Bien-être animal contre liberté religieuse : la justice européenne qui se devait de proposer la solution à ce dilemme aura eu vite de trancher en rendant décision ce jeudi, de ce qu'il fallait interdire et quoi permettre. Aussi, a-t-elle estimé l'abattage rituel d'une bête sans étourdissement préalable n'était pas contraire au droit européen, au grand dam des communautés juive et musulmane qui contestaient une législation en vigueur en Belgique. L'étourdissement préalable d'un animal lors de son abattage peut être imposé dans l'UE sans qu'il nie pour autant la liberté des cultes, a estimé jeudi la Cour de justice de l'UE. « C'est un coup dur, cela laisse entendre que nos pratiques ne sont plus les bienvenues », a réagi Moshe Kantor, président du Congrès juif européen, tandis que l'Exécutif des musulmans de Belgique a fait part de sa « grande déception ». « La Cour de justice semble céder à la pression grandissante des mouvements populistes qui mènent une lutte symbolique contre les minorités vulnérables dans toute l'Europe », a fustigé l'organisation juive dans un communiqué. Au cœur du litige figure un décret pris en 2017 par la Flandre, une des trois régions de Belgique, qui a imposé sur son territoire de 6,6 millions d'habitants l'étourdissement préalable, au nom du bien-être animal. Or les cultes juif et musulman prévoient que l'animal abattu doit être conscient lors de la saignée. S'il est inconscient la viande est impropre à la consommation. Le Consistoire central israélite de Belgique (CCIB), rejoint par d'autres organisations juives et musulmanes, a contesté devant la justice belge la légalité du décret ayant pour effet d'interdire l'abattage d'animaux selon les rites traditionnels juif et musulman. Jeudi, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie pour avis par la Cour constitutionnelle de Belgique, a déclaré que « les mesures que comporte le décret permettent d'assurer un juste équilibre entre l'importance attachée au bien-être animal et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion ». Selon la CJUE, le législateur flamand s'est appuyé sur « un consensus scientifique » établissant que « l'étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l'animal au moment de sa mise à mort ». L'Association juive européenne European jewish association, (EJA) a jugé que l'arrêt était « un déni de démocratie » et revenait à donner un « feu vert » aux pays de l'UE pour interdire l'abattage rituel. « S'ils le font, il n'y aura plus de viande casher disponible en Europe », a condamné son président, le rabbin Menachem Margolin. La Fondation Brigitte Bardot a au contraire salué la décision, considérant que la position de l'avocat général était « une scandaleuse régression, en décalage avec la prise en compte du bien-être animal ». Le décret flamand, entré en vigueur en 2019, posait comme exigence l'étourdissement des animaux avant l'abattage « afin de réduire leurs souffrances ». Déçu, l'Exécutif des musulmans de Belgique a toutefois relevé que le litige n'était pas clos et que la Cour constitutionnelle belge aurait « le dernier mot ». Actuellement l'abattage rituel est interdit en Flandre et en Wallonie (sud), mais pas dans la région de Bruxelles.