* Les étudiants en pharmacie et médecine sont en grève depuis plus dune semaine pour condamner loctroi de léquivalence des diplômes à des pharmaciens formés dans les pays de lEurope de lEst. * Quelque 560 équivalences ont été octroyées selon les grévistes, une information non confirmée par le ministre de lEnseignement supérieur resté injoignable. * Pour le cas de la Tunisie et du Canada, les aptitudes quil faut avoir pour exercer cette profession sont bien listées. Ce qui nest pas le cas du Maroc. Ils ne sont pas près de regagner leurs amphis et de reprendre les cours ! Cest le moins que lon puisse dire pour les étudiants des Facultés de médecine et de pharmacie du Maroc. Ils sont en grève depuis plus dune quinzaine lorsquils ont eu écho de loctroi par lautorité gouvernementale chargée de lEnseignement supérieur des équivalences à des pharmaciens diplômés des pays de lEst. Des octrois qui datent du 19 février dernier. Ce problème ne date pas dhier mais bel et bien de 1960, date de la sortie du Dahir du 19 février. Ce Dahir avait omis de consacrer le diplôme national en titre de référence car, à lépoque, la Faculté de médecine et de pharmacie nétait pas encore créée au Maroc. Faisant perdurer une situation de flou qui sest accentuée vers la fin des années 80 qui ont connu un important afflux de diplômés venant des pays de lEurope de lEst. Et ce nest quen 2002 que la loi 34-99 stipulant léquivalence verra le jour, mais il faut attendre près de cinq ans pour la voir appliquée en janvier 2006. Et cest Kamal Belhaj, à lépoque Président de la Fédération nationale des pharmaciens, qui porte les revendications des professionnels devant le ministre de la Santé du gouvernement dAbderrahman El Youssoufi. Ladministration avait marqué beaucoup de retard pour se décider, et cette attitude na fait que compliquer davantage le problème de léquivalence. Aujourdhui, toute évaluation pour loctroi déquivalence devrait être minutieusement préparée et prendre en considération les difficultés de langue des diplômés de lEst. Le ministère et les diplômés concernés devraient réfléchir ensemble aux solutions en y impliquant les professionnels du secteur. «Tous les pharmaciens des pays de lEst, notamment de la Russie, ne sont pas des tricheurs, il y a des gens honnêtes qui nous ont soutenus et ont condamné les abus. Mais cela nempêche que beaucoup de diplômés qui nous viennent de ces pays ne sont pas aussi qualifiés que les pharmaciens formés au Maroc. Et nous avions défendu loption détablir des stages et de valider le cursus. Cette option a été jugée louable de la part des professionnels du secteur», explique Kamal Belhaj. Et dajouter : «Au Canada par exemple, tout pharmacien doit être en mesure dassurer une défibrillation cardiaque ; au Maroc, il faut instaurer des critères à même de sauvegarder la santé publique». De son côté, Anas Benjelloun, pharmacien diplômé de Tunisie, estime quil ne faut pas se voiler la face pour ne pas parler directement des diplômes émanant de la Russie qui posent sérieusement problème. «Les diplômes de pharmacie de la Tunisie et du Sénégal sont reconnus au niveau de la France, donc la validation du cursus est plus évidente. Pour lexemple de la Tunisie que je connais bien, même un diplômé de France est obligé de subir une validation de son cursus par six mois de stage et un examen pour décider de loctroi ou pas de léquivalence. Pour les diplômés dAlgérie, ils sont contraints de passer deux ans de stage et subir un examen pour décrocher leur équivalence et pouvoir exercer en Tunisie. Ce pays a répertorié les aptitudes que doit avoir un pharmacien pour répondre aux besoins de la population pour assurer la transparence de loctroi des équivalences», souligne Anas Benjelloun. Il ajoute : « Maintenant pour être clair et mettre un terme à toute polémique, lautorité gouvernementale en charge de loctroi des équivalences doit communiquer sur la liste des matières quil faut avoir obligatoirement étudiées pour pouvoir exercer au Maroc pour que les équivalences se fassent en toute transparence». Du côté des grévistes, un autre problème plus grave est soulevé. Celui du niveau des études, surtout de pouvoir y accéder sans avoir même obtenu un Bac. «Nous savons pertinemment que certains élèves accèdent à des universités de médecine et de pharmacie et de bien dautres disciplines en Russie et autres sans même détenir leur Bac, ce qui est en soi un grave problème. Le ministère na, à ce jour, ouvert avec nous aucune voie de dialogue, de même que nous navons absolument aucune idée des critères sur la base desquels plus de 560 équivalences ont été délivrées», assure cette source. Contacté par nos soins pour sassurer du nombre exact des équivalences octroyées, le téléphone de M. Khechichen, le ministre de lEducation nationale, de lEnseignement supérieur et de la recherche scientifique sonnera à linfini sans jamais avoir de réponse. Mais en décortiquant le décret N° 2-01-333 du 28 Rabii 1422(21 juin 2001) relatif aux conditions et à la procédure de loctroi des équivalences des diplômes de lenseignement, larticle 1er de ce décret stipule que lautorité gouvernementale chargée de lEnseignement supérieur est seule habilitée à prononcer léquivalence entre tous grades universitaires, titres, diplômes, attestations ou certificats de scolarité sanctionnant des études supérieures. Mais ces équivalences ne sont prononcées par arrêté de lautorité quaprès avis de lune des commissions sectorielles ou de la commission supérieure des équivalences de diplômes qui est en charge de définir les critères dévaluation. Justement, pour le cas du diplôme de pharmacien, aucun critère nest connu de la profession. Cela dit, ces commissions sont assistées dans leur travail dévaluation par des experts relevant de différents domaines appartenant aux différents établissements denseignement supérieur. Le cas échéant, si les équivalences récentes, qui ont soulevé tant de polémiques parmi la communauté des étudiants en pharmacie, ont suivi le cheminement normal, cest certainement que des profs ou doyens des facultés de pharmacie ont pris part à ces commissions. Une information qui reste à prouver. Une chose est pourtant sûre : le corps universitaire des Facultés concernées se pencheraient actuellement sur létablissement dune liste comportant les facultés et critères dexercice de la profession au Maroc. Si proposition il y a, elle nentrera en vigueur quaprès avoir été validée par le Parlement. Autant dire que ce nest pas gagné davance. En tout cas pas pour cette année. Pour leur part, les étudiants ne veulent rien savoir et sont prêts à renforcer leur mouvement de revendication et même à ester en justice.