* Une application graduelle de la véracité des prix est conseillée dans un contexte denvolée des prix du baril de pétrole. * Lénergie a un cycle de production plus long quune autre denrée. * Des projets éoliens sont en cours, mais il faut attendre son tour pour obtenir les matériaux tant la demande mondiale se fait pressante. * Il fut un temps où parler du nucléaire était tabou ; actuellement, lAdministration communique sur le sujet tant bien que mal. * My Abdellah Alaoui, président de la Fédération de lÉnergie, livre son avis sur le retard de lapprobation des décrets de la stratégie énergétique. - Finances News Hebdo : Vous avez récemment appelé à une application de la véracité des prix sur les énergies classiques pour, entre autres, en limiter le gaspillage. - My Abdellah Alaoui : Je pense que dans le contexte actuel, le pays est en croissance. Je ne suis pas pessimiste ! Surtout quand on se rend dans des villes comme Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech, Tanger on constate une croissance et un développement certains. Et il y a un rythme soutenu des investissements au Maroc. Alors je serai enclin à dire quil faudrait travailler pour arriver à une vérité des prix. Je ne vous dis pas quil faille brutalement répercuter les hausses aujourdhui, mais peut-être quen le faisant graduellement on pourrait améliorer les recettes des caisses de lEtat. En disant cela, je sais le poids qui pèse sur la Caisse de compensation. Aujourdhui, dans la Loi de Finances 2010, le ministre Salaheddine Mezouar a inscrit un budget de 14 Mds de DH pour cette Caisse. Alors je pense que sil y a reprise économique mondiale, la demande des énergies fossiles va saccroître, ce qui va entraîner une hausse et une volatilité des prix des hydrocarbures. Et le prix du baril qui a été prévu par le gouvernement à 75 dollars, pourrait être dépassé. On pourrait en effet connaître, au deuxième semestre 2010, une hausse du prix du baril qui dépasserait peut-être les 80 dollars. Pourquoi je vous dis cela ? Parce quil y a un commencement de reprise dans les grands pays comme la Chine, lInde, lEurope qui sont énergétivores et ont besoin de consommer pour se développer. Donc, ils sont disposés à payer le prix. Par ailleurs, pour pouvoir satisfaire la demande générale, en cas de confirmation de cette reprise économique, il faudra que les pays producteurs et les grandes multinationales reprennent leurs investissements dans la recherche, la production et lexploitation de nouveaux gisements pétroliers pour satisfaire cette demande. Alors, on a prévu que la demande générale pourrait augmenter de 2 % par an jusquen 2030, ce qui est énorme ! Donc, il nous faudrait de nouvelles découvertes. Aujourdhui, nous avons recensé quelque 800 points pétrolifères et centres dhydrocarbures. Mais pour augmenter le nombre de ces centres pétroliers, il faut investir lourdement. Pour cela, les pays producteurs doivent disposer dune marge dautofinancement. Cest pourquoi le prix du baril, acceptable pour lheure, est de 80 dollars. Et peut-être même plus parce que lexploitation se fait dans des régions lointaines dont laccès est très difficile. Ce qui nécessite des technologies très sophistiquées, voire coûteuses, pour pouvoir extraire lor noir. - F.N.H. : Raison de plus pour le Maroc, pays non producteur, de se tourner vers les énergies renouvelables. On en parle depuis une décennie mais on a limpression davancer peu dans ce contexte. Etes-vous du même avis ? - M. A. A. : Aujourdhui, comme vous le dites, la volonté politique est présente. SM le Roi a pris les choses en main et est en train de booster les autorités pour réaliser cet objectif de 10 % à lhorizon 2010. Quand on parle dénergie renouvelable, cest à la fois lhydraulique, léolien et le solaire. Il y a des projets qui sont actuellement menés par lONE avec des partenaires privés pour augmenter la puissance électrique. Mais dites-vous bien que lénergie est un cycle long et international. Ce nest pas un cycle normal comme pour nimporte quelle denrée. À titre dexemple, un projet éolien nécessite cinq ans entre la prise de décision, le financement et la commande du matériel. En effet, il y a une telle demande sur léolien quil faut attendre son tour devant le portillon pour voir sa commande satisfaite. En effet, lun des problèmes rencontrés aujourdhui est que les usines de fabrication de matériaux pour léolien narrivent plus à satisfaire la demande. - F.N.H. : Si les énergies renouvelables semblent sur la bonne voie, le projet nucléaire, quant à lui, a du mal à se dessiner. Pourquoi le Maroc bute-t-il sur ce point ? - M. A. A. : Ce que je peux vous dire cest que lAdministration ne communique pas. Peut-être quelle a raison. Dabord, la demande pour 2025 justifiera la dotation du Maroc de deux réacteurs nucléaires. Cest une chose qui est maintenant acquise ! Il y a juste cinq ans, il était tabou de parler du nucléaire. Aujourdhui, lAdministration marocaine en discute. Idem pour les établissements concernés, comme lONE, qui sattèlent à ce dossier. Le site de la région dEssaouira, sur la côte atlantique, le financement, luranium, le problème du traitement des déchets nucléaires sont autant de points qui ont été exposés en toute transparence lors de la journée de débat. Les équipes sont en train détudier ce projet et nous avons encore 15 ans devant nous pour le mettre en place. - F.N.H. : La stratégie énergétique a été présentée en 2008. Pourtant, les décrets dapplication nont toujours pas vu le jour. A quoi tient ce retard ? - M. A. A. : Le retard afférent au secteur de lénergie ou autre, est dû au prix que nous devons payer pour la démocratie. Parce que le secteur de lénergie concerne tout le monde. Ce nest pas un sujet propre aux ingénieurs, aux techniciens, au ministère de lEnergie mais également aux élus, à la société civile Cest pour vous dire quil faut un consensus pour réaliser ce projet très ambitieux. Ce consensus nest obtenu au Maroc quen passant par le circuit dapprobation, à savoir le Parlement. Tout cela prend du temps. Lorsque cette stratégie a été déclinée par la ministre en 2008, devant le Souverain qui la validée, elle est passée ensuite en Conseil de Gouvernement, puis en Conseil des ministres. Aujourdhui, les lois et les décrets sont dans le pipe du Parlement. Ceci pour vous dire que le circuit est long et que lon doit savoir ce que lon veut. Comme pour les textes sur lefficacité énergétique, sur les énergies renouvelables, sur lagence de développement des énergies renouvelables et de lefficacité énergétique tous ont été bien ficelés et validés par le SGG qui a évalué leur conformité avec la Constitution marocaine. Et ils sont aujourdhui devant les Commissions parlementaires. Je pense quil faut faire des pressions et du lobbying pour convaincre et libérer ces textes. Cest ce que jappelle, encore une fois, le prix de la démocratie. - F.N.H. : Pour ce projet de LF 2010, les doléances du patronat allaient vers loctroi dun crédit-impôt de 30 % dédié à la recherche, notamment en matière énergétique. Cette doléance a-t-elle été prise en considération par le gouvernement ? - M. A. A. : Tout dabord, je réfute le propos de doléance. Le patronat na pas de doléances. Il a des propositions et des recommandations à faire au gouvernement. Lorsquon discute avec le gouvernement, on le fait sur un pied dégalité, parce que nous considérons que le patronat investit dans ce pays autant que le secteur public. Pour revenir à votre question, je comprends que le gouvernement ne puisse pas répondre dans limmédiat à cette demande, mais il y a un dialogue qui est instauré entre les deux parties. Il faut donner le temps au temps. Il faut, en effet, laisser le temps à lAdministration des impôts, au ministère des Finances, pour voir le moment opportun de donner suite à ces propositions.