A Douar Ait Ichou, dans la nouvelle ville de Chouiter à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Marrakech, Mohamed erre au milieu d'un véritale champ de ruine. Il y a quelques jours, cet homme vivait ici paisiblement avec sa famille depuis plus de 60 ans. Les souvenirs de toute une vie, ensevelis sous les décombres suite à une décision de la justice au profit d'un projet urbain et qui somme les habitants d'évacuer les terres qu'ils occupent. C'est le cas également d'une trentaine de familles délogés en plein hiver. Leurs maisons démolies sous leurs yeux, c'est un sentiment d'injustice qui se mélange à la rudesse du froid que connait cette région durant les nuits d'hiver.
Une trentaine de familles se retrouvent à la rue, après la démolition de leurs maisons ( Photo: 2M.ma)
Ait Ichou, également appelé Douar Moulay Jaafer, dépend de la commune rurale d'Al Ouidane. Cette zone pleine de potentialités est convoitée par un grand promoteur immobilier, Alliances. Pour « préparer le terrain » à ce groupe, la ville de Chouiter est devenue selon les habitants le théâtre d'une large opération de démolition et de relogement depuis plusieurs semaines. Une opération qui semble ordinaire car pratiquée dans de nombreuses régions au Maroc à un détail près : les habitants de ce douar assurent avoir été contraints d'assister à la démolition de leurs maisons avant de pouvoir conclure les négociations avec les représentants du promoteur immobilier. Ils se voient ainsi contraints de passer des nuits dans la rue et le froid avant de parvenir à une solution avec le promoteur. Selon Rachida, une quarantenaire qui est née et a toujours vécu dans ce douar « les habitants n'ont pas eu le choix et se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain, leurs affaires éparpillées et nulle part où loger ».
Certaines familles ont accepté d'être relogées à Chouiter, d'autres ont refusé. (Photo: 2M.ma)
Certaines familles ont accepté d'être relogées dans la nouvelle ville de Chouiter ; mais les plus anciens s'y sont opposés et ont vu leurs maisons détruites. Mohamed revient sur les raisons de ce refus. « Nous sommes les plus anciens habitants de cette région. Cela fait des décennies que nous vivons sur cette terre. Le groupe Alliances nous propose trois options toutes contraignantes : soit nous financer un logement près d'Oued Aghmat, qui reste une zone à risque, notamment lors des intempéries. Le fleuve peut emporter à tout moment nos maisons. La deuxième option c'est de mettre à notre disposition un terrain mais à nous de supporter les frais de construction. La dernière alternative, au prix « symbolique » de 30.000 dhs, l'achat d'un de leurs logements sociaux de 50 m². Nous n'avons pas les moyens pour ces deux dernières options. Nous ne sommes que de modestes agriculteurs. »
Les familles se disent lésées par le promoteur et dénoncent une "injustice" (Photo: 2M.ma)
Les habitants crient à l'injustice. Selon Fatima, une autre habitante délogée, «certains des habitants de Douar Ichou sont propriétaires des terres qu'ils occupent d'autres ne le sont pas». Néanmoins, les habitants se sont organisés pour tenter de faire annuler le verdict d'expulsion. «Nous avions mandaté un avocat qui ne nous répond plus aujourd'hui. Nous nous sommes même sommes constitués en association et avons manifesté devant la municipalité en vain » ajoute cette dernière d'une voix émue. A l'heure de la mise en ligne de cet article, le groupe Alliances n'a toujours répondu à nos nombreuses sollicitations.