* La classe moyenne se bâtit autour dun système de santé et dun système éducatif forts. * Les politiques publiques ne doivent pas davantage profiter aux riches. «La classe moyenne au Maroc» : cest le thème du colloque organisé hier, mercredi, à Casablanca, par lInstitut Amadeus et le Club Entreprendre. Ce thème est dautant plus dactualité que le Souverain a appelé récemment à lélargissement et au soutien de la classe moyenne, surtout dans ce contexte de crise économique et financière internationale aiguë. Aujourdhui, la seule certitude qui semble se dégager est quil existe bel et bien une classe moyenne au Maroc. Comment la définir et sur la base de quels critères ? A combien sélève-t-elle ? Comment la soutenir ? Autant de questions auxquelles il nexiste pour linstant pas de réponses. Néanmoins, conformément à la volonté royale, il sagira pour le gouvernement de décliner des politiques publiques sectorielles afin de soutenir la classe moyenne existante et, mieux, de lélargir. Cest dans ce cadre que la Santé a mis en place une stratégie nationale en vue notamment de soutenir la classe moyenne lorsquelle est en face de la maladie. Lapproche préconisée, souligne Yasmina Baddou, ministre de la Santé, dans son intervention lors du colloque, tourne, entre autres, autour de «ladoption de politiques de dépistage et de prise en charge des maladies chroniques pour empêcher le basculement vers la pauvreté, de la politique des médicaments (afin quils soient plus accessibles : ndlr), mais également et surtout autour de lélargissement de la couverture médicale de base». Il faut souligner que lAMO touche actuellement 30% de la population, tout comme le RAMED, alors que INAYA devrait toucher 20% de la population (ce qui est loin dêtre le cas en ce moment). «A fin 2010 début 2011, 80% de la population devraient bénéficier de ces différents régimes», précise Baddou, ajoutant que «la classe moyenne est non seulement un pilier majeur pour la société à travers son rôle moteur de changement social, mais également un stabilisateur de la société et de son système politique». Raison pour laquelle, poursuit-elle, «le gouvernement sévertue à préserver le pouvoir dachat des ménages et à faire basculer les plus pauvres vers la classe moyenne à travers le dialogue social et les politiques économique et sociale». Si le dialogue social a permis de débloquer 16 Mds de DH au titre de laugmentation des salaires, ce sont 29 milliards qui ont été prévus par la Loi de Finances 2009 pour la compensation. Dans la même veine, à titre daide directe aux familles vivant dans les quartiers INDH, 450 MDH sont réservés à léducation. De cela, il ressort que 53% du Budget actuel restent alloués aux secteur sociaux. Le social, primordial Assurément, les secteurs sociaux, notamment la santé et léducation, jouent un rôle majeur dans lérection dune classe moyenne. Cest dire quavoir une classe moyenne ne se décrète pas, dautant plus quelle semble être la résultante dune politique sociale aux contours bien circonscrits. Comme cest le cas de la Tunisie avec un choix politique bâti sur la préservation des équilibres à travers le dialogue et la conciliation. «Lémergence de la classe moyenne tunisienne, qui représente un peu plus de 80% de la population, a été ainsi bâtie autour dune politique de santé et déducation forte», souligne Mohamed Lamine Hafsaoui, PDG de la Banque Tunisienne de Solidarité. Ce qui nest pas le cas, par expemple, de lEgypte où, précise léconomiste Samir Sobh, «il est difficile de créer une classe moyenne puisque lEtat est absent des secteurs essentiels et, de surcroît, le pays connaît 1,8 million de naissances par an». Sil y a un point sur lequel tout le monde semble saccorder, cest quune classe moyenne ne peut se construire sans un système éducatif et de santé fort. Pour dire que le niveau de revenu nest pas la seule variable dont on doit tenir compte. «Si on veut développer la classe moyenne, il faut agir sur plusieurs paramètres et cela demande du temps et du courage», relève Mohand Laenser, SG du Mouvement Populaire. «Le courage dabolir les privilèges, de lutter contre la corruption, de valoriser le travail et de promouvoir légalité des chances», martèle-t-il. Manifestement, le débat sur la classe moyenne est loin dêtre clos. Mieux, il ne fait que commencer, surtout que daucuns défendent lidée quil ny aurait pas une, mais des classes moyennes. Il faudra bien se décider à les classifier un jour dans ce Maroc où il y a tant de particularités. Il faudra, aussi, pouvoir les soutenir tout en évitant, comme le constate Noam Leandri, SG de lObservatoire des inégalités en France, que «la politique publique, initiée à lorigine pour la classe moyenne, profite davantage aux riches».