Le bras de fer entre les propriétaires des établissements de l'enseignement privé et les parents d'élèves n'a de cesse de se durcir. Cet épineux dossier qui n'en finit pas d'empoisonner les relations entre propriétaires, parents et département de tutelle, risque de trouver son dénouement au tribunal. En effet, des familles ont entamé les démarches et procédures nécessaires afin de poursuivre devant la Justice, les établissements d'enseignement privés qui refusent de délivrer aux élèves un certificat de départ. Nombre de familles ont en effet opté pour un transfert de leurs bambins du privé vers l'enseignement public en réponse à la crise qui perdure depuis mars dernier. De cette situation est né un conflit entre écoles et parents d'élèves, les uns demandant à couper la poire en deux les autres, trop gourmands, ne faisant aucune concession. Chacun campant sur ses positions, cela a découlé sur la suppression pure et simple des cours d'une part, sur le non-respect des obligations de l'autre et le problème parti en crescendo, a fini par atterrir sur la table du département de tutelle. Ce dernier après avoir tenté de concilier les deux parties, a fini par jeter l'éponge devant l'obstination générale. Dans ce contexte, Younes R., propriétaire d'une entreprise dont les activités ont cessé en raison des répercussions de la pandémie du coronavirus (Covid-19), a déclaré à Hespress : « victime de la crise sanitaire je n'ai plus un rond. Sans l'aide de mes frères je ne sais pas ce que je serais devenu. Je n'ai plus les moyens de garder mes enfants dans le privé, aussi ai-je décidé de les envoyer dans l'enseignement public, c'est un droit constitutionnel ». Younes R fait partie d'un groupe de parents d'élèves qui étudient dans le privé de la ville de Salé. « Nous avons déposé une série de plaintes auprès de la direction régionale du ministère de l'Education et de l'AREF, afin d'intervenir. Si elle n'intervient pas et ne nous permet pas de transférer nos enfants au public, nous recourrons au judiciaire », avancent-ils, avant d'ajouter : « La constitution et les pactes internationaux dont le Maroc est signataire garantissent les droits de nos enfants dont celui d'étudier. Les parents ne veulent pas que le dossier parvienne à la magistrature, mais s'il n'y a plus que cette option, nous y recourrons ». Mais voilà les écoles privées refusent de remettre un « certificat de départ » à tous les citoyens dans le cas de Younes R, réclamant leur dû pour les mois d'avril, mai et juin, une obligation à laquelle les parents refusent de se soumettre considérant le fait comme « illégal ». Ils affirment que leurs enfants n'ont pas bénéficié de toutes les prestations incluses dans les contrats conclus entre les deux parties en cette période donnée. Maître Mohamed Almo, un avocat du barreau de Rabat, qui se prépare à intenter des procès au nom des familles qui souhaitent transférer leurs enfants à l'enseignement public, définit ainsi la situation. « La scolarité des enfants est basée sur les obligations de tout un chacun. Les parties contractantes ont des devoirs les unes envers les autres. L'engagement des familles doit correspondre à l'accomplissement des devoirs des écoles privées envers les élèves et étudiants ». Il explique que la suspension des études a été imposée par l'état d'urgence sanitaire. Aussi, rien, du point de vue juridique, n'oblige les familles des élèves formés dans l'enseignement privé à devoir acquérir pour leurs enfants les appareils pour étudier à distance, tels que les ordinateurs, les cartes électroniques, et la fourniture d'Internet haut-débit. « Nous sommes donc confrontés à la perturbation de la scolarité pour des raisons impérieuses et, par conséquent, les obligations dont les familles s'acquittent le sont en échange de la scolarisation de leurs enfants dans les écoles privées. Ils auront payé à cet effet des services qui doivent leur être fournis, tels la mise à disposition des installations, équipements et moyens de transport des établissements et pas seulement que des cours d'enseignement », ajoute-t-il. Selon l'avocat, « les écoles privées n'ont pas à exiger les parents d'élèves à s'acquitter de leur obligation lors des périodes au cours desquelles les cours présentiels ont été interrompus. L'enseignement à distance en soi excluant nombre de services conséquents, les institutions ne peuvent en aucun cas exiger un redevance normale ou complète, des frais scolaires ». D'un autre côté le choix de ne pas tolérer le transfert des élèves vers l'enseignement public a été perçu ambigument, après que le ministre de l'Education nationale, Saïd Azzi, eut laissé entendre que les écoles publiques ne sont pas éligibles pour recevoir l'enseignement privé. Saïd Amzazi avait en effet alerté, sur l'exode massif du privé vers le public prétextant que ce dernier n'était pas encore prêt à accueillir un si grand nombre d'élèves. Mohamed El Nouhaili, coordinateur de l'Union des parents et tuteurs des élèves des établissements d'enseignement spécialisé au Maroc, (groupe de 47 mille membres fondé sur Facebook) n'a pas mâché ses mots à l'encontre les déclarations du ministre de l'Education nationale, rappelant que son département est le seul organe qui a le droit de régler ce différend. El-Nouhaili précise que « l'Etat est le gardien et le garant de l'intérêt supérieur de l'enfant, y compris de son éducation gratuite conformément à la Constitution du Royaume ». « Et lorsque le ministre dit que l'éducation publique n'est pas prête à recevoir les élèves de l'enseignement privé, le but est de les garder dans les écoles privées, pour protéger les intérêts financiers de ce secteur, qui accumule d'énormes profits chaque année », s'indigne-t-il.