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Entretien avec Mohamed Afifi, directeur de Stratégie à la CNSS : «Le succès de cette réforme sociétale dépend tout d'abord de notre façon de piloter le système»
Publié dans Finances news le 20 - 07 - 2006

* Un système d'information nouveau a été mis en œuvre qui traite la liquidation des dossiers et gère par ailleurs la traçabilité.
* Le Maroc est le seul pays du bassin méditerranéen qui ne disposait pas, jusqu'au mois de septembre 2005, d'un régime obligatoire de base assurant les risques de santé.
Finances News Hebdo : En attendant que la machine soit huilée, comment votre Caisse gère-t-elle les dossiers de maladie qui commencent à tomber ? Et quelle appréciation faites-vous du déroulement du processus ?
Mohamed Afifi : Tout d'abord, il faut signaler que la CNSS disposait d'atouts préalables. En effet, la clientèle AMO est déjà suivie et servie pour d'autres prestations. Toute la relation existante à travers le système de déclarations de salaires et de suivi par le réseau a été utilisée au bénéfice de cette prestation nouvelle.
Pour nous, il s'agit de vendre un produit nouveau à notre clientèle existante dans le cadre de l'extension de notre offre de produits et non pas une diversification vers de nouveaux clients non connus par notre institution.
De plus, un système d'information nouveau a été mis en œuvre qui traite la liquidation des dossiers et qui gère par ailleurs la traçabilité .
Compte tenu des flux importants des dossiers attendus (plusieurs milliers par jour arrivent de tout le pays), il est indispensable de gérer et suivre chaque dossier et le «tracer».
Connaître la date de dépôt en agence, la date de réception au siège, la date de traitement ... est essentiel pour maîtriser les délais.
Des efforts ont été déployés, car nous sommes conscients qu'un Assureur Maladie est jugé, souvent, par rapport aux délais de remboursement et des délais de remise des prises en charge.
F. N. H. : Quelles sont les contraintes qui risquent de survenir et d'entraver la réussite, à moyen et long termes, de cette réforme?
M. A. : Avec la mise en place de l'AMO, le Maroc a connu un bond social remarquable. Il est le seul pays - et il faut le préciser- du bassin méditerranéen qui ne disposait pas, jusqu'au mois de septembre 2005, d'un régime obligatoire de base assurant les risques de santé. A cet effet, la réussite de ce projet national dépend de plusieurs facteurs.
Le succès de cette réforme sociétale dépend tout d'abord de notre façon de piloter le système et de la qualité du service rendu à nos clients.
Il dépend également de la réalisation d'un certain nombre de conditions, à savoir :
- l'amélioration de la qualité des services au profit des assurés ;
- la coordination étroite entre les différents régimes (AMO des secteurs public et privé et le RAMED ) ;
- l'implication des professionnels de soins à tous les niveaux ;
- la maîtrise des dépenses en vue d'assurer la pérennité du régime ;
- la bonne gouvernance du système ;
- la création d'un environnement propice à la refondation et au développement de la couverture complémentaire.
F. N. H. : La liste des médicaments remboursables a été qualifiée de liste restrictive. Peut-on savoir si des améliorations ont eu lieu ?
M. A. : La liste des médicaments remboursables est établie par arrêté du ministre de la Santé. Cette liste a été critiquée par un grand nombre de praticiens de la Santé. Certaines des critiques émises sont pertinentes. Il est clair que la liste est améliorable.
Plus de trente nouvelles molécules (DCI) ont été déterminées et proposées. L'arrêté complétant la liste des médicaments remboursables vient d'être publié.
Par ailleurs, un autre travail vient d'être achevé, au niveau de la CNSS, avec le concours de nos collègues de la CNOPS, et nous venons de soumettre à l'ANAM et au ministère de la Santé une liste additive d'une centaine de DCI qui se décline en plus de 500 médicaments.
Nous espérons que le ministre de la Santé y accordera une suite favorable.
F. N. H. : Un plan stratégique a été mis en place par la CNSS pour 2006-2008 et qui regroupe un certain nombre de mesures à même d'en assurer la réussite et la pérennité. Quelles sont ces mesures ?
M. A. : Le plan stratégique de la CNSS 2006-2008 se veut être, dans la suite logique des plans précédents, le parachèvement de la réforme et la mutation que notre maison connaît .
- Le 1er axe concerne la réussite en terme de qualité de service effective de l'AMO ;
- Le 2ème a trait à la refonte de la qualité de service rendu aux assurés et aux entreprises en assurant à travers notre réseau et les nouvelles technologies de l'information une prestation de qualité.
- Une mise à niveau et une valorisation des ressources humaines en ajustant significativement les ressources dans le cadre des programmes de départs négociés, et aussi conjointement avec un effort de recrutement de talents et de compétences.
- La réussite de la mise en gestion déléguée des polycliniques de la CNSS en procédant à une maîtrise des métiers et des ressources, en effectuant des études prospectives des régimes, la mise en place d'un système de pilotage, l'amélioration de la gestion financière et la maîtrise des coûts de gestion.
F. N. H. : La nomenclature des prestations élaborée par la CNOPS est de loin différente de la vôtre. N'estimez-vous pas qu'il s'agit dans ce cas d'un déséquilibre concurrentiel ?
M. A. : La CNSS n'est pas en situation de concurrence avec la CNOPS. Il est vrai que le type de couverture n'est pas le même.
D'un côté, l'AMO gérée par la CNSS ne couvre pas les soins ambulatoires non liés à une maladie grave ou invalidante nécessitant des soins de longue durée ou particulièrement coûteux (ALD/ALC) pour les adultes, alors que la CNOPS couvre ces soins d'une manière générale.
De plus, nos collègues de la CNOPS exercent le métier d'assureur maladie depuis 1950, alors que pour la CNSS la gestion de l'AMO est un nouveau métier ; c'est pour cela qu'il y a un peu d'appréhension née du fait qu'on n'a pas encore vu la CNSS à l'œuvre.
Certains présentent toujours l'AMO de la CNSS comme une formule réduite d'assurance, une sorte d'«assurance du pauvre» ; or, la réalité est différente. Ainsi, le déplafonnement n'est rien d'autre qu'une extension de garantie, inexistante ailleurs.
L'AMO couvre également les maladies antérieures exclues régulièrement par les contrats d'assurance ; elle couvre aussi les soins préventifs pour les enfants (vaccins).
Il est à rappeler que le panier de soins relatif à l'AMO gérée par la CNSS contient :
- le suivi complet de la maternité ;
- le suivi complet, y compris les soins préventifs, de l'enfant jusqu'à 12 ans ; et au-delà il est couvert au même titre que l'adulte ;
- les hospitalisations médicales et chirurgicales quelle qu'en soit la cause ;
- le suivi de 41 groupes de maladies graves ou invalidantes nécessitant des soins de longue durée ou particulièrement coûteux (ALD/ALC) déclinés en 150 maladies.
En ce qui concerne le suivi de la grossesse, l'accouchement et ses suites, les prestations et services suivants sont garantis :
- prestations de soins et services réalisés pendant la grossesse ;
- prestations de soins et services réalisés au moment de l'accouchement ;
- prestations de soins et services réalisés après l'accouchement.
En ce qui concerne l'enfant dont l'âge est inférieur ou égal à 12 ans, la couverture médicale est totale y compris les soins préventifs et, au-delà, il est couvert au même titre que l'adulte.
En ce qui concerne l'hospitalisation, la couverture englobe l'ensemble des prestations et soins rendus dans ce cadre, y compris les actes de chirurgie réparatrice, et ce quelles qu'en soient la cause et l'origine.
S'agissant des maladies de longue durée et coûteuses (ALD/ALC), les prestations médicalement requises suivantes sont garanties :
- les actes de médecine générale et de spécialités médicales et chirurgicales ;
- les analyses de biologie médicale ;
- la radiologie et l'imagerie médicale ;
- les explorations fonctionnelles ;
- l'hospitalisation ;
- les médicaments admis au remboursement ;
- le sang et ses dérivés labiles ;
- les soins bucco-dentaires ;
- les dispositifs médicaux et implants nécessaires aux actes médicaux et chirurgicaux admis au remboursement ;
- les actes de rééducation fonctionnelle et de kinésithérapie ;
- les actes paramédicaux ;
- les appareils de prothèse et d'orthèse médicales admis au remboursement ;
- la lunetterie médicale.
Ces prestations sont couvertes, qu'elles soient dispensées à titre ambulatoire ou dans le cadre d'hospitalisation.
Notre offre n'est pas réduite et l'on peut même se poser la question de savoir ce qui est préférable pour un assuré. L'AMO ne couvrira certes pas la grippe de l'adulte, mais elle permettra, en revanche, de faire face à un traitement long et coûteux.
A noter enfin que l'AMO, gérée par la CNSS, a permis l'accès à la couverture médicale pour la 1ère fois à une population estimée à 2,9 millions de personnes.
Nous espérons que ce chiffre connaîtra une augmentation significative dans les prochaines années.


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