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Ihssane Mounir, un décollage réussi
Publié dans Finances news le 03 - 07 - 2009

Diplômé en ingénierie aérospatiale de l’université de Wichita, Ihssane Mounir est aujourd’hui le vice-président commercial de Boeing pour l’Afrique, l’Amérique Latine et les Caraïbes. Voici le parcours d’un Marocain qui est allé jusqu’au bout de sa passion : l’ingénierie aérospatiale.
Ihssane Mounir vient d’être nommé vice-président commercial pour l’Afrique, l’Amérique Latine et les Caraïbes de Boeing. «J’étais heureux de reprendre cette région … C’est une sorte de retour aux sources puisque me revoilà relié au Maroc de manière plus officielle».
Le Maroc, justement, le pays qui l’a vu naître il y a 37 ans. Né à Rabat, Ihssane Mounir passera une grande période de son enfance à Salé dont il garde un vif souvenir. Lui et son frère sont marqués par une forte présence de leurs grands-parents et de leur mère. Leur père, commis de l’Etat, ayant disparu tragiquement dans un attentat dirigé contre un avion à Rome en 1973. Une vérité dont Ihssane ne prendra pleinement conscience qu’une fois grand, tellement la chose relevait du surréel. «Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre ce qui était réellement arrivé à mon père. On parlait toujours de lui et ma mère a fait un travail magnifique pour préserver en nous la mémoire de ce père disparu. Je n’ai appris que bien plus tard les détails et l’ampleur de la tragédie ; j’ai été choqué d’apprendre les conditions dans lesquelles il avait perdu la vie. C’est un fait très marquant dans une existence».
Il est élevé alors dans cette insouciance de l’enfance en présence du patriarche qu’était son grand père. «Je n’ai jamais été le premier de ma classe, ni le dernier. J’étais attiré par les maths, la physique et le français, mais le reste du curriculum ne me passionnait pas outre mesure !». Il voue un vrai culte à la lecture.
Bachelier en sciences maths du lycée Moulay Youssef, Ihssane Mounir n’a qu’une idée : étudier l’ingénierie aérospatiale. «Ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée. Je sais juste que j’ai toujours était passionné par les avions». L’opportunité se présente alors pour lui d’aller étudier aux Etats-Unis. Et bien que n’ayant que deux garçons, la mère d’Ihssane Mounir accepte de laisser son fils se lancer dans cette aventure qui lui tenait tant à cœur alors qu’il n’avait pas encore 18 ans. «À ma grande surprise, ma mère a accepté que je parte aux USA. J’ai quitté le Maroc en 1989». Dès qu’il met le pied sur le «nouveau continent», il s’inscrit à un cours d’anglais. La plupart des étudiants étant Asiatiques, lui et trois autres étudiants, deux Allemands et un Autrichien, se sont vite rendus compte que le Centre avait un système d’enseignement destiné à des personnes n’ayant pas des bases de langues latines. Du coup, les trois étudiants, dont Ihssane, ont dû travailler dur par leurs propres moyens pour obtenir de bonnes notes en anglais. En attendant les résultats, Ihssane et ses amis achètent un van et vont sillonner les Etats-Unis. C’est probablement la seule folie qu’il s’est payée; une folie car, par la suite, il sera totalement absorbé par
les études, les recherches et le travail associatif.
Ihssane réussit donc cette première épreuve de langue et s’inscrit à l’Université de Wichita. Et là, Ihssane était premier de sa classe. Et il le restera tout au long de ses études, aussi bien au premier cycle qu’en deuxième et pour le doctorat. Il avait même battu des records de moyenne ! «J’ai trouvé les études très intéressantes et j’étais sous la tutelle de certains professeurs et je faisais des travaux dans des laboratoires de recherche… L’opportunité était fascinante et j’ai fait des choses que je ne pensais jamais pouvoir faire».
Il enseigne en même temps qu’il prépare son doctorat de 3ème cycle. Notamment dans le cadre d’un programme fédéral pour les enfants démunis. Il est également impliqué dans les associations ; il a d’ailleurs fondé l’organisation des étudiants africains. Il était aussi président de l’Institut américain d’aéronautique …
Et puis, un jour, fin 1996, il rejoint Boeing par un pur hasard. Avant d’y arriver, Ihssane Mounir a été, tour à tour enseignant-chercheur, maître de conférence à l’université de Wichita et associé en recherches, pour le gouvernement américain à l’époque, notamment auprès du département de l’Energie. Il a d’ailleurs publié de nombreux travaux et a reçu plusieurs récompenses pour ses recherches décernées par l’Institut Américain d’Aéronautique et d’Astronautique.
«Vers 1996, j’ai été tenté de faire un petit saut dans l’industrie». Il approche McDonald Douglas à l’époque puisqu’il était très impressionné par certains ingénieurs aérodynamiciens du groupe. Il passera un entretien et on lui fera une offre très alléchante. Il est sur le point de quitter Wichita pour aller en Californie.
Mais, voilà, à Wichita, ville où il enseignait, se trouvaient des installations militaires de Boeing où s’effectuaient des recherches ultrasecrètes. Ihssane Mounir avait déjà fait des recherches et des analyses pour leur compte. Alors, quand les responsables de ces installations ont appris son départ pour le groupe McDonald Douglas, ils lui proposèrent de travailler pour eux. Certes, la rémunération était moins intéressante, mais il a été convaincu de cette proposition d’intégrer le groupe Boeing en tant qu’ingénieur aérodynamicien. «Comme dit le Parrain, on m’a fait une offre que je n’ai pas pu refuser».
Il plie bagages et quitte Wichita pour Seattle. Et le fait d’être polyglotte va lui permettre d’intégrer des projets à destination de zones francophones et hispanophones aussi. Il gravit ainsi les échelons pour passer au management commercial, surtout le marketing du 737. Puis, il évoluera dans le management régional, notamment pour l’Afrique de l’Est et de l’Ouest, ou encore l’Indonésie. Puis le Maroc ! Sa formation technique d’ingénieur aérodynamicien a préparé Ihssane Mounir à gérer et à ne pas être surmené par le complexe. De plus, il a reçu une formation en marketing pour arriver à tout gérer.
Réveil à 4h du matin, jogging à 4h30, arrivée au bureau à 6h30 puis retour à 18h pour dîner à la maison, Ihssane Mounir cherche à gérer au mieux sa vie et à être équitable. «Mais je suis constamment en contact avec les équipes commerciales un peu à travers le monde». Au boulot, il a opté pour un management au consensus, impliquant ses collaborateurs à la prise de décisions. «J’essaye au maximum de ne pas faire du micro-management ! J’essaye d’être un facilitateur plus qu’un manager et puis j’ai un système de feed back avec mes co-équipiers pour voir tout ce qui peut être amélioré». S’il y a toujours une prochaine fois, Ihssane Mounir peut devenir intransigeant. Et cela se comprend quand on gère des marchés à plusieurs centaines de millions de dollars !
À la maison, Ihssane Mounir prend très au sérieux son rôle de papa et il est présent auprès de ses trois enfants autant que possible. Sauf quand il est en voyage. «Mon aînée, Aïcha, m’envoie des textos ou des mails pour me raconter sa journée et celle de sa sœur Ghita et de son frère Youssef. Mon épouse, elle, immortalise tous les moments par des photos qu’elle m’envoie sur mon portable. Je garde un contact fort et permanent avec mes enfants !». Il était présent d’ailleurs lors de la naissance de ses chérubins.
Ihssane Mounir reste un lecteur assidu. «Je lis beaucoup et mes lectures sont surtout des biographies historiques et aussi la littérature asiatique. Je redécouvre les classiques français et je lis beaucoup d’ouvrages en espagnol… J’ai des amis écrivains qui sont également mes conseillers en lecture».
Parmi ses auteurs préférés, figurent André Maurois, Jean Cocteau et Tahir Shah, un grand ami d’Ihssane, entre autres… qu’il redécouvre. Il redécouvre également sa marocanité. «Ce genre de réflexions qui se produisent plus tard. Quand on est jeune, il y a des excès d’hormones qui nous font croire qu’on s’évade du pays alors qu’on ne s’évade que de soi-même. Et par la suite, on est tellement occupé qu’on finit par rencontrer le succès. Et puis un jour, vous vous rendez compte que votre culture, vos origines, votre famille et votre marocanité sont à 90 % dans cette réussite !».
Finira-t-il par rentrer définitivement au Maroc ? «C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je ne pourrais vous dire jamais, pas plus que je ne vous dirais demain !».


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