* La forte progression des investissements publics, contenue dans le projet de Loi de Finances 2009, a pour objectif de soutenir la demande intérieure en cas dexacerbation de la crise financière internationale. * La consultation des budgets d'investissement de plusieurs établissements publics révèle qu'ils contiennent dans leurs rubriques des dépenses à caractère de fonctionnement. En dépit des sommes injectées de part et dautre dans le système bancaire international afin de contrecarrer la crise financière, cette dernière continue de faire couler beaucoup dencre. Au Maroc, les propos sont certes rassurants quant à limpact de la crise internationale sur notre système financier, mais cela nempêche que pour ce qui est des incidences sur léconomie réelle, la vigilance est de mise. Si lampleur de la récession dans un bloc économique comme lEurope, notre premier partenaire (plus de 65% du total des échanges), se détériore davantage, le Maroc sera certainement touché aussi bien dans ses exportations que dans ses recettes relatives au tourisme. En effet, la crise qui sest propagée au continent européen (taux de croissance quasi-nul en 2008) devrait entraîner un ralentissement des échanges Maroc-Europe, et par conséquent, de la croissance à moyen et long termes. Aussi, la demande nationale serait-elle impactée par la crise suite au ralentissement des activités de tourisme, principalement, ainsi que la hausse des taux dinflation qui a atteint des niveaux historiquement élevés (4,8% en août dernier) ; bien que cette hausse devrait être modérée par le relèvement du taux directeur de BAM de 3,25% à 3,5%. Un coup de pouce à la demande interne Face à une telle situation, le ministre des Finances, S. Mezouar, nest pas resté les bras croisés. Dans le projet de Loi de Finances 2009, largentier du Royaume a mis en place une panoplie de mesures destinées à soutenir la demande intérieure et, partant, atténuer notre dépendance vis-à-vis de lextérieur. Cette décision nest pas hasardeuse. Nombreux sont les pays qui, face au déclin de la demande externe, ont adopté une série de réformes visant à activer la demande intérieure au moyen dune baisse des taux dintérêt et de lémission accrue demprunts publics. Si on prend lexemple de la Chine, cette dernière a pu non seulement dynamiser son économie mais aussi revigorer celle des territoires voisins. La demande croissante de la Chine a ainsi eu des effets dentraînement sur toute léconomie asiatique. Cest dans ce sillage que sinscrivent les mesures préconisées par S. Mezouar afin de soutenir la demande interne. Elles vont du soutien des prix via la compensation, soit 33,9 Mds DH, à laugmentation des salaires (3,5 Mds DH), et la réduction du prélèvement fiscal sur les revenus (4,8 Mds DH) jusquà lintroduction de mécanismes de soutien dans le cadre de ciblage (1,5 Md DH). Lautre mesure de taille contenue dans le projet de Loi de Finances 2009 est la forte progression de linvestissement public pour mieux soutenir la demande interne. A cet égard, les crédits ouverts seront de lordre de 45 Mds DH, contre 36 Mds DH en 2008 et près de 20 Mds DH en moyenne depuis le début de la décennie. Additionné à linvestissement des établissements et entreprises publics, le montant global de linvestissement serait de lordre de 135 Mds DH. La répartition de linvestissement public en 2009 favorise les entreprises publiques qui se taillent une part de 57,5%, suivies du budget général, soit 31,0%. En troisième position se trouvent les CST et SEGMA (5,3%), suivis des collectivités locales (4,2%) et enfin du Fonds Hassan II (2,1%). (voir graphe). Dépenses dinvestissement vs de fonctionnement Toujours est-il que le soutien de la demande interne via linvestissement public suscite des interrogations. Daprès un analyste financier qui souhaite garder lanonymat, «la consultation des budgets d'investissement de plusieurs établissements publics révèle qu'ils contiennent dans leurs rubriques des dépenses à caractère de fonctionnement. Cette aberration longuement expliquée par l'inadéquation de l'actuelle nomenclature budgétaire, conduit à une exagération de l'investissement. Elle est qualifiée d'hypocrisie budgétaire et donne une idée flatteuse de l'investissement opéré par ces établissements publics». Selon lui, les nomenclatures budgétaires ne sont pas encore harmonisées. Cette non-normalisation peut renseigner sur la volonté de faire perdurer une situation confuse. De son avis, certains établissements publics sont parfois contraints de convertir les subventions d'investissement perçues de l'État en fonctionnement. «Absolument pas. En effet, la réforme de 1998 a mis un terme à ce problème et désormais on ne trouve plus de matières consommables dans le budget de linvestissement. En réalité, cette confusion trouvait sa raison dêtre avant 1998. Mais ce nest plus le cas maintenant», rétorque un haut responsable du ministère des Finances. Aussi, poursuit-il, la notion de linvestissement a beaucoup changé dans le monde, sachant quil y a désormais beaucoup dimmatériel. Au Maroc, on avait un système de comptabilité budgétaire qui ne prenait pas en considération limmatériel dans linvestissement mais lorsquon achète un logiciel, des brevets dinvention, des études, il sagit là dinvestissement ». Il explique : «Lorsque vous achetez un brevet, vous créez une demande chez lentreprise. Par ricochet, vous créez de lemploi, des revenus et donc cela impacte la demande». Cet avis semble être partiellement partagé par un économiste qui, de son côté, confirme que les investissements publics peuvent soutenir la demande. Toutefois, il se demande si lesdits investissements seront assez forts pour soutenir la demande interne en cas de récession. Parce que si la récession frappe davantage lEurope, notre principal partenaire, le Maroc sera dans de beaux draps en 2009. Les gens les plus pessimistes pensent quil faut deux ans pour résorber les effets dune crise pareille. Cet économiste nhésite pas, lui aussi, à parler dhypocrisie budgétaire, à la lecture des chiffres relatifs à linvestissement public. «On saperçoit que lEtat gonfle les chiffres des investissements publics (qui ne sont que de 45 Mds DH) en ajoutant ceux des établissements publics. Or, si demain ces établissements sont privatisés, linvestissement nappartient plus à lEtat. Aussi faut-il se mettre à lesprit que ces établissements recourent le plus souvent à lautofinancement et au crédit bancaire et donc, au finish, lEtat nintervient pas ». Ceci laisse prédire que les chiffres contenus dans le projet de Loi de Finances 2009 et qui seraient relatifs à linvestissement seraient gonflés et ne reflèteraient pas la réalité. Le soutien de la demande via linvestissement ne serait-il quun leurre ?