Diplômé en ingénierie aérospatiale de luniversité de Wichita, Ihssane Mounir est aujourdhui le vice-président commercial de Boeing pour lAfrique, lAmérique Latine et les Caraïbes. Voici le parcours dun Marocain qui est allé jusquau bout de sa passion : lingénierie aérospatiale. Ihssane Mounir vient dêtre nommé vice-président commercial pour lAfrique, lAmérique Latine et les Caraïbes de Boeing. «Jétais heureux de reprendre cette région Cest une sorte de retour aux sources puisque me revoilà relié au Maroc de manière plus officielle». Le Maroc, justement, le pays qui la vu naître il y a 37 ans. Né à Rabat, Ihssane Mounir passera une grande période de son enfance à Salé dont il garde un vif souvenir. Lui et son frère sont marqués par une forte présence de leurs grands-parents et de leur mère. Leur père, commis de lEtat, ayant disparu tragiquement dans un attentat dirigé contre un avion à Rome en 1973. Une vérité dont Ihssane ne prendra pleinement conscience quune fois grand, tellement la chose relevait du surréel. «Il ma fallu beaucoup de temps pour comprendre ce qui était réellement arrivé à mon père. On parlait toujours de lui et ma mère a fait un travail magnifique pour préserver en nous la mémoire de ce père disparu. Je nai appris que bien plus tard les détails et lampleur de la tragédie ; jai été choqué dapprendre les conditions dans lesquelles il avait perdu la vie. Cest un fait très marquant dans une existence». Il est élevé alors dans cette insouciance de lenfance en présence du patriarche quétait son grand père. «Je nai jamais été le premier de ma classe, ni le dernier. Jétais attiré par les maths, la physique et le français, mais le reste du curriculum ne me passionnait pas outre mesure !». Il voue un vrai culte à la lecture. Bachelier en sciences maths du lycée Moulay Youssef, Ihssane Mounir na quune idée : étudier lingénierie aérospatiale. «Ne me demandez pas pourquoi, je nen ai aucune idée. Je sais juste que jai toujours était passionné par les avions». Lopportunité se présente alors pour lui daller étudier aux Etats-Unis. Et bien que nayant que deux garçons, la mère dIhssane Mounir accepte de laisser son fils se lancer dans cette aventure qui lui tenait tant à cur alors quil navait pas encore 18 ans. «À ma grande surprise, ma mère a accepté que je parte aux USA. Jai quitté le Maroc en 1989». Dès quil met le pied sur le «nouveau continent», il sinscrit à un cours danglais. La plupart des étudiants étant Asiatiques, lui et trois autres étudiants, deux Allemands et un Autrichien, se sont vite rendus compte que le Centre avait un système denseignement destiné à des personnes nayant pas des bases de langues latines. Du coup, les trois étudiants, dont Ihssane, ont dû travailler dur par leurs propres moyens pour obtenir de bonnes notes en anglais. En attendant les résultats, Ihssane et ses amis achètent un van et vont sillonner les Etats-Unis. Cest probablement la seule folie quil sest payée; une folie car, par la suite, il sera totalement absorbé par les études, les recherches et le travail associatif. Ihssane réussit donc cette première épreuve de langue et sinscrit à lUniversité de Wichita. Et là, Ihssane était premier de sa classe. Et il le restera tout au long de ses études, aussi bien au premier cycle quen deuxième et pour le doctorat. Il avait même battu des records de moyenne ! «Jai trouvé les études très intéressantes et jétais sous la tutelle de certains professeurs et je faisais des travaux dans des laboratoires de recherche Lopportunité était fascinante et jai fait des choses que je ne pensais jamais pouvoir faire». Il enseigne en même temps quil prépare son doctorat de 3ème cycle. Notamment dans le cadre dun programme fédéral pour les enfants démunis. Il est également impliqué dans les associations ; il a dailleurs fondé lorganisation des étudiants africains. Il était aussi président de lInstitut américain daéronautique Et puis, un jour, fin 1996, il rejoint Boeing par un pur hasard. Avant dy arriver, Ihssane Mounir a été, tour à tour enseignant-chercheur, maître de conférence à luniversité de Wichita et associé en recherches, pour le gouvernement américain à lépoque, notamment auprès du département de lEnergie. Il a dailleurs publié de nombreux travaux et a reçu plusieurs récompenses pour ses recherches décernées par lInstitut Américain dAéronautique et dAstronautique. «Vers 1996, jai été tenté de faire un petit saut dans lindustrie». Il approche McDonald Douglas à lépoque puisquil était très impressionné par certains ingénieurs aérodynamiciens du groupe. Il passera un entretien et on lui fera une offre très alléchante. Il est sur le point de quitter Wichita pour aller en Californie. Mais, voilà, à Wichita, ville où il enseignait, se trouvaient des installations militaires de Boeing où seffectuaient des recherches ultrasecrètes. Ihssane Mounir avait déjà fait des recherches et des analyses pour leur compte. Alors, quand les responsables de ces installations ont appris son départ pour le groupe McDonald Douglas, ils lui proposèrent de travailler pour eux. Certes, la rémunération était moins intéressante, mais il a été convaincu de cette proposition dintégrer le groupe Boeing en tant quingénieur aérodynamicien. «Comme dit le Parrain, on ma fait une offre que je nai pas pu refuser». Il plie bagages et quitte Wichita pour Seattle. Et le fait dêtre polyglotte va lui permettre dintégrer des projets à destination de zones francophones et hispanophones aussi. Il gravit ainsi les échelons pour passer au management commercial, surtout le marketing du 737. Puis, il évoluera dans le management régional, notamment pour lAfrique de lEst et de lOuest, ou encore lIndonésie. Puis le Maroc ! Sa formation technique dingénieur aérodynamicien a préparé Ihssane Mounir à gérer et à ne pas être surmené par le complexe. De plus, il a reçu une formation en marketing pour arriver à tout gérer. Réveil à 4h du matin, jogging à 4h30, arrivée au bureau à 6h30 puis retour à 18h pour dîner à la maison, Ihssane Mounir cherche à gérer au mieux sa vie et à être équitable. «Mais je suis constamment en contact avec les équipes commerciales un peu à travers le monde». Au boulot, il a opté pour un management au consensus, impliquant ses collaborateurs à la prise de décisions. «Jessaye au maximum de ne pas faire du micro-management ! Jessaye dêtre un facilitateur plus quun manager et puis jai un système de feed back avec mes co-équipiers pour voir tout ce qui peut être amélioré». Sil y a toujours une prochaine fois, Ihssane Mounir peut devenir intransigeant. Et cela se comprend quand on gère des marchés à plusieurs centaines de millions de dollars ! À la maison, Ihssane Mounir prend très au sérieux son rôle de papa et il est présent auprès de ses trois enfants autant que possible. Sauf quand il est en voyage. «Mon aînée, Aïcha, menvoie des textos ou des mails pour me raconter sa journée et celle de sa sur Ghita et de son frère Youssef. Mon épouse, elle, immortalise tous les moments par des photos quelle menvoie sur mon portable. Je garde un contact fort et permanent avec mes enfants !». Il était présent dailleurs lors de la naissance de ses chérubins. Ihssane Mounir reste un lecteur assidu. «Je lis beaucoup et mes lectures sont surtout des biographies historiques et aussi la littérature asiatique. Je redécouvre les classiques français et je lis beaucoup douvrages en espagnol Jai des amis écrivains qui sont également mes conseillers en lecture». Parmi ses auteurs préférés, figurent André Maurois, Jean Cocteau et Tahir Shah, un grand ami dIhssane, entre autres quil redécouvre. Il redécouvre également sa marocanité. «Ce genre de réflexions qui se produisent plus tard. Quand on est jeune, il y a des excès dhormones qui nous font croire quon sévade du pays alors quon ne sévade que de soi-même. Et par la suite, on est tellement occupé quon finit par rencontrer le succès. Et puis un jour, vous vous rendez compte que votre culture, vos origines, votre famille et votre marocanité sont à 90 % dans cette réussite !». Finira-t-il par rentrer définitivement au Maroc ? «Cest une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je ne pourrais vous dire jamais, pas plus que je ne vous dirais demain !».