Depuis quelques jours, les réseaux sociaux relaient en boucle des photos, vidéos et témoignages de personnes, des familles entières parfois, fortement impactées par les «inondations » consécutives aux fortes précipitations qu'ont connues plusieurs régions du Royaume. Un peu partout au Maroc, mais essentiellement dans les villes de Casablanca et Mohammedia, la situation est vraiment alarmante. De nombreuses personnes ont passé parfois trois nuits à l'extérieur, leur domicile ayant été envahi par les eaux. D'autres ont perdu des véhicules, du matériel ou encore du bétail. Un seul élément est pointé, la défaillance au niveau des infrastructures, autrement dit, des canalisations incapables d'absorber et d'évacuer les quantités d'eau. Deux parties sont tenues pour responsables de cette situation pour le moins révoltantes, le Conseil de la ville et la Lydec, société délégataire chargée de la gestion de l'eau, de l'électricité et de l'assainissement dans le Grand Casablanca. Dans une intervention télévisée, le maire de Casablanca, Abdelaziz El Omari, a affirmé que le Conseil de la ville ne gère pas directement l'assainissement, et a vite fait de rejeter toute la responsabilité, qui de son côté, a vite fait de lui retourner la patate chaude. En effet, le délégataire a publié deux communiqués en 48 heures pour dire que ses équipes sont à pied d'œuvre, et détailler ses deux grands projets d'assainissement des eaux pluviales, qui seront opérationnels vers la fin de cette année 2021. Il évoque à ce propos la galerie de stockage des eaux pluviales à Hay Sadri, qui permettrait à terme, le stockage durant les épisodes pluvieux d'un volume d'eaux allant jusqu'à 14.000 m3, et le système d'assainissement liquide de la Route Nationale n°1 (RN1). Mais les Marocains, et ils sont nombreux, qui ont perdu leurs biens, leurs maisons et même pour certains des proches et amis, ces détails ne revêtent aucune espèce d'importance, ni d'ailleurs les réunions tenues à la chaîne à droite et à gauche, sans décisions concrètes et opérationnelles à l'heure H. Il est vrai que le maire leur a dit de « s'adresser à Lydec pour se faire indemniser », mais pourront-ils vraiment le faire ? Sachant le délégataire n'est aucunement lié aux citoyens. Son contrat, de 30 ans soit dit en passant, le lie aux autorités locales, qui aujourd'hui lui demandent des comptes et le tiennent pour responsable. Que devient alors le pauvre citoyen ? Quel recours lui reste-t-il ? Hespress Fr a posé la question à Me Mourad Elajaouti, avocat au barreau de Casablanca et Vice-président du club des avocats au Maroc. De prime abord, notre interlocuteur estime qu'il s'agit là d'une « responsabilité partagée entre le conseil de la ville de Casablanca et la société délégataire chargée de l'assainissement Lydec ». Et selon l'article 79 du code des obligations et des contrats, «l'Etat et les municipalités sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents », dit-il, notant que «dans ce cas d'espèce la gestion de l'assainissement de la ville a été concédée à une société dans le cadre d'un contrat de gestion déléguée, et conformément à la loi 54.05 relative à la gestion déléguée des services publics et au contrat de gestion déléguée conclu entre le conseil de la ville et Lydec et qui date de 1997, le Délégataire est seul responsable du fonctionnement des services délégués qu'il gère et exploite à ses risques et périls conformément à la Convention». Par ailleurs, poursuit Me Elajouti, «le Délégataire a l'obligation de couvrir, notamment, sa responsabilité civile et les risques qui peuvent découler de toutes ses activités en souscrivant les contrats d'assurance suivants : – Les polices d'assurance garantissant les biens et les personnes affectés aux activités en rapport direct ou indirect avec la gestion déléguée. -La couverture d'assurance doit être complétée par le Délégataire en fonction des modifications réglementaires. Voici quelques éléments de réponse de Me Elajouti concernant la conduite à adopter par les victimes. Que doit donc faire la victime ? Elle doit d'abord constater le sinistre afin de monter un dossier pour demander un dédommagement ». La victime du sinistre doit prendre en photo les dégâts, les faire constater via un huissier de justice, et informer son assurance s'il a souscrit un contrat d'assurance pour habitation ou une assurance de voiture. Que doit-elle faire pour se faire indemniser ? La victime peut avant d'aller devant la justice, présenter un dossier à Lydec pour demander un dédommagement lorsque la faute du délégataire est avérée et a causé directement un dommage à la victime Le citoyen peut également attaquer Lydec et le conseil de la ville devant le tribunal administratif compétent afin de demander une indemnisation en se basant sur le procès-verbal délivré par l'huissier lors de la constatation. Le tribunal peut ordonner une expertise afin d'évaluer les dégâts avant de prononcer son jugement. Qu'en est-il des assurances ? Au niveau des assurances, les victimes peuvent déposer leurs dossiers auprès de leur assureur dans un délai 05 jours ouvrés, les assurances doivent accepter ces déclarations même si l'événement n'a pas encore été déclaré comme étant une catastrophe naturelle par le gouvernement. En effet la loi n°110-14 a institué un régime de couverture des conséquences d'événements catastrophiques. Ainsi pour le système assurantiel, la loi a instauré l'obligation d'inclure la garantie contre les conséquences d'évènements catastrophiques dans les contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens ou la responsabilité civile en raison des dommages corporels et matériels causés aux tiers. Cette garantie couvre les personnes ayant souscrit un contrat d'assurance contre le préjudice corporel et tous les biens assurés comme la maison, les commerces ou encore les unités industriels. Afin de bénéficier des indemnisations dans le cadre de cette garantie, il est nécessaire que le gouvernement déclare qu'un événement donné est un événement catastrophique par la publication au bulletin officiel d'un arrêté du chef du gouvernement dans un délai ne dépassant pas trois mois à compter de la date de sa survenance. L'arrêté en question doit préciser la date et la durée de l'événement catastrophique ainsi que les zones sinistrées.