La société gestionnaire de la Bourse des Valeurs de Casablanca continue de multiplier les initiatives. La semaine dernière, c'est une quarantaine d'experts-comptables qui ont été invités à découvrir les antres de la Bourse. La démarche n'est pas gratuite Dans la foulée du vent de reprise qui souffle au niveau de la place, la SBVC a invité la semaine dernière une quarantaine d'experts-comptables à la Bourse de Casablanca. Point besoin d'être clerc pour cerner l'objectif d'une telle initiative. L'expert-comptable étant par excellence un « relais essentiel d'information et de conseil auprès des entreprises » a, en effet, « un rôle prescripteur important à jouer ». Ne le savait-on pas avant ? Bien sûr que oui. Voilà que, après le constat selon lequel maintes entreprises appréhendent aujourd'hui la Bourse avec suspicion, voire avec crainte, les « oubliés » des premières années de la réforme boursière sont propulsés au-devant de la scène. Alors, pourquoi avoir attendu si longtemps avant de solliciter leur coopération (une collaboration qu'ils acceptent volontiers d'ailleurs) ? Des questions de ce genre, nous pourrions en poser plusieurs. Mais peut-être même que nous n'aurions pas eu à en formuler si, par le passé, les professionnels intervenant de manière directe ou indirecte sur le marché étaient effectivement impliqués dans les différentes phases de modernisation de la Bourse de Casablanca. Non pas qu'ils en fussent totalement exclus, mais, la plupart du temps, leurs avis et recommandations ne furent que trop peu pris en considération. On en a pour preuve la fiscalisation des plus-values sur les valeurs mobilières et la foire d'empoigne qui en a découlé. Tous les observateurs s'accordent à dire que c'est l'une des causes de la décrépitude de la place casablancaise. Il a fallu attendre que la Bourse soit au plus mal pour que, au pied du mur, les autorités proclament la déclaration fiscale non plus obligatoire, mais facultative. Le temps leur aura donné donc raison (APSB, ASFIM, ). Mais que de temps perdu ! Toutefois, comme le dit si bien le vieux dicton, mieux vaut tard que jamais. C'est donc armés d'une volonté réelle de relever la cote de la Bourse de Casablanca qu'autorités et professionnels ont défini de nouvelles bases de partenariat. Aussi, la visite des experts-comptables n'est qu'une initiative parmi tant d'autres entrant dans la stratégie globale de communication autour de la Bourse mise en uvre par la société gestionnaire. Les « Rendez-vous de la Bourse », déclinés en des forums sectoriels trimestriels, et qui réuniront, dans une approche ciblée et personnalisée, des sociétés déjà cotées et des entreprises potentiellement cotables afin de faire valoir à ces dernières les avantages d'une admission à la cote entrent dans cette optique. La première rencontre, qui s'est tenue récemment, a été animée par M. Jacques Attali, fondateur de la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement). Parallèlement, la Bourse de Casablanca a initié « L'école de la Bourse ». A ce titre, une formation destinée aux délégués régionaux du Ministère du Commerce, de l'Industrie et de l'Artisanat, ainsi qu'à différents cadres de Chambres de Commerce a été organisée le 15 mai dernier sous le thème « Fonctionnement du marché boursier et opportunité de financement ». Par ailleurs, d'autres types de formations sont prévues et s'adresseront au grand public (début juin), aux journalistes financiers (25 mai courant), ainsi qu'aux entreprises, prescripteurs et associations professionnelles (sur demande). Reste à espérer que cette approche visant à instaurer cette culture boursière qui fait aujourd'hui tant défaut favorisera un tant soit peu l'arrivée de nouvelles sociétés à la cote. C'est là toute la question ! Pourquoi s'inscrire à la cote ? Beaucoup d'entreprises marocaines n'ont, à ce jour, qu'une vague idée de l'intérêt de s'inscrire à la cote. Elles se posent plusieurs questions dont elles ne cernent pas tout à fait les réponses. Combien vaut l'entreprise ? Combien me coûtera une introduction en Bourse ? Aurai-je toujours le pouvoir de décision avec la recomposition du tour de table ? Et puis, pourquoi s'introduire en Bourse quand « tout marche comme sur des roulettes » ? En général, la notoriété figure parmi les premières motivations à une éventuelle entrée en Bourse, d'autant qu'elle garantit à l'entreprise une plus grande crédibilité par rapport à ses partenaires commerciaux et par rapport à ses salariés, actuels et futurs. Cette notoriété est d'autant plus accentuée que l'entreprise introduite en Bourse est jeune et opère dans un secteur de pointe. Toutefois, une inscription à la cote est avant tout une opération financière dictée par trois raisons : l'entreprise souhaite financer des projets d'envergure qui dépassent la capacité de financement de ses bailleurs de fonds habituels (actionnaires actuels et banquiers) ou désire réduire son endettement ; dans ces deux cas, elle propose essentiellement des actions nouvelles. Si, en revanche, l'entreprise souhaite diluer la position de certains de ses actionnaires et leur permettre de sortir du capital, soit à l'introduction, soit par la suite, l'opération se traduit par la vente d'actions anciennes. Cependant, pour maints dirigeants, particulièrement au niveau des PME/ PMI qui constituent l'ossature du tissu productif marocain, l'inconvénient d'une introduction en Bourse réside, en partie, dans l'obligation de transparence des comptes et dans l'effort de communication financière envers les investisseurs externes, actuels ou potentiels. En outre, elle conduit aussi à la mise en place de systèmes modernes de contrôle interne et à une professionnalisation des instances d'administration et de surveillance ; ce qui est considéré plutôt comme un coût que comme un avantage, alors qu'à long terme, ces changements participent à la solidité de l'entreprise. Autre obstacle : les coûts d'introduction dont certains sont immédiats, d'autres récurrents. Certains efforts ont été faits dans ce sens, notamment avec la réduction de la commission de Bourse qui est passée de 0,14 à 0,10%. D'autres intermédiaires ou conseils interviennent aussi, dont notamment un audit externe, un conseil en communication et un conseil juridique Hormis ces coûts directs visibles, l'introduction mobilise pendant plusieurs mois la vigilance des dirigeants de l'entreprise : la négociation des termes de la transaction avec les intermédiaires peut être délicate. Tous ces coûts ne sont cependant pas à mettre sur le compte de l'introduction en Bourse : celle-ci est plutôt l'occasion d'un effort nécessaire d'amélioration de la gestion dont toute entreprise, cotée ou non, doit bénéficier. La plus grande transparence d'une entreprise cotée a pour corollaire une perte de confidentialité, tant vis-à-vis de ses concurrentes que de ses clients et fournisseurs. Il est probable que ce coût indirect dissuade certaines entreprises. En dépit de ces exigences, on a observé de 1996 à 1998 un regain d'intérêt pour la Bourse, fut-il minime par rapport aux attentes, dû peut-être aux performances exceptionnelles réalisées par la place casablancaise durant ces trois années. C'est dire que beaucoup d'entreprises (les grosses en général) appréhendent les avantages d'une cotation. Mais il est manifeste que la physionomie actuelle de la Bourse de Casablanca tend à annihiler toute velléité d'introduction C'est pourquoi la SBVC s'évertue actuellement à démystifier la Bourse. Encore faut-il que les mesures d'incitation fiscales tant réclamées par les professionnels du secteur suivent