Décollage réussi samedi 25 décembre pour le télescope spatial James Webb, attendu depuis trente ans par les astronomes du monde entier pour examiner l'Univers avec des moyens inégalés. Le télescope va pouvoir rejoindre son poste d'observation à 1,5 million de km de la Terre. Le James Webb, le plus puissant téléscope spatial jamais conçu, s'est arraché du sol avec une fusée Ariane 5 du Centre spatial guyanais à 12H20 GMT. Exactement 27 minutes et sept secondes plus tard, le directeur des opérations de lancement Jean-Luc Voyer a annoncé : "Bonne séparation télescope Webb, Go Webb", déclenchant un tonnerre d'applaudissements dans le centre de contrôle Jupiter à Kourou.
We have LIFTOFF of the @NASAWebb Space Telescope! At 7:20am ET (12:20 UTC), the beginning of a new, exciting decade of science climbed to the sky. Webb's mission to #UnfoldTheUniverse will change our understanding of space as we know it. pic.twitter.com/Al8Wi5c0K6 — NASA (@NASA) December 25, 2021 "C'est un vrai cadeau de Noël" a déclaré ensuite dans un point de presse Thomas Zurbuchen, responsable des missions scientifiques pour la Nasa, qui a fabriqué le télescope avec la collaboration des agences spatiales européenne (ESA) et canadienne (ACS). Le directeur général de l'ESA Josef Aschbacher s'est félicité pour sa part que la fusée d'Arianespace qui a "fonctionné extrêmement bien", ait "placé le vaisseau très précisément en orbite". Un point important, car une bonne injection en orbite économise le carburant dont le James Webb aura besoin pour atteindre son point final et fonctionner ensuite. Juste après son envol, le téléscope a survolé l'Atlantique, puis l'Afrique, jusqu'à la séparation finale, intervenue à 1.400 km d'altitude et une vitesse de plus de 34.000 km/h. Une caméra embarquée sur l'étage supérieur d'Ariane a montré cette séparation et surtout le déploiement des panneaux solaires du James Webb. A cette opération critique va en succéder une deuxième, environ douze heures après le décollage, avec la première de trois corrections de trajectoire pour atteindre son poste à 1,5 million de km.
Here it is: humanity's final look at @NASAWebb as it heads into deep space to answer our biggest questions. Alone in the vastness of space, Webb will soon begin an approximately two-week process to deploy its antennas, mirrors, and sunshield. #UnfoldTheUniverse pic.twitter.com/DErMXJhNQd — NASA (@NASA) December 25, 2021
Le télescope permettra de mieux comprendre la formation des étoiles et des galaxies, et observer les exoplanètes dont les astronomes découvrent toujours plus de spécimens. Le James Webb va marcher dans les pas du télescope Hubble, qui a révolutionné l'observation de l'Univers: c'est grâce à lui que les scientifiques ont découvert l'existence d'un trou noir galactique au centre de toutes les galaxies, ou de vapeur d'eau autour d'exoplanètes. Imaginé par la Nasa dès le lancement de Hubble en 1990, le James Webb s'en distingue à plus d'un titre. La taille de son miroir, de 6,5 mètres d'envergure, lui procure une surface et donc une sensibilité sept fois plus grande, suffisante pour détecter la signature thermique d'un bourdon sur la Lune. Autre différence: son mode d'observation. Là où Hubble observe l'espace essentiellement dans le domaine de la lumière visible, James Webb s'aventure dans une longueur d'onde échappant à l'oeil: l'infra-rouge proche et moyen. Un rayonnement que tout corps, astre, humain ou fleur, émet naturellement. Cette lumière sera étudiée par quatre instruments, munis d'imageurs et de spectrographes pour mieux la disséquer. Leur développement a mobilisé une pléthore d'ingénieurs et scientifiques, sous la houlette de laboratoires et industriels américains et européens. Grâce à cela "en regardant les mêmes objets (qu'avec Hubble), on verra de nouvelles choses", expliquait à Paris l'astronome Pierre Ferruit, co-responsable scientifique du télescope pour l'ESA. Par exemple, les premières galaxies, des objets dont l'éloignement a fait virer leurs lumières vers le rouge. Ou les jeunes colonies d'étoiles, qui grandissent masquées dans les nuages de poussière de leurs pouponnières. Ou encore l'atmosphère des exoplanètes. La condition impérative au bon fonctionnement du télescope est une température ambiante si basse qu'elle ne trouble pas l'examen de la lumière. Hubble est en orbite à quelque 600 km au-dessus de la Terre. A cette distance, le James Webb serait inutilisable, chauffé par le soleil et sa réflexion sur la Terre et la Lune. Il va être placé à l'issue d'un voyage d'un mois à 1,5 million de km de là et sera protégé du rayonnement solaire par un bouclier thermique de cinq voiles souples qui dissipera la chaleur, abaissant la température (qui est de 80°) à -233 degrés côté télescope. Mais avant d'en arriver là, la machine et ses concepteurs vont devoir réaliser un véritable exploit: son déploiement sans failles, avec une série d'opérations impliquant par exemple pour le seul bouclier 140 mécanismes d'ouverture, 400 poulies et presque 400 mètres de câbles. Pour ces manoeuvres, la Nasa a aussi imposé des mesures draconiennes de propreté pour éviter toute contamination du miroir du télescope, par des particules ou même une haleine chargée... Il faudra plusieurs semaines pour savoir si le télescope est prêt à fonctionner. Son entrée officielle en service est prévue en juin 2022.