Le Figaro a pu découvrir, en avant-première française, le documentaire produit par HBO dans lequel témoignent Wade Robson et James Safechuck. Enfants, ils avaient fréquenté le roi de la pop, du ranch californien au Crillon, ils en dressent aujourd'hui un portrait assassin: celui d'un prédateur, manipulateur, qui jetait son dévolu sur de tout petits garçons. Diffusé dimanche et lundi soir sur HBO aux Etats-Unis, les 6 et 7 mars en Grande-Bretagne sur Channel 4 et enfin sur M6 à heure de grande écoute, le jeudi 21 mars, Leaving Neverland est un documentaire extrêmement bien fait sur la supposée face cachée de Michael Jackson. Deux hommes, le chorégraphe d'origine australienne Wade Robson et le californien James Safechuck, autrefois enfant star de la publicité à Los Angeles, témoignent aujourd'hui face caméra. Tous deux ont aujourd'hui 36 ans. Tous deux ont fait la connaissance de Michael Jackson quand ils avaient sept ans et que la star planétaire en avait 29. Leurs mères, leurs frères et sœurs témoignent également. À les écouter, Michael Jackson n'était pas seulement un immense artiste mais également un prédateur manipulateur. Un pédophile qui jetait son dévolu sur de tout petits garçons. Ce lundi 4 mars, nous avons pu voir les 90 minutes de la première partie dans une salle de réunion de M6 à Neuilly dans l'Ouest parisien. Ces 90 premières minutes racontent la rencontre entre ces petits garçons et la star planétaire au milieu des années 1980. Puis les années intenses à ses côtés jusqu'à la rupture. La seconde partie va des années 90 à la mort du chanteur le 25 juin 2009. Ce second film est encore en phase de sous-titrage et sera montré ultérieurement. D'habitude, les journalistes reçoivent des liens marqués leur permettant de voir les émissions quand ils le souhaitent. Ici, le documentaire est tellement sensible que pour limiter tout risque de diffusion illégale, le distributeur a préféré prendre ses précautions. Au vu de ce qui est montré et raconté à l'écran, c'est tout à fait compréhensible. Déjà, les fans appellent au boycott des chaînes qui ont acheté ce film. La fondation américaine qui gère la carrière posthume de Michael Jackson a tenté sans succès devant les tribunaux d'empêcher la diffusion du documentaire aux Etats-Unis sur HBO. Le documentaire débute en 1987 avec les photos et vidéos d'archives de la famille d'un petit garçon particulièrement mignon. Il a cinq ans, a eu une révélation en regardant le clip de Thriller et danse presque aussi bien que Michael Jackson. Il est australien, vient d'une famille modeste qui habite un petit pavillon près de Brisbane. Aujourd'hui, Wade Robson est un bel homme de 36 ans, chorégraphe à succès à Los Angeles. Il a notamment travaillé avec Britney Spears. Filmé dans un salon aux murs boisés près d'une lampe, sobrement habillé d'une chemise et d'un jean, il lance sa première phrase sur un ton mesuré qui donne la chair de poule: «Michael a aidé ma créativité à se développer mais il a aussi abusé de moi sexuellement. J'avais sept ans.» Pour plus d'efficacité, le cinéaste britannique Dan Reed a opté pour un rendu brut. Entre les témoignages des deux accusateurs, de leurs mères et de leurs frères et sœurs, le réalisateur a inséré une quantité impressionnante d'archives. Cette partie-là va beaucoup plaire aux fans. Outre les films de Sotheby's real estate qui dévoilent avec précision la mythique propriété de Neverland, on y découvre une foule d'images, de sons et de vidéos de Michael Jackson au naturel dans sa vie de tous les jours. Ces archives-là proviennent des collections privées des familles des deux accusateurs. À ces vidéos, Dan Reed a ajouté une foule d'extraits de concerts et de coulisses des tournées à Wembley en 1988 comme en 1989 à Los Angeles où on le voit accompagné du petit australien Wade Robson. Celles-là sont le plus souvent tirées de YouTube. Pour que le spectateur s'y retrouve, un avion décolle à chaque fois qu'on change de continent. Chaque lieu où il s'est passé quelque chose d'important est filmé vu du ciel. Les années phares écrites en lettres blanches sur fond noir découpent le film en chapitres. Dans la suite présidentielle du Crillon Paris et Le Crillon occupent une place de choix. Wade Robson raconte y avoir été attaqué sexuellement pour la première fois par la star dans la suite présidentielle. Pour accompagner le tout, le réalisateur a ajouté des morceaux de musique à base de violons. Ce n'était pas franchement nécessaire et les notes tour à tour mélancoliques ou angoissantes sont trop appuyées. Aucun intervenant extérieur, aucun juge, policier, journaliste spécialisé ou proche de Michael Jackson n'a été convié. Les voix off sont celles des deux accusateurs. Les deux hommes ont de nombreux points communs. Derniers d'une fratrie, ils étaient très proches de leurs mères et sont issus de famille modeste. Jamais leur chemin n'aurait dû croiser celui de la star planétaire. Chacun à son tour raconte sa rencontre «magique» avec le chanteur. En Australie, Wade a gagné un concours de danse où le premier prix consistait à rencontrer Michael Jackson lors d'un concert à Brisbane. Emballé par leur premier rendez-vous, le chanteur le fait monter sur scène dès le lendemain pour danser ensemble devant des milliers de spectateurs. À Los Angeles, James a été inscrit par sa mère dans une agence de mannequins pour enfants. Les publicitaires raffolent de sa petite bouille blonde. Il fait la connaissance de Michael Jackson lors du tournage d'une publicité Pepsi où il joue un petit garçon qui s'amuse à essayer des costumes en coulisses avant de tomber sur Michael Jackson. Le chanteur l'invite aussitôt dans sa caravane. Les mères laissent faire. Elles sont subjuguées d'être transportées dans ce monde irréel en jet privé, en limousine. Pleine d'admiration pour ce chanteur, pleines d'affection pour ce garçon qu'elles traitent comme l'un de leurs fils. Elles lavent même ses vêtements. Le récit précis et détaillé des sévices Tous décrivent un même Michael Jackson: très seul, gloussant volontiers comme un enfant. Un «humain comme eux» qui sait mettre les gens tout de suite à l'aise et leur donne l'impression d'être tout de suite devenu leur meilleur ami. Le réalisateur entremêle l'histoire de Wade avec celle de James. Petits, les deux garçons ne se sont jamais croisés. Mais le schéma est le même. D'emblée, Michael Jackson s'invite dans leurs familles. Quand il est loin, il passe des heures au téléphone avec les garçons comme avec leurs mères. Très vite, il les invite chez lui à Neverland et dans son appartement à Los Angeles surnommé «la cachette», où les murs sont tapissés de posters de Shirley Temple. Les cadeaux pleuvent. Il demande à dormir avec eux dans sa chambre. Les premières fois, les mères refusent puis elles cèdent devant l'insistance de leurs fils et de Michael Jackson. Si elle se révèle vraie, la suite est terrifiante. Aucun détail n'est épargné aux téléspectateurs. Initié au Crillon à la masturbation lorsqu'il avait sept ans, Wade explique qu'il n'arrivait plus ensuite à uriner et que le chanteur lui préparait des bols d'eau tiède où tremper son pénis. Il raconte avec précision quels sévices il aurait subis, les positions, les attentes du chanteur, les photos et les films pornographiques qu'il lui a montrés. «Vous imaginez un pénis d'adulte en érection dans la bouche d'un petit garçon de sept ans?», lance-t-il la voix tremblante. La mère de Wade, elle a commencé à s'inquiéter quand, lors des tournées, sa chambre était de plus en plus éloignée de celle du chanteur. «L'entourage de Michael Jackson me disait qu'aucune autre belle chambre n'était disponible mais on m'a dit ça à Paris puis en Allemagne…» Les garçons expliquent comment le chanteur leur apprenait à se rhabiller très vite et sans bruit si quelqu'un arrivait. À Neverland, des clochettes disposées dans les couloirs qui menaient à la chambre du chanteur annonçaient l'arrivée d'un tiers. Ils expliquent aussi comment le chanteur leur avait appris à se taire. «Si les autres l'apprennent, nos vies seront fichues. On ira en prison. Les autres sont stupides et ne comprennent rien: nos rapports, c'est la preuve de notre amour», leur aurait expliqué Michael Jackson.