Une étude qui diagnostique le mariage des mineures au Maroc présentée ce 29 novembre 2021 à Marrakech, à l'occasion d'une journée d'étude présidée par le Ministère Public, indique que près de 20.000 (19 926) demandes en mariage ont été soumises à la justice, et plus de 13.000 (13.335) ont été validées. Des statistiques en baisse de moitié par rapport à 2019 certes, mais qui restent tout de même dramatiques et qui occultent les mariages des mineures dans les chiffres annoncés, comme ceux sous la "juridiction" bénie de la "Fatiha" et d'autres, ce qui ajoute au dilemme et nécessite plus de vigilance et de concertation efforts à cet égard. Le Législateur marocain a autorisé l'exclusion du mariage pour les personnes ayant moins de l'âge d'éligibilité spécifié dans le Code de la famille qui est de 18 ans. De plus ce mariage est dans les textes, censé être ficelé et entouré de garanties et de contrôle. L'intention du Législateur étant d'atteindre son respect principalement en maintenant ce type de mariage dans son cadre exceptionnel, de manière à assurer la préservation de l'intérêt supérieur des enfants. Cependant, des données enregistrées chaque année indiquent que le mariage des mineures reste une réalité au Maroc rendant les lois, les institutions protectionnistes ainsi que les acteurs et activistes de la société civile, bien fragiles voire impuissants face à ce fléau, qui empêche les enfants de jouir de leurs droits, en les rendant plus vulnérables à la fatalité quelle qu'elle soit. Faut croire que juridiquement le mineur n'est pas entièrement protégé. En effet, la loi (Code de la famille 2004) exige l'obtention de l'autorisation dérogatoire d'un juge pour épouser des filles âgées de 15 à 18 ans, tandis qu'elle interdit aux garçons de se marier avant 18 ans. Un paradoxe mais qui explique les résultats de l'étude. Le Procureur Général, Moulay El Hassan Daki intervenant à cette occasion, a indiqué que « la famille en tant que levier de la société ne peut être basée que sur un mariage aux fondations solides, dont les parties peuvent supporter la responsabilité et les charges qui en découlent pour parvenir à l'équilibre familial », ajoutant qu'« à cette fin, les parties prenantes dont l'Etat doivent prendre toutes les mesures efficaces et appropriées en vue de l'abolition de pratiques traditionnelles, néfastes pour la santé des enfants et mineures et pour leur protection contre toutes les formes d'exploitation ». Daki a révélé que « de nombreuses lacunes persistaient, telles que le faible recours à l'assistance sociale dans les tribunaux (12%), recours à l'expérience médicale quant à la permission de mariage du mineur (43%) », notant que « l'expérience médicale et la recherche sociale peuvent mettre le juge sur la bonne voie pour apprécier le mariage ou non ». L'étude sur le terrain a montré que « les groupes sociaux qui souffrent plus de fragilité sont les consommateurs principaux du mariage de mineur. Le poids des coutumes, des traditions et de la mauvaise interprétation de la religion, sont parmi les principales raisons qui animent l'option de ce mariage précoce», a-t-il ajouté. Et de souligner que l'étude actait des « conclusions qui mettent en lumière les raisons du nombre élevé de mariages de mineures dans la société », et permettait « la proposition d'une feuille de route pour la mise en œuvre de perspectives assez intéressantes pour la partie judiciaire quant au soutien et à l'intervention ». Le premier responsable du ministère public a également fait observer que cette institution judiciaire « a travaillé depuis sa fondation pour donner à la protection de l'enfance la plus haute importance, et a fait de la question du mariage mineur l'une de ses préoccupations les plus importantes. L'institution a dialogué avec les autres parties prenantes et a émis ses directives sur le sujet au Parquet dans le seul intérêt supérieur des droits des enfants ». Cet effort du ministère public a donné des résultats qui ont reflété positivement le travail des procureurs des différents tribunaux du Royaume, où «les requêtes visant à refuser le mariage du mineur de 2019 représentaient 58,4% du total de celles déposées, alors que ce pourcentage représentait 36% en 2018. Ce taux a augmenté en 2020 pour atteindre 65% du nombre total de requérants et cette tendance positive s'est également reflétée dans le niveau des statistiques générales des permis de mariage mineur, qui a connu une baisse constante de la redevance pour les années 2018, 2019 et 2020 par rapport à l'année 2017 ′′, a encore révélé Daki. Le Procureur Général a souligné que la présidence du ministère public « continue de s'engager dans des efforts nationaux pour lutter contre le mariage d'un mineur en s'ouvrant aux acteurs concernés, et a à cet égard j'ai initié la signature d'un accord-cadre de partenariat et de coopération avec le secteur national de l'éducation, en application des obligations conjointes incluses dans la Déclaration de Marrakech 2020 ». En présence du ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement primaire et des Sports, du ministre de la Santé et de la Protection sociale, du ministre de la Solidarité et de l'Inclusion sociale, du représentant de l'UNICEF, des magistrats, des juges du ministère public et des juges chargés de mariage et des représentants des secteurs gouvernementaux, des institutions nationales et de la société civile, Daki a évoqué les objectifs fondamentaux de cet accord qui est « le suivi des filles pour leur éviter la fin de l'enseignement obligatoire, afin d'empêcher le mariage des mineures, sur la base d'une conviction réaliste que les échecs scolaires sont sources de mariage des mineures ». Il est rapporté que l'activation de cet accord a été lancée dans la première étape de Marrakech comme expérience modèle en mars 2021 et a permis le retour à l'école de près de 2.000 filles dans la seule région de Marrakech-Safi qui l'avaient abandonnée.