Le 29 février 1960, en plein mois de ramadan, un séisme d'une magnitude de 5,7 frappait la ville d'Agadir, marquant ainsi l'événement sismique le plus puissant de l'histoire du Maroc. Nous revenons, 60 après, sur ce drame qui marque encore les mémoires des Gadiris en particulier, et Marocains en général. Bien que considéré comme d'ordre modéré car d'une magnitude inférieure à 6 sur l'échelle de Richter, le séisme a pratiquement rayé de la carte une ville qui comptait à l'époque une population estimée à 35.000 habitants, dont près de 15.000 ont péri, alors que près de 20.000 autres sont blessés, dans ce tremblement de terre, le plus meurtrier de l'histoire du Maroc. En cette nuit d'une année bissextile, deux secousses à priori « pas très importantes » sont suffisantes pour provoquer pêle-mêle un tsunami et des écroulements de terrain dans la région. La première est ressentie à 22h50, et passe presque inaperçue, et la seconde vers 23h41, est nettement plus importante. Les experts ont expliqué l'ampleur des dégâts causés par un séisme dont la magnitude est habituellement considérée comme « moyenne », par le fait que son épicentre se situe directement sous la ville, mais aussi par un état des constructions, d'une part assez vieillissantes, et d'autre part ne respectant pas les normes parasismiques. Tout s'enchaîne avec une vitesse inouïe : Une secousse, un tsunami puis des écroulements de terrain qui feront que 60 % à 90 % des habitations et bâtiments sont détruits ou sévèrement endommagés. Panique et horreur sont partout, dans chaque ruelle, chaque habitation encore debout dans la capitale du Souss, arrachée à son sommeil par des bruits d'écroulement et des cris d'effroi. Les 15 secondes que durera la seconde secousse sont suffisantes pour plonger la ville dans les ruines et la population dans un état de choc qui allait durer longtemps. Un journaliste du Figaro, André Lagny, dépêché le lendemain sur les lieux du drame, écrira : «Le quartier marocain du Talbrojt fut détruit à près de cent pour cent. Des centaines, et je le crains, des milliers d'habitants sont encore sous les décombres. Il ne reste pas pierre sur pierre. Le minaret qui dominait cette partie de la ville a été abattu et ressemble maintenant à la tour Hassan de Rabat, détruite dans des circonstances semblables au 17e siècle. La casbah qui, au sommet de la montagne, s'élève au-dessus d'Agadir et qui faisait l'admiration des touristes en croisière, a été rasée ». Outre les murs qui ont tremblé et été réduits en amas de poussière et de gravas, André Lagny, relate aussi la douleur des familles établies dans la ville, dont chacune déplorait au moins un mort. «Le gouverneur de la ville, M. Bouamrani, a perdu trois enfants, le consul de France, M. Jeudi, pleure son fils Philippe, le commandant de la gendarmerie royale ne reverra plus sa petite fille, des familles entières ont péri. Les secours furent rendus très difficiles, car les hommes des trois compagnies de l'armée marocaine, stationnées à Agadir, étaient eux-mêmes bloqués par les décombres de leurs cantonnements. Il en fut de même pour les gendarmes dont l'immeuble a été détruit. Le même sort fut réservé aux deux tiers des effectifs de la police dont les bâtiments sont soit démolis soit gravement endommagés», témoigne le journaliste. La somme des dégâts est estimée entre 70 millions et 120 millions de dollars US. Français, Américains et Espagnols offrent leur aide pour reconstruire la « ville morte ». Elle sera rasée pour éviter une propagation des maladies. Feu Mohamed V décidera de la rebâtir plus au sud, conformément aux normes de construction parasismique. Le chantier fut confié à Hassan II, alors prince héritier. «Il faudra raser la ville pour en construire une autre. Il faudrait que vous journalistes étrangers, vous soyez nos interprètes auprès des autres nations pour qu'elles manifestent leur esprit de solidarité et que l'on puisse d'ici un an reconstruire Agadir », dira-t-il. La première pierre pour la reconstruction d'Agadir, aujourd'hui ville touristique en plein essor, sera posée par Mohammed V le 30 juin 1960.