Les économies des pays de lUnion économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont été frappées de plein fouet par la crise. Au point que le taux de croissance du PIB pour 2009 a été revu à la baisse. Philippe-Henry Dacoury-Tabley, gouverneur de la Banque centrale des Etats de lAfrique de lOuest (BCEAO), répond aux questions de Finances News Hebdo. - Finances News Hebdo : Quelles ont été les premières mesures prises par la BCEAO face à la crise ? - Philippe-Henry Dacoury-Tabley : Notre première démarche a été dinstaurer une cellule de veille, avec pour mission danalyser les conséquences de la crise dans les pays de lUnion et de proposer une série de mesures. Ces analyses ont montré que les établissements de crédit ne disposaient pas dans leurs portefeuilles dactifs toxiques, mais quils pourraient être affectés par la dégradation de l'environnement économique peu favorable inhérent à la crise financière. Cest dans ce sens que la BCEAO a entrepris dassurer un suivi régulier de la situation du système bancaire et dy maintenir un niveau optimal de liquidité à travers ses opérations sur le marché monétaire. - F. N. H. : Au niveau de lUEMOA, le système financier a été relativement épargné. En cette période de crise, les chefs dEtat ont tendance à sen glorifier. En temps normal, cela ne démontre-t-il pas cependant un certain retard des pays de lUEMOA par rapport aux développements des marchés financiers internationaux ? - P-H. D-T. : Nous avons toujours déclaré que la crise financière a très peu impacté notre système financier du fait que nous avons une réglementation assez stricte qui ne permet pas aux banques daller acquérir certains produits, comme les produits toxiques qui ont été à lorigine de la crise. Par ailleurs, nous ne nous sommes pas trop impliqués dans le système financier mondial. Ce qui fait que la crise, sous son aspect financier, na pas eu un véritable impact sur notre système bancaire. Néanmoins, la crise économique, dérivée de la crise financière, nous touche de plein fouet. - F. N. H. : Justement, est-ce que vous avez pu en mesurer limpact sur léconomie réelle ? - P-H. D-T. : Effectivement, parce que nous avons dores et déjà revu à la baisse notre taux de croissance initialement fixé à 4,7% environ. Actuellement, nous tablons sur un taux de croissance de 3,5%. - F. N. H. : Avec la crise, commence à naître un certain protectionnisme des Etats, voire un nationalisme rampant. Comment percevez-vous ce phénomène et, en tant que gouverneur de la BCEAO, est-ce que vous le cautionnez ? - P-H. D-T. : A notre niveau, nous ne sommes pas encore confrontés à ce type de comportement dans nos échanges avec lextérieur. Il y a effectivement une baisse de la demande, mais que nous mettons sur le compte de la crise actuelle. - F. N. H. : Quelles sont les mesures que vous avez préconisées pour laprès-crise afin daccompagner justement les pays de lUnion ? - P-H. D-T. : Le langage que je tiens aux autorités de lUnion est celui-ci : la crise nous a trouvés en crise. Par conséquent, les moyens den sortir sont des moyens préconisés depuis longtemps quil faut renforcer. Il faut poursuivre dans la voie des réformes structurelles et continuer à lutter contre la pauvreté. Il ny a pas dautres remèdes que de poursuivre les efforts de redressement. - F. N. H. : La dernière crise financière majeure date denviron 10 ans. En tant quexpert, comment voyez-vous le système financier mondial dans 10 ans ? - P-H. D-T. : Nous lavons dit lors du symposium : nous allons dépasser cette crise, mais ça va être dur. Il faut que nous soyions vigilants à lavenir et que nous appliquions scrupuleusement les mesures qui vont être édictées. Dans 10 ans, léconomie mondiale sera dans une dynamique de croissance si, bien entendu, nous retenons les leçons de la crise actuelle.