* Le renforcement des capacités est aujourdhui un projet de réforme dans lequel sest engagée la communauté douanière toute entière pour faire face aux différentes mutations. * Le système de dédouanement BADR permet une élévation du niveau dinformation à 90%. * La tendance des recettes du droit dimportation serait à la baisse en raison du processus du démantèlement tarifaire. * Le projet de guichet unique se veut désormais un projet communautaire. * Le tarif intégré permet désormais à lopérateur économique ainsi quà linspecteur des douanes de disposer dune visibilité suffisante pour le choix du régime préférentiel à adopter. * Point de vue de A. Zaghnoun, Directeur Général de lADII. - Finances News Hebdo : Comment lAdministration des Douanes peut-elle concilier entre facilité et sécurité des transactions commerciales, dans un contexte de crise caractérisé par une montée importante de la fraude ? - Abdellatif Zaghnoun : Il sagit là, effectivement, dune question importante. En effet, la multiplication des accords de libre-échange se traduit par laugmentation des flux de marchandises à léchelle internationale, ce qui accroît le degré de complexité de la mission des administrations douanières à travers le monde. Celles-ci se trouvent confrontées à des défis majeurs : concilier entre la facilitation du commerce et assurer un contrôle douanier empreint defficacité. Pour faire face à cet impératif, on ne peut plus continuer à travailler avec les mêmes procédures dil y a quinze ou vingt ans. Il faut simplifier au maximum les procédures pour réduire les délais et les coûts inhérents au traitement des opérations douanières. Ce qui nécessite dengager de véritables réformes à même de permettre aux administrations douanières de maîtriser cette équation ô combien difficile, à savoir des échanges fluides et un contrôle efficace qui tienne compte de la dimension sécuritaire. Le renforcement des capacités est aujourdhui un projet de réforme dans lequel sest engagée la communauté douanière toute entière. Ce projet met laccent sur les ressources humaines, les infrastructures, notamment le système dinformation, les moyens et méthodes de contrôle. Il est impératif aujourdhui que le personnel douanier dispose des compétences lui permettant de prendre en charge les exigences quimpose une gestion efficace des flux du commerce. Les douanes sérigent, en effet, en de véritables gestionnaires du commerce. Ce qui nécessite des compétences bien particulières et une connaissance suffisante des processus logistiques. Et puis il est important que les Douanes soient bien outillées en matière de nouvelles technologies de linformation. Il faut disposer dun système informatique performant permettant dassurer un contrôle intelligent basé sur lanalyse du risque et le ciblage. Aujourdhui, le partenariat avec le secteur privé est incontournable. Le partenariat et la collaboration avec les autres douanes partenaires sont aussi nécessaires. Il sagit donc de grands projets que toutes les douanes doivent initier pour relever les défis et anticiper les changements. - F. N. H. : Par rapport à tous ces chantiers de réformes, où en est notre ADII ? - A. Z. : Dabord, sur le plan législatif, nous avons adapté le code des douanes aux exigences du commerce international. Donc, il y a une adaptation de notre législation à lévolution du contexte. A loccasion de chaque Loi de Finances, nous introduisons des amendements pour adapter le code à ses exigences. Par rapport à notre système dinformation, nous avons mis en place le système de dédouanement BADR qui succède à lancien système SADOC. Aujourdhui, lADII est dotée dun système performant qui offre plus de visibilité aux opérateurs économiques, et qui est doté dune plate-forme déchange dinformations entre les différents acteurs, laquelle permet une élévation du niveau dinformatisation de 60% à 90%. Grâce à ce système, nous évoluons sûrement vers la douane électronique. - F. N. H. : A ce sujet, on parle fréquemment des pannes répétitives du système BADR ; que pouvez-vous nous répondre et quel est leur impact sur les transactions commerciales ? - A. Z. : Depuis son lancement au tout début de lannée 2009, BADR a vu lenregistrement de plus de 250.000 déclarations. Cest vous dire que ce système assume pleinement son rôle, qui est de prendre en charge les opérations de dédouanement avec la célérité et la fluidité requises. Il arrive que dans certains cas spécifiques, comme pour tout démarrage dun nouveau système de lenvergure de BADR, quelques dysfonctionnements empêchent de manière ponctuelle le déroulement normal des traitements. Nos services sont organisés pour remédier à ces situations avec la mobilisation et la réactivité nécessaires. Par ailleurs, nos équipes techniques ne cessent dapporter des améliorations, en tenant compte précisément du ressenti des usagers, dont le feed-back est recueilli selon des méthodes professionnelles grâce à nos canaux dassistance présents en centrale et dans toutes les régions. Laissez-moi vous rassurer : BADR est aujourd'hui totalement intégré au quotidien, aussi bien des douaniers que des opérateurs économiques. - F. N. H. : Le Maroc a signé plusieurs accords de libre-échange. Quelles sont les mesures mises en place par lADII en vue déviter la confusion tarifaire et mener à bien lesdits accords ? - A. Z. : Dans le cadre de la modernisation de lAdministration, cette dernière avait entamé, assez tôt, son processus informatisation pour une meilleure gestion de ses instruments, tant au niveau de ses services centraux quextérieurs. Cette initiative a été couronnée par la mise en place dun instrument de dédouanement automatisé intitulé «tarif intégré» qui reprend lensemble des outils fiscaux et des réglementations particulières. Le tarif des droits de douane en constitue un. Mais il y a aussi le régime préférentiel conclu dans le cadre des accords de libre échange. Grâce au tarif intégré, lopérateur économique ainsi que linspecteur des douanes disposent aujourdhui dune visibilité suffisante pour le choix du régime préférentiel à adopter. Ceci étant, la multiplication des accords commerciaux et de libre échange et la diversification des produits échangés ne constituent pas un réel problème grâce aux outils que nous avons mis en place et qui ont été conçus pour gérer cette complexité. Par ailleurs, et sur le plan informationnel, le site Internet met à la disposition des opérateurs économiques des bases de données qui renseignent sur lensemble des dispositions douanières de chacun des accords ainsi que sur la mise à jour en temps réel des listes de produits bénéficiant du démantèlements tarifaire. - F. N. H. : Quels sont les indicateurs de performance de lADII au terme de lannée 2008 et comment ont-ils évolué par rapport à 2007 ? - A. Z. : Parmi les indicateurs de performance, on peut citer les recettes douanières qui se sont chiffrées à 70 Mds de DH à fin 2008, soit une progression de 11% par rapport à 2007. On peut citer aussi le délai de dédouanement qui est aujourdhui de 2h. Mais là, il faut faire la différence entre le délai de dédouanement et le délai de séjour. Le délai de séjour concerne toutes les procédures administratives depuis larrivée du navire jusquà la sortie de la marchandise du port. Il concerne plusieurs acteurs dont la Douane (transitaires, agents maritimes, banques, services de contrôle ) autant de services ne dépendant pas de notre contrôle. Ce qui est sous notre contrôle, cest le délai de dédoublement qui concerne les formalités douanières. Il importe de souligner, à ce niveau, quune initiative louable a été prise par lensemble des intervenants de la chaîne logistique, dont la douane, pour réduire les délais de séjour des marchandises dans les enceintes portuaires. Nous évoluerons ensemble vers de meilleures performances. Par ailleurs, de nouveaux produits ont été mis en place. Ils ont pour leitmotiv la simplification des procédures administratives. On peut citer, à titre dexemple, la catégorisation des entreprises, la mise en place des MEAD (Magasins et aires de dédouanement) qui permettent le dédouanement en dehors des ports pour mieux les décongestionner. - F. N. H. : Peut-on savoir comment se répartissent les recettes douanières ? - A. Z. : Les recettes douanières se composent du droit dimportation (20%), de la TVA à limportation (42%), de la TIC (35%) et le reste est composé de la redevance du gazoduc. - F. N. H. : Toujours en matière de recettes douanières, quelles sont vos prévisions pour lannée 2010 sachant que les accords de libre-échange ont pour corollaire la baisse des droits à lentrée ? - A. Z. : Il est un peu tôt pour parler de projection des recettes douanières pour lannée 2010. En principe, lexercice des prévisions à inscrire dans le projet de Loi de Finances ne débute que vers le mois de mai, après la communication et la publication officielle, par les administrations concernées, des données macroéconomiques de lannée 2008 et les tendances du premier trimestre 2009. Cependant, la tendance des recettes du droit dimportation serait à la baisse en raison du processus du démantèlement tarifaire dans le cadre des accords de libre-échange et de la réforme tarifaire consacrée par la Loi de Finances de lannée 2009. Pour les autres recettes (TVA et TIC notamment), leur évolution dépendra dautres facteurs. - F. N. H. : La 8ème édition de la conférence-exposition de lOMD sur les technologies de linformation a pour thème : «guichet unique». Pouvez-vous nous éclairer sur le principe du guichet unique et son intérêt pour votre administration ? - A. Z. : Le guichet unique a dabord une seule finalité qui est celle de faciliter la vie aux opérateurs du commerce international. Son principe est, quant à lui, relativement simple. Il sagit de faire en sorte que lopérateur nait pas à accomplir la même formalité ou à fournir le même document à plusieurs organismes, quils soient publics ou privés. Il procède à cette formalité ou délivre ce document au niveau dune plate-forme virtuelle et cest cette dernière qui se charge de transmettre linformation à tous les organismes qui en auraient besoin. Chacun recevant ce dont il a besoin, sans plus. Cest, pour illustrer, le principe de la communauté en réseau à opposer à la communauté en silo. Lavancée de la technologie permet de réaliser cela. LAdministration est au service du citoyen et de lentreprise. Tout ce quelle peut faire pour aller dans le sens dun meilleur service, elle le fera. A ce titre, nous croyons beaucoup aux retombées positives que générera la mise en place du guichet unique des formalités du commerce extérieur en termes de célérité des traitements, de transparence et de réduction des coûts. - F. N. H. : Quels sont les mécanismes favorables à linstallation du guichet unique et où en est lADII actuellement ? - A. Z. : La douane a lancé début janvier son nouveau système de dédouanement (BADR) dans sa version complète. Il sagit du tout premier système transactionnel denvergure au Maroc ouvert sur Internet à plus de 4.000 opérateurs. BADR, cest aussi la brique fondamentale à tout système de guichet unique des formalités du commerce extérieur. Ceci dit, le projet de guichet unique est un projet communautaire où sont impliqués tous les intervenants publics ou privés dans les opérations du commerce international. Il sagit, entre autres, outre la douane, de MARSA Maroc, des banques, des transitaires, des agents maritimes Ce projet auquel a été donné le nom de PORTNET est entré, après une phase détude, dans létape de réalisation. Un prestataire ayant une expérience certaine dans le domaine a été retenu et les travaux vont bon train. Le premier lot qui concerne le trafic conteneur au port de Casablanca devrait être mis en service fin 2009. - F. N. H. : Quels sont les chantiers sur lesquels sattelle lADII aujourdhui pour être en parfaite harmonie avec les réformes initiées par lOMD (Organisation Mondiale de la Douane) ? - A. Z. : LOMD a initié plusieurs réformes pour préparer les Douanes à lère du 21ème siècle. Parmi les plus importantes réformes, il convient de citer : Le cadre des normes visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial, la stratégie de la Douane au 21ème siècle, le renforcement des capacités des administrations douanières. LADII a déjà anticipé et adhéré à ces réformes. 1/ En ce qui concerne «le cadre des normes», cette administration a signé la lettre dintention et a achevé la première phase relative au diagnostic prévu par le programme Columbus de lOMD. Actuellement, elle en est à la deuxième phase du programme qui consiste à élaborer un plan daction pour la mise en uvre dudit cadre. Ce plan comporte trois axes : mise en place dune plate-forme déchange de données, réforme procédurale de contrôle et adoption du statut dopérateur économique. Il convient de préciser que le cadre des normes sarticule autour de deux piliers, à savoir : le partenariat douane/douane ; le partenariat douane/entreprise. Dans le même ordre didées, lADII a adhéré aux principaux outils de lOMD relatifs à la facilitation et à la simplification des procédures douanières dont, notamment, la convention sur le système harmonisé de codification et de désignation des marchandises et la convention de Kyoto révisée sur lharmonisation et la simplification des régimes douaniers. Sur le plan de la coopération douane/douane, lADII a conclu des accords dassistance administrative mutuelle avec la plupart des douanes des pays partenaires. En ce qui concerne le partenariat avec le secteur privé, elle a mis en place un cadre approprié pour le renforcer davantage. Le programme de catégorisation des entreprises en constitue une parfaite illustration. Il consiste à faire bénéficier ces dernières de larges facilités en fonction de leurs performances, en attendant de leur accorder le statut dopérateur économique agréé prévu par le cadre des normes. Dailleurs, ce principe vient dêtre récemment intégré dans la législation douanière marocaine. 2/ Ladhésion à la stratégie des douanes du 21ème siècle a déjà été entamée par la prise en charge des deux premiers volets de cette stratégie, à savoir «la douane en réseau» et «la gestion coordonnée aux frontières». Pour le premier volet, lADII dispose actuellement dun système informatique de dédouanement performant «BADR» qui, grâce à lutilisation de lInternet, permet toute interconnexion avec les systèmes informatiques similaires des douanes étrangères. Sagissant du deuxième volet relatif à la «gestion coordonnée aux frontières», cette dernière sera concrétisée à travers la mise en place du guichet unique. Bien évidemment, la concrétisation de tous ces projets passe par le renforcement des capacités de lADII qui figure parmi les axes prioritaires de cette administration. - F. N. H. : Récemment, le Maroc a été élu vice-président du Conseil de lOMD (Organisation Mondiale des Douanes), et vous, en tant que Directeur général de lAdministration des Douanes, avez été élu président du Comité dAudit de lOMD, dès mars 2009. Quest-ce que cela signifie pour le Maroc et pour sa position de leader régional ? - A. Z. : Cest en juin 2008 que le Maroc a été élu vice-président du Conseil de lOrganisation Mondiale des Douanes en tant que Représentant régional de la région Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient. Cette élection traduit en fait le respect et lestime dont jouit lADII, en tant quadministration moderne et efficace, auprès de ses homologues de la région et de lOMD. A ce titre, il est à noter que lADII est un membre très actif au sein de lOMD à travers, notamment, sa participation contributive aux différents comités de travail de cette organisation. Par ailleurs, la douane marocaine a assuré la présidence de plusieurs de ces comités (Comité Technique Permanent, Comité de Valeur, Comité de lOrigine) ; elle dispose également dexperts accrédités par lOMD pour fournir des formations au Maroc et dans les pays membres de cette organisation. En outre, elle a participé à la gestion des structures de lOMD dans la mesure où un de ses cadres a assumé, pendant cinq années, la fonction de Directeur adjoint, à la Direction des questions commerciales et tarifaires. La région Afrique du Nord, Proche et Moyen-Orient dispose dénormes potentialités pouvant être utilisées à bon escient au service de la modernisation de ses administrations douanières. Nous voulons traduire toutes ces potentialités en une force de proposition didées et de projets régionaux pour être discutées au sein de lOMD et contribuer ainsi aux débats qui sont menés dans les organes de travail. En tant que vice-président, lADII participe aux travaux de la Commission de politique générale de lOMD. Il sagit dune instance qui soccupe de questions de politique générale ayant trait aux activités de lOMD ; elle joue le rôle dun groupe dynamique de direction à lintention du Conseil de cette organisation. Et à ce tire, lADII représente et défend les intérêts des pays de la région dans la définition des orientations et la prise de décisions qui vont influencer lenvironnement douanier dans les prochaines années. Ainsi, avons-nous défini une stratégie globale pour la région déclinée en un plan daction, élaboré avec la collaboration du Bureau régional du renforcement des capacités installé à Dubaï, une stratégie triennale de renforcement des capacités des services douaniers des pays de la région et défini un plan de formation (annuel). Lobjectif est dinitier les actions nécessaires pour moderniser les administrations douanières des pays de la région, à travers des réformes à mener sur les plans organisationnel et fonctionnel, et ce afin quelles puissent répondre aux défis de la mondialisation et ses répercussions sur le plan commercial et économique. La présidence du Comité daudit de lOMD revient au Maroc en mars 2009, étant signalé quil est déjà membre de ce Comité. Là aussi, lADII ne peut que senorgueillir, car il sagit dun comité qui vient dêtre créé (juin 2006) et le Maroc est le deuxième pays à assurer sa présidence. Cest dire lestime et le sérieux dont bénéficie lADII au sein de lOMD. Le rôle du Comité daudit est de superviser la fonction daudit dans le cadre de lexamen systématique des mécanismes de contrôle et des procédures de gouvernance mis en place à lOMD. Cest un privilège pour lADII que dassumer cette responsabilité au niveau international.