* Malgré la ratification par le Maroc de la Convention Internationale de lEnfant, la violence physique et morale est toujours fortement présente dans nos écoles. * Le suicide dun lycéen, victime de moqueries, en est la preuve. * Selon une enseignante, le recours à la punition corporelle est parfois le seul moyen de faire régner lordre. * Le rôle de lécole dans la préparation des citoyens est sérieusement remis en cause. Le suicide dun lycéen de 13 ans victime de moqueries et de violence de la part de ses camarades, mais aussi la pression exercée sur lui par certains cadres de son administration, a remis sur le tapis un sujet très peu abordé : celui de la violence dans nos écoles. Cet événement tragique qua connu la ville de Casablanca a rappelé que le fait que le Maroc ait ratifié la Convention Internationale de lEnfant na pas banni la violence. Le plus insolite est que ce lycéen suivait sa scolarité dans une école de mission étrangère. Déjà en 2006, lUNICEF avait brossé un portrait très obscur de la situation dans les écoles marocaines. Dans cette enquête réalisée pour le compte du ministère de lEducation nationale, 73 % des enseignants interrogés ont reconnu avoir recours au châtiment corporel. «Il est vrai que la punition corporelle nest pas le meilleur moyen qui soit pour inculquer la discipline aux élèves, nempêche quavec certains éléments perturbateurs en classe, nous sommes un peu dans lobligation de brandir le bâton en guise de menace et de passer à laction si lélève ne se soumet pas aux ordres», explique Asma B., enseignante dans un établissement public. «Parfois, je convoque les parents dun élève turbulent pour essayer de trouver une solution en vue de canaliser sa violence et linciter à bien travailler. Au lieu de cela, les parents me demandent de le corriger parce queux-mêmes nen peuvent plus. Et personnellement, ça ne me réjouit pas de punir un élève. Il ne faut pas non plus nous prendre pour des bourreaux. Et puis, quand vous avez une classe de 48 élèves, il faut savoir faire régner lordre !». Et quand ça dégénère, comme cest souvent le cas et en labsence dun psychologue scolaire, cest une fois sur deux le surveillant général qui est appelé à la rescousse. «Personne ne parle du cas inverse : quand lélève cible son prof et, croyez-moi, ce nest pas quavec un bâton mais bel et bien avec une arme blanche. Je crois que la violence engendre la violence, même verbale. Que ce soit dans la rue, au sein de la famille ou à lécole, les élèves qui sont victimes dune quelconque forme de brutalité, deviennent brutaux ou, à linverse, se font mal comme le cas de ce lycéen qui sest donné la mort», approuve S. R., surveillant général dans un collège à Casablanca. «Notre travail ne se limite pas au collège puisque, parfois, on doit intervenir dans la rue quand il y a des élèves qui se bagarrent». Si la violence physique est bannie officiellement de nos écoles, officieusement elle est toujours pratiquée mais à certains degrés. Du dénigrement du travail de lélève jusquà lisolation ou la «colle» face contre le mur ou également les surnoms , autant de violations du droit de lenfant à une éducation saine. Selon le président dune association de parents délèves ayant préféré donné son avis anonymement, il serait grand temps de remettre très sérieusement en question le rôle de lécole dans la production de la relève et des générations futures. Cela sexplique, selon lui, à plusieurs titres : le niveau des élèves qui ne cesse de se détériorer, la pédagogie qui serait à revoir, la violence physique et psychologique qui affecte la personnalité des élèves et, surtout, la pédophilie qui a entaché plusieurs écoles. «Malheureusement, ce nest pas près darriver, puisque le corps enseignant pense que nous le remettons en cause, or ce nest pas vrai. Et même au sein des parents délèves, vous avez encore des parents qui partent voir lenseignant pour lui donner le feu vert de châtier leurs enfants. Cest une approche, à mon sens, destructrice du rôle de lécole. Et cest une perversion de la relation entre parents et enseignants qui, ensemble, au lieu de se concerter sur la meilleure manière de faire de lenfant un bon citoyen de demain, sallient pour laccabler davantage. Ou dans le cas extrême, les parents contestent lautorité de lenseignant, encourageant lenfant à être plus que jamais indiscipliné. Il faut mettre un terme à cette gangrène qui mine lavenir de nos enfants», explique-t-il. n