc se caractérise par une multiplicité de ses composantes et de ses catégories et que les formes de l'économie informelle, à l'exception de celle de subsistance, constituent une menace réelle pour notre pays. Et de citer, la contrebande et les activités économiques cachées pratiquées par les entreprises structurées (déclaration incomplète du nombre de transactions et du nombre d'employés, etc.), en plus d'unités de production non organisées qui concurrencent le secteur organisé et qui échappent délibérément à leurs obligations fiscales malgré la disponibilité des ressources nécessaires. Le document susmentionné du CESE soulignait que l'économie informelle faisait perdre d'importantes ressources sur le budget de l'Etat. En conséquence, cela fragilise sa capacité à financer l'offre de services publics, les ressources perdues pour l'État du fait de cette situation sont estimées à environ 40 milliards de dirhams par an, selon une étude de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM) réalisée en 2014. Le CESE a également lié la croissance de l'économie informelle, qui représente environ 29 % du produit intérieur brut (PIB). Ceci est incompatible avec la mise en œuvre effective de l'état de droit, poursuit l'avis, soulignant la nécessité d'accélérer le développement de mesures pour éviter la transformation du secteur informel en un facteur d'instabilité dans l'ensemble des niveaux économique, social et sécuritaire. Le rapport du CESE indique que la diffusion d'activités économiques non réglementées a permis, jusqu'à aujourd'hui, à de larges segments de la population de trouver une source de subsistance et d'échapper au chômage, particulièrement à la population active assez peu qualifiée. Cette prolifération permet également la fourniture de biens et services à des prix plus adaptés au pouvoir d'achat des groupes les plus défavorisés. D'autre part, le CESE indique que cette économie informelle a profité principalement à quelques groupes qui exploitent la faiblesse et la vulnérabilité sociale de larges segments de la population. Elle contribue également à entretenir la duplication du système de production, à retarder la transformation structurelle de l'économie et à fragiliser les éléments du contrat social entre l'Etat et les différents acteurs sociaux et économiques. Programmes d'intégration limités Bien que les pouvoirs publics aient lancé de nombreux programmes visant à intégrer l'économie informelle, le CESE a indiqué que leur impact restait limité. Ceci est dû à de nombreuses raisons liées notamment au niveau insuffisant de réhabilitation qui exclut de nombreux résidents actifs de l'emploi dans l'économie organisée et l'existence d'un système de protection sociale encore faiblement intégré. Le Conseil a également abordé le problème de la représentation des acteurs travaillant dans l'économie informelle, et la présence de barrières légales et réglementaires qui entravent le processus d'intégration de l'économie informelle, ainsi que la difficulté d'accéder au financement et au marché. D'autre part, l'avis a considéré que le volume important des échanges et la performance des espèces dans les transactions au Maroc sont parmi les facteurs qui contribuent à la croissance des activités de l'économie informelle et des activités illégales dans notre économie (blanchiment d'argent, contrebande, etc.). Cependant, l'élaboration d'une stratégie nationale d'inclusion financière permettrait de réduire ce phénomène à long terme. Le document indique que la persistance de l'économie informelle à des niveaux élevés allant jusqu'à 29 % du PIB ralentit le rythme de la transformation structurelle de l'économie, compte tenu de la faible productivité du secteur informel. L'augmentation continue du nombre d'unités de production non organisées reflète et perpétue en même temps la fragilité du tissu productif national, étant donné que la majorité de ces unités sont des structures de très petite taille et au capital faible et donc une position très vulnérable aux chocs économiques et aux aléas de la vie. Aussi, face aux difficultés que pose la question de l'économie informelle aux différentes approches qui cherchent à la combattre et à l'éradiquer, le CESE propose l'élaboration d'une stratégie intégrée et réaliste qui vise, par étape, à réduire la taille de l'économie informelle au Maroc. Selon l'institution constitutionnelle, qui exerce des missions de conseil sur les grands choix de développement et les politiques publiques dans les domaines économique et social, le développement durable et la régionalisation avancée, cette stratégie devrait pouvoir réduire progressivement la part de l'emploi informel à 20 % des emplois totaux. Ce qui est proche de la moyenne enregistrée auprès de groupes des pays développés. Le CESE souligne en outre que ce pourcentage souhaité devrait inclure, en particulier, les activités de subsistance ainsi que les unités de production non organisées avec des capacités limitées, tandis qu'une approche plus stricte devrait être adoptée visant à éliminer les activités illégales et cachées et les pratiques d'unités de production non organisées en concurrence avec les secteurs organisés. Le CESE a conclu que le succès de cette stratégie, dépend de la mesure dans laquelle le droit de chacun à l'égalité d'accès à des services publics de qualité est garanti, comme une indication du renforcement du concept d'Etat social, de sorte que la qualité des services sociaux, fournis par l'Etat, justifie les coûts résultant de l'intégration dans le secteur organisé et communiquer de manière ciblée et par des canaux appropriés pour la population cible sur les avantages et les options d'intégration dans le secteur organisé et autour des différentes mesures prises à cet égard. L'institution constitutionnelle a également appelé à la mise en place de mesures cohérentes au niveau des autres politiques publiques, telles que, réhabiliter le capital humain en accélérant la réforme du secteur de l'éducation pour une école publique de bonne qualité ouverte équitablement à tous les groupes sociaux, travailler systématiquement lors de l'élaboration des politiques sectorielles pour inclure des axes stratégiques directement liés à l'intégration de l'économie informelle et accélérer le traitement du déficit enregistré dans le domaine du développement dans les zones rurales, afin de réduire l'exode. Le CESE a également recommandé d'accélérer l'utilisation des performances mobiles et électroniques, qui s'inscrivent dans les objectifs de la stratégie nationale pour l'inclusion financière. Le CESE a noté que le but de ces ateliers est de réduire la portée des transactions non réglementées qui dépendent de l'utilisation d'espèces et d'augmenter la traçabilité des flux financiers afin de restreindre et de lutter contre les fraudes et les pratiques de non-divulgation, et autres. Pour atteindre cet objectif, l'Institution constitutionnelle a proposé de fournir des incitations appropriées pour encourager les transactions commerciales qui passent par des portefeuilles électroniques, et de fournir un soutien financier et une assistance technique aux commerçants et aux fournisseurs de services de micro-proximité pour l'utilisation généralisée des appareils de paiement mobile ou l'installation de dispositifs de paiement électronique. L'institution a également recommandé d'accompagner ces efforts, d'une campagne de communication efficace auprès des commerçants afin de les sensibiliser à l'importance des bénéfices souhaités de ces technologies.