Près d'un an et demi après l'arrivée de Ahmed Rahhou à sa tête, le Conseil de la concurrence s'est enfin prononcé sur le très épineux dossier des carburants. Il s'est penché, entre autres, sur les marges encaissées par les différents opérateurs entre 2018 et 2022. Voici ce qui en ressort. Très attendu depuis le rapport de la mission d'information parlementaire sorti en 2018, et la nomination par le roi d'une commission ad hoc en 2020, devant statuer sur le processus de décision du Conseil de la concurrence sur « d'éventuelles ententes entre les sociétés pétrolières », le premier avis de cette instance est enfin tombé. Dans ce rapport de 104 pages, le conseil s'est intéressé à « la flambée des prix des intrants et matières premières au niveau mondial » et ses « conséquences sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux ». Il déplore notamment la « quasi-inexistence » de la concurrence sur ce marché ». Le document consacre ainsi une grande partie aux marges brutes moyennes réalisées par litre vendu de gasoil/essence par les principaux opérateurs au Maroc. Le conseil précise que ce point « concerne spécifiquement l'analyse de l'évolution de la marge brute commerciale, comme définie précédemment, des principaux opérateurs du marché ». « En termes de poids, la marge brute de distribution constitue la troisième et la dernière rubrique composant le prix de vente final au consommateur. Cette marge globale regroupe d'un côté, la marge des sociétés de distribution (gros) et de l'autre côté, celle des stations-service (détail), explique d'abord le conseil. Les marges des stations-services inchangées Il souligne ensuite qu' »en principe, chaque société de distribution et chaque propriétaire de station-service détermine ses propres marges en fonction de ses propres coûts et charges, de ses stratégies commerciales et de ses appréciations de la situation de concurrence sur le marché ». Comme relevé par les représentants de la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants des stations de service lors de leur audition, les marges des stations-service demeurent inchangées, explique le conseil. Lire aussi: Carburants: Rahhou rend son avis et déplore la «quasi-inexistence» de la concurrence Celles-ci varient entre 0,35 et 0,5 DH/l) quel que soit le niveau des cours à l'international et du prix de vente sur le marché national. Vu que la marge des stations-services est « demeurée globalement inchangée », le rapport s'est penché essentiellement sur la marge des sociétés de distribution. Des marges doublées sur le gasoil Le tableau ci-dessous détaille les marges moyennes des sociétés de distribution en dirhams/l, pour la période allant de 2018 à 2021. « Pour le gasoil comme pour l'essence, il est constaté qu'à l'exception de la société Petrom qui se distingue par une marge quasi-linaire sur toutes les périodes (0,35-0,39 DH/l), l'ensemble des autres sociétés ont vu leurs marges augmenter entre 2018-2020, avant de baisser légèrement en 2021 pour s'établir en moyenne à 0,9 DH/l pour le gasoil et à 0,84 DH/l pour l'essence », constate le conseil. Par exemple, Afriquia a vu sa marge brute sur le litre de gasoil passer de 0,54 dirhams en 2018, à 1,25 dirhams en 2020, soit plus que le double. Idem pour le français TotalEnergies, dont la marge sur le gasoil est passée de 0,59 en 2018, à 1,30 dirhams en 2020. « Les marges dégagées en 2021, même après avoir baissé comparativement à 2020, restent toutefois supérieures à celles réalisées en 2018 et en 2019 », souligne le conseil. Aussi, sur le gasoil, les marges des distributeurs ont enregistré une « hausse plus marquée en 2020 en dépassant le seuil d'un (1) DH/l chez l'ensemble des opérateurs ». Ces marges sont même supérieures à 1,25 DH/l chez les trois premiers opérateurs du marché, à savoir: Afriquia SMDC, TotalEnergies Marketing Maroc et Vivo Energy Maroc. Selon le conseil, ces marges représentaient en 2020, plus de 15% du prix de vente d'un (1) litre de gasoil contre uniquement une moyenne de 9% sur toute la période 2018-2021. Une marge moindre sur l'essence Pour ce qui est de l'essence, une hausse de la marge des distributeurs a été également constatée, mais à un « degré moindre », explique le conseil. Cette marge était en moyenne de 1,15 dirhams/litre en 2022, alors que sur la période 2018-2021, elle était de l'ordre de 0,93 DH/l. « En conséquence, (…) les sociétés de distribution n'auraient pas profité de la forte chute du cours sur le marché international pour gagner des parts de marché par le jeu de la libre concurrence », constate le conseil. Elles « auraient » plutôt « opté pour une augmentation de leurs marges ». Lire aussi: Prix des carburants: Akhannouch annonce un soutien supplémentaire pour le transport routier Si les cotations à l'international ont baissé de 1,73 dirhams/litre, les prix de vente sur le marché marocain n'ont chuté que de 1,18 dirhams/litre, soit un écart de 0,55 dirhams/litre, souligne encore le conseil. Les meilleures marges nettes pour Winxo Le rapport analyse également les marges nettes dégagées par les distributeurs. Sur ce volet, « il a été constaté dans l'ensemble une convergence vers des valeurs oscillant entre un minimum de 0,07 DH/l (7 centimes) et un maximum de 0,68 DH/l ». Résultat: « Winxo est le plus performant en la matière puisqu'il enregistre les meilleures marges nettes variant entre 0,37 et 0,68 DH/l, suivie par TotalEnergies Marketing Maroc (entre 0,2 et 0,45 DH/l). En revanche, Afriquia SMDC est la société la moins performante dans la mesure où ses marges nettes ont fluctué entre 0,07 DH/l (2021) et 0,16 DH/l (2019) », détaille le rapport. Contrairement aux valeurs des marges brutes enregistrées en 2020, et à l'exception de Winxo et Vivo Energy Maroc, le conseil relève « que les marges nettes pour l'ensemble des autres opérateurs étaient en deçà de celles dégagées durant les années 2018, 2019 et 2021 ». La société Winxo se distingue aussi par le taux de rentabilité financière le plus élevé, soit 60% entre 2018 et 2021, suivie de Vivo Energy Maroc avec un taux élevé se situant entre 44 et 52% pour la période 2018-2021. Afriquia SMDC a elle a vu son taux de rentabilité passer de 22% en 2018 à 13 % en 2021, soit une baisse de près 41%. « Vivo Energy Maroc et TotalEnergies Marketing Maroc restent les plus rentables financièrement en rapportant leurs résultats nets aux capitaux qu'elles ont investis », explique le conseil. De façon générale, le marché de la distribution du gasoil et de l'essence « demeure très attractif au vu des niveaux élevés des résultats réalisés ».