Le violeur et tueur de l'enfant Adnane dont l'affaire avait suscité un vif émoi à l'échelle nationale, et même au delà, a été condamné à la peine capitale. Un profond soulagement a été ressenti et exprimé par différentes parties, mais ce n'est hélas pas la fin d'un fléau qui continue d'effrayer grands et petits, qui posent tous la même question, à savoir Comment protéger les enfants des prédateurs sexuels? La médiatisation de l'affaire Adnane, ce petit garçon qui a été violé puis tué à Tanger, a en effet fait naitre un sentiment d'insécurité et instauré un climat d'anxiété chez les parents qui jusqu'ici, n'avaient pas l'habitude d'évoquer la pédophilie avec leurs enfants. Contactée par Hespress Fr Amal Chabach, sexologue, a expliqué comment les parents peuvent protéger en amont leurs enfants des prédateurs sexuels. Alors que dans la société marocaine c'est le mot « hchouma » qui qualifie l'éducation sexuelle, parler d'anatomie, des choses à faire ou ne pas faire, sont des choses proscrites. De toute évidence, l'éducation sexuelle n'est pas une notion que les parents ont appris de leurs parents, elle s'est faite sur le tas. Et c'est comme cela qu'ils espéraient que la tradition continue. Mais depuis que les affaires de pédophilie sont de plus en plus médiatisées et que les familles marocaines voient que les victimes sont retrouvées mortes comme pour le petit Adnane Bouchouf et la petite Naima Rouhi, l'envie d'inculquer aux enfants des mesures de sécurité, pour les protéger des prédateurs sexuels, commence à trotter dans leur esprit. Sauf qu'ils ne savent pas comment s'y prendre. Croire les enfants La sexologue Amal Chabach, qui a vu passer des cas de traumatismes liés à des cas de viols dans son cabinet, estime que la première des choses à apprendre aux enfants c'est de leur apprendre à bien communiquer avec leurs parents, « à leur faire confiance, de leur apprendre à leur raconter tout ce qui se passe, c'est comme ça qu'ils peuvent les protéger ». Selon la spécialiste, l'instauration d'un climat de confiance entre les parents et les enfants est primordial. « Il faut surtout que les parents croient leurs enfants » lorsqu'ils leur disent qu'ils ont été touchés d'une manière non-innocente par un adulte ou qu'ils ont été victime de viol. « J'ai souvent des cas où les enfants ont dit à leurs parents qu'il y a eu un attouchement sexuel mais les parents ne les croient pas. Ils les violentent, les punissent. Et ce n'est pas bon parce que l'enfant est déjà victime d'une violence, d'un abus sexuel, et après il est victime d'un rejet, il se sent trahit par ses parents qui ne le croient pas », explique la sexologue. Et de noter que les parents rejettent les aveux de leurs enfants car ils impliquent souvent des proches. « Juste pour rappel, les pédophiles sont dans l'environnement proche, c'est-à-dire famille, voisinage, des endroits où l'on se rend souvent pour des activités... », affirme Amal Chabach. La proximité entre adultes et enfants à proscrire Alors que la société marocaine est caractérisée par une grande proximité entre adultes et enfants, la séparation entre comportements appropriés et inappropriés est floue, surtout pour les enfants qui, n'ont pas été éduqués à connaitre les limites d'un contact physique avec un adulte qu'il soit de sa famille ou non. Nombre de fois, les parents poussent eux-mêmes leurs enfants à avoir un contact physique avec les adultes, même les étrangers. Ce phénomène se caractérise par le fameux « bouss Aamou » (embrasse ton oncle, ndlr) dans la rue lorsque les parents rencontrent une connaissance, ou encore lorsque l'enfant est pris dans les bras des adultes, ou assis sur leurs genoux. Amal Chabach Les parents y voient souvent de la bienveillance à l'égard de leur enfant, mais c'est souvent ce genre de contacts physiques qui se transforment en attouchements. Réagissant à cette tendance sociétale, Amal Chabach estime que l'« on mélange les comportements respectueux sociétaux (le souab), avec certaines limites où il ne faudrait pas que l'on pousse nos enfants à avoir une trop grande proximité avec les gens ». Et d'ajouter « personne ne t'embrasse sur la bouche, même si tu as trois ans. Dès que ça arrive devant le parent, le message que reçoit l'enfant c'est que c'est permis, c'est normal. Et là c'est un problème, parce que lorsqu'il va y avoir un étranger qui va le faire, l'enfant sera d'accord », explique-t-elle. C'est pour cela que l'éducation sexuelle ou le terme « éducation à la vie » (prôné par la sexologue pour ne pas choquer les parents, ndlr) est primordial et doit faire partie de l'éducation prodiguée en général à l'enfant. « Il faut inculquer aux enfants à dire non à toute personne qui veut les toucher dans un endroit intime. Dire par exemple aux enfants +si quelqu'un vous dit suit moi, je vais te donner un truc, il faut dire non+, si un adulte leur fait du chantage il faut tout de suite venir le dire aux parents », a déclaré la sexologue en donnant des pistes aux parents et réaffirmant l'importance de la communication entre enfant et parent. « On ne peut pas surveiller nos enfants 24h/24, donc c'est important, il y a besoin que les enfants racontent tout », et que les parents croient leurs enfants. « Malheureusement, nous n'avons pas encore cela dans nos familles », a-t-elle regretté. Savoir répondre aux questions des enfants Autre aspect important de la communication entre parent et enfant relevé par la sexologue, la nécessité de savoir quoi et comment répondre aux questions des enfants qui découvrent leur corps. A la question de savoir quand il faut commencer à parler de la chose sexuelle avec les enfants, c'est dès qu'ils commencent à poser des questions, estime Dr. Chabach. « Si un petit garçon de trois ans demande à sa maman pourquoi je ne suis pas comme toi, pourquoi j'ai un zizi et pas toi, la maman doit savoir répondre », estime-t-elle, et ne doit pas mal réagir en faisant taire l'enfant. « Si une petite fille dit à sa maman demande +maman qu'est-ce que tu fais avec papa dans la chambre, et vous vous enfermez, il faut savoir lui répondre », évoque la spécialiste comme autre type de question que les enfants peuvent poser. Alors que ce sont des questions délicates qui laissent souvent les parents décontenancés ne sachant pas quoi répondre, la spécialiste rappelle que c'est justement la raison pour laquelle il faut être formé à l'éducation à la vie. Elle propose ainsi, de créer des ateliers notamment lors d'émissions pour apprendre à réagir en prenant pour exemple des cas réels.