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Khalil Hachimi Idrissi, la passion jusqu’au bout
Publié dans Finances news le 06 - 03 - 2008

«Au Maroc, on se cache pour aimer», explique, la cinquantaine bien installée, Khalil Hachimi Idrissi, le Directeur de la publication et de la rédaction d’Aujourd’hui le Maroc en évoquant ses passions. Notamment, pour les voitures. Lui, en général, ne se cache pas pour déclarer sa «flamme» pour l’automobile, le design, les arts, les idées, la culture…
Et il est amoureux de sa ville natale, Casablanca. «Cette ville est la dernière frontière, c’est la côte ouest, la Californie du Maroc. Elle réunit tous les talents et toutes les ambitions. Elle donne cet avantage de vivre ses rêves et de réaliser ses projets -les plus fous- et, surtout, elle assure l’anonymat comme toutes les grandes métropoles internationales». Son enfance, à la fin des années cinquante, se déroule paisiblement au quartier mythique de la ville, les Habous. Il en garde encore en mémoire des traces vives, des sons, des lumières et des fragrances. Famille nombreuse, famille heureuse, Khalil Hachimi Idrissi se souvient d’une famille liée et d’une fraternité à toute épreuve. Avec pour arrière-plan une époque agréable d’insouciance, de souvenir de vie facile. Un Maroc libéré, libéral, qui se construisait sur des valeurs d’émancipation et de modernité. «Je pense qu’on vivait dans une société où la conflictualité était très faible, le pays plus paisible». Et il s’est particulièrement imbibé du personnage de son père. «Mon père était fonctionnaire à la RTM, il était d’ailleurs parmi les pionniers, les premiers à avoir intégré la RTM en 1957». La radio a bercé son enfance ; il garde même en mémoire des images, l’odeur des studios de la place des Nations Unies juste derrière le théâtre qui, «tous les deux n’existent plus». Un studio que lui a fait visiter son père alors que Khalil Hachimi Idrissi devait avoir l’âge de 6 ans. Cette ambiance l’a marqué à tel point qu’intégrer le monde des médias semblait être une évidence.
«La radio était un média mûr et efficace à l’époque. Elle exprimait d’une manière formidable la vie culturelle et artistique du pays. Nous étions en contact permanent avec l’information, les artistes et tout ce qui se passait au Maroc». Pas étonnant que le choix de son prénom (Khalil) se soit retrouvé sublimé dans une chanson de la diva libanaise, Asmahane. Enfant, il fait ses études à la mission française et décroche un Bac en philo et lettres. «J’étais un assez bon élève et assez bon sportif». Il a accordé d’ailleurs une grande importance à ancrer la lecture et le sport dans l’éducation de ses enfants : «Comment peut-on éduquer des enfants s’il ne sont pas intéressés très tôt par le monde du sport». Son sport favori est la balle ovale ; oui, il a joué longtemps au rugby avec ses camarades, constituant un cercle fermé où les adversaires partagent leur repas juste après s’être confrontés sur la pelouse. Un sport fait d’amitié durable, d’élégance et de sens de la dignité. «C’est un sport de voyou, joué par des gentlemen. Ainsi, c’est un sport qui inculque des valeurs particulières, notamment la ténacité et le fair play». Pour lui, il ne s’agit pas d’un passé sublimé, mais l’idée qui peut paraître contradictoire est que le Maroc de l’époque était, paradoxalement plus moderne, plus «laïc» et plus libre qu’aujourd’hui. Dans ce sens où la ville de Casablanca, que notre personnage porte dans son cœur, était plus urbaine. «Elle est à l’origine de l’urbanisation du Maroc, par son grand patrimoine Art Déco reconnu mondialement. Maintenant, c’est une ville qui se ruralise et où le conservatisme est rampant. Elle est devenue régressive, polluée et énervée». Khalil Hachimi est également nostalgique du temps où les gens se souciaient les uns des autres, des valeurs qu’il a essayé de transmettre au mieux à ses enfants. «Aujourd’hui, cette capacité de se mettre à la place de l’autre est devenue quasi nulle». Enfance heureuse, insouciante, les choses deviennent néanmoins plus sérieuses pour Khalil après l’obtention de son Bac. Il décide de partir en France pour ses études, pour y rester près de deux décennies. «Tout finit par glisser sans avoir à décider». La vie parisienne le subjugue. Une ouverture sur un nouveau monde qui lui fait découvrir sa propre identité. «C’est dans la différence que tu commences à connaître ta propre identité, ce que c’est que d’être Marocain, Arabe et Musulman. De même que cette ville est un grand carrefour des idées et de la culture. J’ai appris ce que c’est que la liberté mais aussi d’être responsable de sa vie». Il a découvert une autre société. Cette nouvelle expérience, cette nouvelle vie, disons, lui apprendra à relativiser toute chose. «On n’est plus dans l’absolu, dans l’Orient». Ses études en sciences humaines le passionnent. Il décroche un diplôme de 3ème Cycle à l’Université Paris I à l’Institut de géographie de la rue Saint-Jacques. Avide de savoir, il suivra d’autres formations, et démarrera sa vie professionnelle sur place. Mais son épanouissement, il le trouve dans la vie active et dans une vie communautaire intense, dans une société de débat de laquelle il fait désormais partie. Il est vite rattrapé par ses passions d’enfance. Les médias l’attirent et il s’engage ainsi dans la vie médiatique et culturelle de la cité. Il devient de plus en plus impliqué et visible par son engagement. «Dans les années 81, nous avons vécu l’alternance en France. Nous étions dans les premières lignes». Ces premières lignes qu’il ne quittera plus désormais, décidé à traquer l’info là où elle se trouve, à monter des médias, et agir dans le domaine de l’information, de la culture. Et toujours par glissement, il retourne au Maroc au début des années 90. Sans vraiment l’avoir décidé et sans vraiment résister à la tentation du pays. «C’était une période où le Maroc s’éveillait et sortait d’une espèce de glaciation ; il s’y passait des choses et je me suis retrouvé en train de participer à cette évolution. Naturellement.». Il arrive donc avec son expérience et son vécu. Il se retrouve rapidement en avant poste. «Politiquement, on est plus construit et on n’est plus un enfant de chœur». Il avait rencontré Mohamed Selhami par le biais de Chakib Laroussi qui avait fait du bureau de la MAP à Paris, un lieu riche et fécond pendant plusieurs années. Un ami très proche. «Selhami et moi avions le même langage professionnel ou la même syntaxe du métier. Nous avons donné à Maroc Hebdo sa vitesse de croisière et une place de choix dans le paysage médiatique marocain. C’était une expérience formidable et nous avons participé à la création de la presse indépendante. Je suis parmi les rares personnes à bien connaître cet homme sur le plan du métier, il a apporté beaucoup à ce secteur. Il devrait avoir une case qui correspond à son mérite».
S’il se défend d’être un dur à cuire, il reconnaît néanmoins être quelqu’un qui sait mener les combats et les finir quand il le faut ; ses idées, ses équipes et ses principes, il les défend jusqu’au bout sans être intimidé. Et Dieu sait qu’à l’époque, être journaliste n’était pas une mince affaire. Il fallait savoir manier la subtilité, contourner la censure.
«On pouvait nous faire un procès d’intention sur la respiration qu’imposait une phrase. La vie n’était pas rose tous les jours». Khalil Hachimi pouvait se contenter de ce qu’il avait, mais il voulait apporter un plus à la presse, notamment quotidienne, et c’est ainsi qu’il lance Aujourd’hui le Maroc. «Au Maroc, on semble dire que le misérabilisme est gage d’honnêteté, que la pauvreté rime avec vertu, que l’hypocrisie, c’est du savoir-vivre. C’est de la démagogie !». Pour lui, il y a une fierté dans ce métier, il faut défendre une image collective. Elu depuis peu à la tête de la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux, Khalil est conscient du rôle que doit jouer la presse «C’est un secteur économique important qui emploie 35.000 salariés. Les entreprises de presse ont fait preuve de transparence, de leur volonté de mise à niveau en investissant quelquefois avec beaucoup de risques dans le secteur. La presse est un partenaire inévitable et incontournable de la démocratie et contribue de manière incontestable à l’évolution de la société. Nous ne devons pas souffrir comme nous souffrons aujourd’hui». Il fait référence au manque de ressources humaines, mais accorde de l’importance à valoriser le métier et à bien considérer les journalistes.
Khalil n’aime pas l’amateurisme et estime également qu’un journaliste doit avoir de l’humilité dans l’exercice de son métier. «La prise de parole exige une maîtrise du métier. Le journaliste doit toujours se poser la question : qu’est-ce que j’ai comme pertinence pour écrire, m’adresser aux gens, aux lecteurs ? La prise de parole doit participer à animer le débat d’une manière utile et constructive, sinon ce n’est que bavardage». Pour lui, le journaliste doit s’astreindre à une forme d’exemplarité sans s’ériger en donneur de leçon.
Exigeant, Khalil a appris à calmer ses ardeurs, mais quand il est en colère, ça lui prend environ 2 jours pour se calmer. Il se moque pas mal du qu’en dira-t-on ou qu’en pensera-t-on ; pour lui, l’important est que son discours soit au diapason de son engagement ! «Ma vie me ressemble, j’ai donné et reçu des choses formidables, mais je n’ai jamais rien eu gratuitement». Il n’a jamais cru au hasard mais au travail, à l’effort et à la ténacité, en s’imposant une logique d’excellence !


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