L'essayiste et romancière Mouna Hachim vient de publier son dernier titre: "Ben Toumert, ou les derniers jours des Voilés". 2M.ma a contacté l'auteur pour en savoir plus sur de cet opus, paru aux Editions La Croisée des Chemins. Interview. Voulez-vous présenter brièvement la trame de votre nouveau roman, sans trop en dévoiler ? C'est une fresque historique basée sur des événements et des personnages réels et qui va de 1120 à 1147. Elle décrit donc les dernières 27 années de règne des Almoravides, surnommés Al-Moultazimoun, soit les Voilés, porteurs du litham, écrasés par la puissance du mouvement naissant des Almohades sous la direction du chef spirituel Mohamed ben Toumert et du chef de guerre, proclamé ensuite calife, Abdelmoumen. L'action a pour cadre Marrakech, la capitale de l'empire qui englobait les deux rives du détroit de Gibraltar depuis les berges du fleuve Sénégal aux frontières de l'Aragon et de l'Atlantique à Alger. Une autre partie de l'action se passe à Zagora, dite Tazagourt, et bien entendu à Tinmel, ville sainte du Mahdi Almohade et capitale de la nouvelle dynastie au sommet des montagnes du Haut Atlas. Le roman se divise en trois parties dont chacune porte le nom d'une femme, des princesses almoravides, protagonistes majeurs dans les événements qui se déroulent marqués par la guerre, la lutte pour le pouvoir, l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques… Ce sont Soura, Mimouna et Fannou qui apportent leurs propres forces et toute leur douceur. «Ben Toumert ou les derniers jours des voilés» propose une fresque médiévale tantôt politique, intime ou spirituelle. Ou demeure la part fictive ? Dès lors qu'il s'agit d'un roman, il y a forcément une part de fiction non négligeable. Celle-ci est présente dans la sensibilité de la narration, la description de la psychologie des personnages ou de certains de leurs agissements, des dialogues, des aspects physiques, du climat tout en veillant à rester souvent en concordance avec les faits et avec les descriptions et les récits historiques à notre portée. Comment avez-vous travaillé sur le volet historique ? Chaque mot écrit est pesé avec soin. Concernant des personnages comme Ben Toumert, Abdelmoumen ou Ali ben Youssef ben Tachfine, les sources historiques existent et nous éclairent sur leur personnalité, leur aspect physique, les dialogues importants échangés…. Je reste en ce sens très fidèle aux récits existants relatifs aux personnages centraux et faits historiques déterminants. Et puis, il y a le cadre de vie. Juste un exemple : la Marrakech saâdienne est différente de la Marrakech almoravide, il est donc très important pour moi de me documenter avec soin pour éviter un anachronisme ou autre. Il en va de même pour les costumes, les modes alimentaires. En ce sens, autant dire, que si la matière est abondante pour les faits historiques, là où il existe un véritable manque, c'est dans le volet social et dans l'occultation du rôle occupé par la femme. Quid du cadre spatio-temporel, de la rédaction et de la publication de ce roman ? Vos projets ? Ce roman a été écrit et achevé bien avant la Covid-19. Des moments extraordinaires où j'étais happée par les personnages de jour comme de nuit, où l'espace de cette « gestation », je vivais dans un autre espace et une autre dimension temporelle. La vie d'un livre, depuis son élaboration à sa distribution est longue, bien plus longue qu'on ne l'imagine. D'ailleurs, depuis le début de la pandémie du Covid-19, je travaille sur un autre projet qui verra le jour pour les férus de littérature dans le meilleur des cas dans deux ans. Quel message auriez-vous pour les lecteurs qui vous connaissent plutôt à travers vos romans ? Essai ou roman, et malgré la diversité des thèmes traités, il y a une véritable cohérence d'ensemble dans mon travail dans le sens du décalage avec le regard lisse, aux contours limés aux dimensions autoproclamées ou imposées. Il est important pour moi d'évoluer librement, de me débarrasser des frilosités dans le traitement de certains sujets ou personnages, de sortir de ce carcan fait de bien-pensance et de glorification des « ancêtres ». Or c'étaient des hommes et des femmes comme nous avec leur part éclairée et leur part obscure à assumer sans complexes.