* Loption pour lutilisation du gaz naturel dans les centrales de Safi et Jorf Lasfar ne doit pas être occultée au profit du charbon, surtout avec la hausse du prix de ce dernier. * Si ces deux produits énergétiques permettent lapprovisionnement, ils nassurent pas pour autant lindépendance énergétique. Donc, le dossier nucléaire est toujours maintenu. * Des promesses sérieuses de la part du ministre des Finances pour inciter à lutilisation des énergies renouvelables. Finances News Hebdo : La stratégie présentée au Souverain propose deux scénarios alternatifs. Quels sont les facteurs qui décideront du choix de lun ou de lautre ? Moulay Abdallah Alaoui : La stratégie énergétique telle quelle a été développée par la ministre Amina Benkhadra devant sa Majesté et dont nous aurons loccasion daffiner les contours au cours dune réunion très restreinte, se décline de la façon suivante : dabord, le secteur électrique qui est aujourdhui bordé par des centrales qui verront le jour et qui fonctionneront au charbon et au gaz naturel. Loption du gaz nest pas mise de côté, au contraire, elle va de pair avec le charbon dès quon aura la possibilité de trouver des contrats avec des fournisseurs à long terme. Donc, on peut dire que les deux prochaines centrales, de Safi et de Jorf Lasfar, vont tourner à partir de 2012 dabord au charbon. Mais nous, au niveau de la Fédération de lEnergie, nous allons mettre le focus pour loption du gaz naturel qui ne doit pas être écartée. Si aujourdhui nous avons des difficultés à trouver du gaz naturel, cela ne doit pas nous empêcher de le mettre en option pour ces deux centrales. Cest ce que nous allons dire à Amina Benkhadra. Il ne faut pas occulter le gaz naturel. Il faut simplement lui créer un cadre juridique établi, discuté, et un cadre fiscal. La satisfaction des besoins en électricité est basée selon la stratégie dAmina Benkhadra sur les centrales à combustibles dorigine fossiles quest le charbon. Or, nous, nous allons défendre les chances du gaz. Surtout que nous avons de bons arguments à opposer à la ministre. Notamment le fait que le prix du charbon commence à grimper. Il faut savoir que lONE a acheté, il y a une semaine, le charbon à 160 dollars la tonne. Hier, son prix frôlait les 200 dollars et il ny a pas de raisons que le prix du charbon reste à ce tarif-là si le baril continue de grimper. Il faut donc faire très attention à ce facteur quest la hausse du prix du charbon qui démontre quà lui seul il ne peut compétitif. Sans oublier que le charbon est polluant, que ce nest pas un produit propre et quil va falloir séquiper de nouvelles technologies pour se doter de charbon propre. Cest pourquoi nous allons insister pour que le gaz naturel soit le pendant du charbon. Par ailleurs, aussi bien le gaz naturel que le charbon, tous deux des énergies fossiles, nassurent pas lindépendance énergétique. Ils assurent la sécurité de lapprovisionnement, oui, mais pas lindépendance énergétique. Cette indépendance ne peut être assurée que par lénergie nucléaire. F. N. H. : Cela reviendra-t-il à dire que le dossier nucléaire ne sera pas abandonné ? M. A. A. : Bien sûr. À mon avis, la date qui a été fixée à 2020 me semble être la bonne, puisque cest la date à laquelle je pense quon pourra raisonnablement avoir un réacteur nucléaire de dernière génération de 1.000 ou 1.200 mégawatts. F. N. H. : Donc, les deux scénarios alternatifs peuvent être développés en parallèle ? M. A. A. : Absolument. F. N. H. : Depuis lannonce de lintroduction et de linstitutionnalisation de lefficacité énergétique et la fixation de 15 % comme objectif à atteindre à lhorizon 2020, avez-vous ressenti la possibilité datteindre cet objectif ambitieux? M. A. A. : Je pense que cest très utopique de la part des autorités de vouloir réaliser un objectif de 15 % en prônant lefficacité énergétique. Dabord, le Maroc nest pas un grand consommateur dénergie par rapport à dautres pays à économie similaire ; 8 millions de tonnes de pétrole par an et 3,5 millions de tonnes de charbon, donc, lefficacité énergétique nest pas la panacée. Cependant, je pourrais adhérer à largumentaire de la ministre de lEnergie pour parler defficacité énergétique dans le secteur industriel et surtout dans le transport. Mais cela nécessite une coordination avec de nombreux départements ministériels de façon à accorder nos violons. Et vous savez que ce nest pas facile de mettre tous ces gens autour dune table et de les faire travailler pour réaliser un objectif commun. Disons que je recommanderais des objectifs concrets surtout quil nest pas sûr que les gens veuillent suivre. Malgré toute la bonne volonté quon y met, il faut que la ministre de lEnergie soit puissamment appuyée par le Premier ministre pour quon impose des règles de conduite au secteur du transport et à lindustrie. Quand vous parlez avec les transporteurs, ils vous disent quils ont subi de plein fouet les hausses et quils redoutent de subir dautres hausses quils ne pourront pas répercuter sur le consommateur. Mais en France, une loi est sortie récemment stipulant quun transporteur doit répercuter les prix sur le consommateur. Or ici, pour des raisons sociales, ce nest pas possible. Alors, lefficacité énergétique reste un vu pieux qui nécessite beaucoup de volonté et dadhésion de la part des transporteurs pour moderniser la flotte et mettre à niveau le secteur. Cest pareil pour le secteur industriel dont le matériel est vétuste et doit être remplacé par des machines plus performantes. Mais encore faut-il que les industriels puissent accéder aux prêts pour mettre à niveau leurs procédés. Et que ceci entre dans leur marge de profit puisquils subissent une grande compétition. Pour résumer, je suis très dubitatif sur léconomie de 1,5 à 2,5 millions de tonnes dénergie. F. N. H. : Malgré un plaidoyer en faveur des énergies renouvelables, celles-ci sont faiblement représentées dans le bouquet énergétique marocain, à cause notamment dune fiscalité en leur défaveur. Des actions sont-elles prévues dans ce sens ? M. A. A. : Loi sur laugmentation de lautoproduction de 10 à 50 megawatts est passée devant le Conseil des ministres la semaine dernière et sera de ce fait présentée à louverture de la prochaine session parlementaire. Cest déjà une bonne chose que les industriels puissent produire leur propre énergie et pourront, en cas de solde, le revendre à lONE. Ce dernier sest engagé à racheter le surplus de cette autoproduction. Deuxièmement, il existe au Maroc un programme de 1.000 megawatts puisque les éoliennes ont suscité un réel engouement. Dans ce sens, plusieurs groupes sont présents au Maroc notamment Theolia, Nareva, la Compagnies des Vents ainsi, de nombreux intérêts se sont manifestés pour produire de lénergie à partir de léolien en raison de la qualité des vents du Maroc, aussi bien dans le Nord que dans le Sud. Le troisième point à retenir concernant les énergies renouvelables est que le ministre des Finances a été amené à faire des promesses très sérieuses pour adapter la fiscalité à ces projets. Donc, des mesures incitatives vont être prises assez rapidement et je pense notamment à la réduction de la TVA et la dispension de lIS pour un certain nombre dannées pour les entreprises du secteur. Des mesures encourageant les énergies renouvelables qui assurent une indépendance énergétique. Et je suis très optimiste puisque la ministre de lEnergie fait tout ce quelle peut pour faire aboutir ces mesures. Cest une dame de fer, quand elle veut quelque chose, elle finit par lobtenir au profit de lindustrie des énergies renouvelables. F. N. H. : Avez-vous déjà fixé les actions futures pour atténuer la dépendance énergétique dans le cadre du Fonds fraîchement créé et quel en sera léchéancier ? M. A. A. : La création dun Fonds à part qui ne va pas être dilué dans le Budget ni consommé. Mais va être affecté à des actions ciblées pour atténuer la dépendance énergétique. Cest une bonne initiative puisque cet argent sera préservé. Mais tous les détails ne sont pas encore connus sur le mode de fonctionnement de ce Fonds.