* Les femmes de ménage deviennent «monnaie rare» dans la capitale économique. Et devant les frais très élevés des agences, les familles font appel aux intermédiaires. * La ville de Taounat et le patelin de Dar El Gueddari deviennent des références en la matière. * A Rabat, la mauvaise foi des intermédiaires pose toujours des problèmes. Vie moderne oblige, travail de la femme à lextérieur et recherche de confort, sont autant de facteurs qui rendent la présence dune bonne au sein des foyers marocains indispensable. Mais trouver une aide-ménagère est une tâche bien ardue de nos jours ; les bonnes sérieuses sont devenues monnaie rare. Alors, les gens improvisent ; comme cest le cas de ce couple casablancais. Las de changer de bonnes comme on changerait de chemise, ce couple a fait appel à El Hachmi. Ce dernier est un intermédiaire de bonnes quil recrute au niveau de sa ville natale Taounat. Le fait quil y vive rassure les parents qui lui confient leurs filles pour les caser en tant que femmes de ménage à Casablanca, Marrakech et dautre villes. Mais les coordonnées dEl Hachmi ne figurent pas sur les pages jaunes, et sont transmises par le biais du bouche à oreille. Cest ainsi que lon a pu avoir son numéro de téléphone. Sa voix est précise et concise : quel âge, pour accomplir quelles tâches ménagères et quelle expérience et surtout avec quel salaire. Ce sont là les questions quil pose aux femmes à la recherche dune aide-ménagère. La chasse à la bonne, il la pratique dans cette ville paisible, dont les bonnes sont réputées sérieuses et bosseuses. Une fois la perle rare dégotée, il faudra attendre vendredi à 6 heures du matin à Hay Rmilat à Casablanca. Une vieille «estafette» Mercedes bleue transporte les jeunes candidates. Elles sont juste quatre cette fois-ci. Certaines ne sont pas à leur premier essai, dautres viennent accompagnées de leurs papas nétant pas encore majeures. Il ne fait pas nuit noire mais ce nest pas le plein jour ; les transactions se font à la lumière dun timide soleil levant. El Hachmi ne travaille pas avec des intermédiaires ni avec des agences. Il fait du B to B, pour ne pas avoir trop de soucis à gérer ; cest en fait une grande responsabilité quil assume, non pas auprès du client seulement, mais surtout auprès des familles des femmes de ménage recrutées par ses soins. «Il nest pas rare que El Hachmi fasse plusieurs allers-retours avant de dégoter le bon profil», explique un habitué venu chercher une bonne pour aider sa femme dans ses tâches ménagères. Et cest toujours El Hachmi qui négocie avec le client, les filles étant trop timides ou ne voulant pas revoir à la baisse leur prétention salariale. «Il se peut que je lui demande une bonne pour un budget de 600 DH et quil me ramène une bonne qui demande 700 ou 800 DH. En général, je prends la fille et cest ma femme qui lui fait subir un essai. Si nous estimons quelle ne mérite pas ce salaire, El Hachmi néprouve aucune difficulté ni réticence à la reprendre. Ses tarifs sont de loin moins chers que ceux dune agence», explique ce même client. Rabat, les intermédiaires font des ravages Les négociations commencent une à une, pour quau final deux bonnes trouvent preneurs, les deux autres repartiront à Touanat en attendant de nouveaux clients. Avant quelles ne rejoignent leurs clients, El Hachmi concocte un briefing avec ces jeunes filles. Il leur prodigue des conseils mais également des mises en garde pour ne pas lui créer des problèmes avec ses clients habituels chez qui elles vont travailler. Il y va de sa réputation. Autre ville, autres moeurs, à Rabat ce sont les intermédiaires qui monopolisent le marché des bonnes. Et leurs pratiques sont loin dêtre orthodoxes. Les aides-ménagères sont recrutées essentiellement au niveau de Douar Takkadoum à Rabat même ; lintermédiaire touche pour chacune une commission équivalente à un mois de salaire. De même quune commission auprès des bonnes. Mais comme le raconte une mère de famille, cadre bancaire, ces bonnes ne passent pas plus dun mois dans un même foyer. Et ce serait là la consigne de lintermédiaire qui assure ainsi une autre commission par la même bonne auprès dune autre famille. Une commission qui nest jamais remboursée si la bonne quitte le travail précocement ou si elle ne sacquitte pas bien de ses tâches. De même que ces intermédiaires changent souvent de coordonnées. Ainsi, on nest jamais sûr de les contacter si jamais la bonne commet un forfait. «Jai eu recours à un intermédiaire qui ma rapidement trouvé une bonne. Jai appris delle que lintermédiaire lavait sommée de quitter une famille chez qui elle travaillait pour venir chez moi. Il la appâtée par le fait que je suis cadre bancaire. Mais un mois plus tard, elle ma quittée aussi, alors que javais payé 1.000 DH rien que pour sa commission. Quand jai contacté lintermédiaire, il ma assuré ne pas avoir eu de ses nouvelles. Je sais pertinemment que cest lui qui la incitée à quitter son travail pour rejoindre une autre famille. «Cest de larnaque !», se plaint cette jeune femme qui a finalement trouvé une nouvelle femme de ménage venue directement de Dar El Gueddari. Ce patelin qui se trouve à quelques kilomètres de Kénitra commence à devenir la destination des femmes cherchant des bonnes. La proximité aidant, il suffit de sy déplacer et de contacter le premier gardien de voiture ou garçon de café pour quil vous recommande une bonne. Naïves, souvent analphabètes, les femmes de ménage venant de Dar El Gueddari sont réputées faibles pour les lourdes tâches ménagères, la cuisine un peu moins. Mais quimporte, notre jeune cadre bancaire sait au moins que sa maison et ses enfants sont entre de bonnes mains. Beaucoup ne peuvent le prétendre !