Les professionnels du crédit à la consommation sont dans l'expectative depuis que Bank Al-Maghrib a annoncé la baisse, à partir du 1er octobre prochain, du Taux Effectif Global (TEG) à 15,63%. Visiblement, ils ne s'attendaient pas à une telle douche froi La cause est entendue ! Le TEG passera de 17,83 à 15,63% pour la période du 1er octobre 1999 au 31 mars 2000. La nouvelle est tombée officiellement la semaine dernière par un communiqué de Bank Al-Maghrib. Cette baisse était somme toute prévisible, d'autant que lors de la dernière session du Conseil National de la Monnaie et de l'Epargne (CNME) tenue en mai 1999, M. Mohamed Sekkat, Gouverneur de Bank Al-Maghrib, l'avait signifiée en des termes transparents : "... Les autorités monétaires estiment que les taux actuellement appliqués par les sociétés de crédit à la consommation demeurent à des niveaux élevés. Cette mesure a fait l'objet d'une concertation entre les autorités monétaires et l'Association Professionnelle des Sociétés de Financement (APSF)... elle n'affectera pas, outre mesure, le compte d'exploitation des établissements de crédit concernés dont la rentabilité des fonds propres est, au demeurant, appréciable." Pourtant, les professionnels ne semblent pas être de cet avis, loin s'en faut. Ils ruminent plutôt leur mécontentement face à cette initiative de Bank Al-Maghrib. Déjà, estiment-ils, " à 17,83%, la situation était vraiment limite ; de plus, une précédente étude réalisée par un cabinet spécialisé avait, en effet, démontré que le TEG ne devrait pas être en dessous de 18%. Alors, avec une baisse de cette amplitude, il ne faut pas se voiler la face, ce sera la catastrophe, d'autant que nos coûts de refinancement auprès des banques restent inchangés ". Il est donc manifeste que les opérateurs du secteur sont aux abois. Si, pour les banquiers, la parade, devant la baisse successive des taux d'intérêt, a été de développer des métiers rémunérés par des commissions, tel n'est pas le cas pour les sociétés de crédit qui voient de plus en plus leur marge d'intermédiation s'évaporer avec cette régression continuelle du TEG. Et on peut d'emblée soutenir qu'avec un taux de 15,63%, les sociétés de financement reverront en profondeur, d'une part leur politique d'octroi de crédits et d'autre part, seront appelés à faire davantage de provisions. Cette dernière mesure, on s'en doute, ne manquera pas d'avoir un impact sur leurs résultats, ce qui provoquera certainement des réactions négatives sur le marché boursier. Déjà, comme le soulignent les analystes de Wafa Bourse, " le secteur affiche une mauvaise performance boursière depuis le début de l'année, souffrant des révisions à la baisse des perspectives bénéficiaires des sociétés de crédit à la consommation : l'indice du secteur a perdu 15,2%, soit une contre-performance de 13,5% ". Vu sous cet angle, on peut s'imaginer, dès lors, que les professionnels, qui se refusent pour l'heure à tout commentaire officiel, ne tarderont pas, via notamment l'APSF, à faire entendre leur voix. Eqdom, Sofac, Crédor et les autres... Le secteur du crédit à la consommation est déjà crédité d'une mauvaise performance boursière depuis le début de l'année, même si les sociétés inscrites à la cote présentent dans l'ensemble de bonnes dispositions financières. La nouvelle baisse du Taux Effectif Global n'est pas pour arranger les choses. La place casablancaise a-t-elle déjà commencé à réagir à l'annonce faisant état de la baisse du TEG ? Si pour l'instant on ne peut répondre avec certitude à cette interrogation, on peut néanmoins témoigner d'une chose : c'est que le secteur du crédit à la consommation, qui a déjà accusé une contre-performance relative de 13,5% depuis le début de l'année, n'affiche aucun signe de reprise. Bien au contraire, l'observation de quelques statistiques montre plutôt une tendance régressive. Ainsi, entre le 14 et le 20 septembre courant, le titre Crédor a subi une contre-performance de 0,6% à 795 DH, tandis que Diac Salaf a enregistré une régression de 1,15% à 514 DH. Durant cette même période, le titre Eqdom, avec 43,5% de la capitalisation boursière du secteur, a accusé une nette régression de 2,58% à 1.130 DH, soit une perte de 30 DH. Pourtant, force est de constater que ces sociétés présentent tout de même des fondamentaux appréciables. L'étude réalisée par Wafa Bourse révèle ainsi que Crédor affiche une bonne rentabilité financière, même si le ROE (rendement des fonds propres) évolue à la baisse, passant de 33,1 à 24% entre 1995 et 1998. D'autre part, la société a pu obtenir en 1998 un taux de refinancement assez bas (8,9%) après avoir émis des obligations cotées en janvier de la même année au taux de 8,60% et amélioré son ratio dotations aux provisions / encours moyen qui est passé de 3% en 1997 à 2,6% en 1998. En ce qui concerne Diac Salaf, le ROE très élevé s'établit à 26,7% à fin 1998, " expliqué par la croissance bénéficiaire importante de la société et par la base de fonds propres qui se situe à un niveau plus faible que ses concurrents ". Pour Eqdom, qui s'est adjugée l'année dernière le fauteuil de leader sur le marché du crédit à la consommation, la rentabilité des fonds propres se situe également à un niveau élevé, conjuguée à une politique de provisionnement assez soutenue. Il ressort ainsi, en conclusion de cette étude, que Crédor présente un niveau de P/B 99E (cours rapporté aux capitaux propres par action) supérieur de 32% à celui du secteur en général et un PER 99E supérieur de 5% au PER du secteur ; Diac Salaf a un PER 99E de 13,5 légèrement inférieur à la moyenne du secteur que les analystes estiment injustifié, tandis que Eqdom et Sofac renferment respectivement un potentiel d'appréciation de près de 12% et 13%. Néanmoins, il est clair que la tendance actuelle des cours de ces titres ne reflète guère leur potentiel de croissance. Et la baisse du TEG, si le marché l'intègre pour autant, ne fera qu'enfoncer davantage le clou de la suspicion. En tout cas, en attendant une réaction officielle des professionnels du secteur, gardons un il vigilant sur la performance des titres des sociétés de crédit inscrites à la cote.