Une procédure de contrôle du processus de vente de billets existe bel et bien mais elle est rarement, pour ne pas dire jamais, appliquée par les autorités compétentes. Et ce sont les revendeurs au marché noir qui en profitent et les supporters ainsi que les clubs qui trinquent. A quelques heures du 140e derby casablancais entre le Raja et le Wydad samedi 2 novembre, la tension monte dans les rues avoisinant le complexe Mohammed V. Dès 11h du matin, les retardataires se précipitaient vers les nombreux vendeurs de billets au marché noir qui traînent autour de « Donor ». Les patrouilles des forces de l'ordres ne leur font pas peur. « C'est comme ça que se passe le business », constate, le sourire aux lèvres, Rachid, un revendeur actif autour de l'enceinte casablancaise. « A chaque match, c'est le même refrain, nous jouons au chat et à la souris avec les policiers », explique-t-il. D'ailleurs, quelques uns se sont fait interpeller sur le boulevard Biranzaran, à quelques centaines de mètres du complexe. Il faut dire que cette activité est illégale. Depuis des décennies, la vente des billets de football, surtout lors des grands matchs, se passe toujours dans des conditions très difficiles. Car, il faut le dire aussi, le marché noir est synonyme de renchérissement des prix et donc, plus de profit pour les revendeurs. Des prix multipliés par 4 « Les prix peuvent être multipliés par trois ou quatre selon l'importance du match », nous explique Rachid qui revendait son stock de tickets de troisième catégorie à 200 dirhams au lieu de 50 DH à quelques heures du derby. Comment il a pu avoir autant de billets et surtout, à quel prix ? « J'ai acheté les billets à leur prix initial », nous répond notre interlocuteur. L'astuce pour pouvoir disposer d'un grand nombre de tickets, c'est de « recruter quelques jeunes du quartier à 30 dirhams la journée, pour qu'il fassent la queue et achètent et rachètent les billets », nous confit-il. Une dizaine de jeunes qui répètent la même opération, deux ou trois jours de suite pour rapporter un maximum de billet et donc de profit comme le confirme Rachid. « Cette activité peut être rentable, surtout lors des rencontres de la sélection nationale », nous révèle-t-il. En effet, avant la rencontre Maroc-Gabon comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2018, selon notre source, il fallait compter pas moins de 300 dirhams pour les tickets initialement vendus 50 DH. Un début de solution avec la vente en ligne Ce sont donc les supporters qui en paient le prix fort et cela au détriment des clubs qui subissent ce fléau. Le Raja Casablanca a esquissé un début de solution en mettant en place des abonnements à l'année pour les fans les plus assidus. Restait encore à sécuriser les ventes de billets pour les supporters occasionnels et ce derby comptant pour la Coupe arabe Mohammed VI des clubs champions était également l'occasion de tester la fiabilité de la vente en ligne, lancée par le Raja, Casa Event et Guichet.ma en début de saison. Un accord entre les parties permet au site en question de mettre en vente une quantité limitée de billets. Après les réussites des premières opérations, le club casablancais a mis en vente en ligne 25 % des tickets du match dès mercredi soir. Mais puisque la ferveur est grande, même ce service n'a pas manqué de buguer. Dès les premières minutes, la pression sur le site était hors normes. « Du jamais vu dans l'histoire du e-commerce au Maroc », confie Tawfik Moulnakhla, fondateur du site Guichet.ma. Compte tenu du nombre d'abonnés au Raja (plus de 13000), club qui reçoit le match aller, le club a mis en vente plus de 3.400 tickets en ligne pour ses propres supporters, tandis que ceux du Wydad pouvaient se procurer près de 7.000 tickets, toutes catégories confondues. Les supporters des deux clubs ont tous voulu accéder au site en même temps pour éviter la rupture de stock, ce qui a causé quelques blocages, vite réglés par les responsables, qui ont pu écouler tous les billets en moins de 48 heures. Un fléau impossible à éradiquer complètement De tels événements où les arnaques et le marché noir font fureur, l'achat en ligne est l'endroit « le plus sécurisé » pour se procurer les tickets, surtout qu'ils sont tous nominatifs. La vente en ligne peut être également une solution pour éviter les bousculades récurrentes devant les guichets. Les autorités ne peuvent pas éradiquer complètement le marché noir, mais, au Maroc, il est omniprésent et peut parfois dépasser le circuit légal en termes de volume de billets vendus. Casa Events se veut rassurante sur ce sujet. Selon une source bien placée au sein de cette SDL, des avancées importantes ont été réalisées dans la lutte contre le marché noir. « A l'occasion du dernier derby, la presse a fait état de 5 000 billets vendus sur le marché noir. Tenant compte du fait que le nombre total des billets vendus a dépassé 40 000, cela est très positif, comparé au passé », a-t-elle déclaré. Comment cela a été réalisé ? « Nous avons essayé d'étaler la vente des billets sur trois jours. Cela a permis de faire essouffler le marché noir. Ce marché est généralement très actif durant le premier jour, ce qui crée une grande confusion dans ce processus », nous dit notre source. Les solutions existent donc pour éradiquer ce fléau, mais encore faut-il en avoir la réelle volonté, du côté des autorités compétentes. Pour leur part, les clubs agissent chacun comme il le peut!