* Le secteur de loffshoring a connu une croissance hors pair durant les sept dernières années. Une tendance qui ne risque pas de sestomper de sitôt. * Seul hic : la raréfaction des ressources qualifiées. * Quoique plus cher par rapport à ses concurrents, le Maroc reste quand même le numéro un de la région. * Youssef Chraïbi, Directeur général dOutsourcia, acteur très actif du secteur, nous en parle de vive voix. Finances News Hebdo : À près cinq années dexistence, comment évaluez-vous votre expérience? Youssef Chraïbi : Nous sommes dans un secteur qui est relativement récent, 7 ans dexistence. La majorité des centres dappel se sont implantés au début des années 2.000. On a vécu une phase de croissance très importante puisquon est passé de 5.000 à 25.000 positions en 7 ans. Aujourdhui, on considère que le Maroc représente plus de 50% du marché de loffshore francophone, suivi par la Tunisie, le Sénégal et lÎle Maurice. Un nouveau projet sur deux qui soriente vers loffshore atterrit au Maroc. Étant donné quon a commencé tôt, on a pu à avoir un bon nombre de secteurs dactivité qui sont représentés, et cest vrai que les donneurs dordre vont avoir tendance à privilégier des bassins demploi plus expérimentés. Il y a des prestataires qui ont commencé à avoir des références, et qui vont aller au-delà du simple métier de la relation client. On a pu constituer chez Outsourcia, par exemple, des pôles dexpertise par métier, que ce soit dans la vente à distance, les télécoms ou le commerce. On apporte ainsi une expertise supplémentaire qui va au-delà de notre simple métier de base qui consiste à prendre des appels. Par rapport au marché, on sent quon est encore dans une phase de croissance importante. On ne peut pas encore parler aujourdhui de phase de maturité. Néanmoins, quelques grands prestataires semblent émerger. Et on estime que dans cette population (environ 200 centres dappel), il y en a seulement 10 qui ont plus de 200 positions. On est donc sur un marché qui reste très concentré avec des populations très distinctes. On a dun côté les outsourcers, ces gros acteurs qui vont prendre en charge tout ou partie de la relation client de leurs clients. Cest donc une véritable logique dexternalisation de certains métiers que lon va distinguer en fait des sociétés de télémarketing qui travaillent elles, sur des opérations de prospection ou de télévente et qui ne nécessitent pas forcément une taille très importante. Le marché est donc en train de se structurer au niveau de loffre. Les dix plus gros acteurs représentent plus de 80% du chiffre daffaires du marché. F. N. H : Vous en faites partie? Y.C : On en fait partie en termes de marché ciblé et de type de donneur dordre et de métier, puisquon est plus un outsourcer quun opérateur de télémarketing. On garde une taille relativement petite puisquon parle de 250 positions alors que certains acteurs ont dépassé les 2.000. On a une clientèle exclusivement constituée de grands comptes sur des prestations à forte valeur ajoutée dans trois métiers que sont les centres de contact, le BPO (externalisation de processus métier), et linformatique. Sur ce dernier volet, à titre dexemple, on a une équipe de 35 ingénieurs qui travaillent sur des problématiques très pointues en termes de développement Java, Php On arrive à être présent sur les trois grands métiers de loffshoring. Mais bien entendu, avec une position et une taille plus importante sur notre métier de base qui est le centre de contact. Nos deux autres métiers sont encore plus récents et les donneurs dordre sont encore en train de tester la démarche avant de généraliser. F. N. H : Vous estimez donc que pour avoir une taille critique dans le secteur, il faut avoir au minimum 200 positions. Sagit il dun seuil de rentabilité? Y.C : Effectivement. Cest un seuil qui fait quà moins de 200 positions, on peut être considéré comme plus fragile. Et cest aussi un seuil qui vous permet dêtre interrogé dans le cadre dappels doffres internationaux. F. N. H : Quels sont les avantages du Maroc par rapport aux autres pays? Y.C : Sa position de pionnier dans le domaine. Les donneurs dordre vont rechercher des prestataires expérimentés même sils sont plus chers. Le Maroc est certes plus cher que la Tunisie, le Sénégal, LÎle Maurice Mais on a quand même la position de numéro un. Cela montre que tout nest pas guidé par une logique de prix, mais quil y a une véritable recherche de ressources expérimentées et doutsourcers de qualité. Cest lié à lâge du secteur, à lexpérience du bassin de lemploi, à lémergence dune connaissance de certains métiers et à la proximité culturelle et géographique. On nest donc pas la destination la moins chère, mais on est quand même numéro un. F. N. H : Comptez-vous vous installer à Casa Near Shore Park? Y.C : On va être effectivement présent là-bas à partir du mois de juin. On sera présent dans les premiers lots et on va y héberger nos activités de BPO et dIT. Pour lactivité de centre de contact, on préfère la laisser concentrée au centre ville pour des raisons notamment de gestion de ressources. F. N. H : Vous voulez donc bénéficier des avantages quoffre ce programme Y.C : On en bénéficie déjà puisquon a déjà signé notre présence sur Casa shore. On est déjà éligible et on bénéficie dès à présent de lensemble des avantages, même si on nest pas présent physiquement sur place. F. N. H : Comment qualifiez-vous ces avantages ? Y.C : Très intéressants. Ce qui nous intéresse surtout, au delà des avantages fiscaux qui existaient de toute façon pour toutes les sociétés exportatrice (exonération de lIS pour 5 ans), cest la subvention de notre plan de formation à des niveaux qui peuvent atteindre les 100%. Ça nous a permis de mettre en place des programmes de formation très ambitieux pour tous nos salariés avec un objectif datteindre le minimum de 100 heures par an et par employé avec un programme qui est très complet. F. N. H : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez aujourdhui dans ce métier ? Y.C : Il y a surtout le problème de la raréfaction des ressources qualifiées. On se retrouve avec une part non négligeable de nouvelles recrues chez nous qui sont issues danciens centres. Ce qui montre que même si le bassin de lemploi augmente de façon globale, la part du turn over est importante aussi. Le secteur commence à souffrir dun début de raréfaction des ressources bien que les acteurs de plus grande taille vont avoir une politique salariale agressive à même de retenir leur ressources et attirer les meilleurs éléments. Cest vrai que cest une chose qui nous empêche de nous développer aujourdhui, mais cest quelque chose quil faut observer de près. Dailleurs, on a sensibilisé à plusieurs reprises les organismes publics concernés pour montrer quil faut absolument être pro-actif et commencer à constituer dès à présent le vivier de ressources qui sera sur le marché de lemploi demain. F. N. H : Les salaires augmentent alors Cela ne risque-t-il pas de compromettre la compétitivité Maroc ? Y.C : Il y a eu des augmentations mais qui ne sont pas massives. On reste de toute façon à des niveaux largement intéressants par rapport à ce qui se pratique en Europe. On nest pas près de rattraper le niveau européen, quoi quil arrive. Et de toute façon, comme on a un positionnement orienté haut de gamme, on nest pas dans une logique de baisse des prix aujourdhui. F. N. H : Vous faites combien de chiffre daffaires ? Y.C : On a une croissance annuelle supérieure à 70%. Cette année, on devrait atteindre les 35 millions de dirhams de chiffre daffaires. F. N. H : Pour un bénéfice net de Y.C : Pour un bénéfice net quon ne communique pas aujourdhui. F. N. H : Vous êtes bénéficiaire? Y.C : On létait depuis le démarrage, puisquon se finance par notre croissance. Cest un secteur qui permet de dégager des marges intéressantes pourvu quon travaille pour des clients sérieux avec des durées de contrat suffisamment longues. F. N. H : Cette tendance ne risque-t-elle pas de sestomper de sitôt ? Y.C : Il est clair que la croissance sera moins rapide les prochaines années, mais elle continuera normalement à être importante. Le marché a encore des très beaux jours devant lui. Loutsourcing, de manière générale en France, qui est notre principale cible, ne représente que 10% de lactivité globale et ça pourrait représenter facilement 30% dici 10 ans. Le marché devra donc tripler en terme de part relative, sans parler de laugmentation absolue du marché. On est encore dans un secteur très porteur, mais qui va avoir naturellement tendance à bénéficier aux acteurs les plus importants et à être de plus en plus difficile pour les nouveaux entrants. F. N. H : Peut-on sattendre alors à des mouvements de fusions-acquisitions dans le secteur ? Y.C : Il y a effectivement un mouvement de consolidation à léchelle globale dans le métier qui peut avoir des répercussions sur le plan local. Exemple : certaines multinationales, qui sont présentes au Maroc, ont fusionné à léchelle internationale, et ces fusions ont impacté leurs filiales au Maroc où il y aura aussi certainement des acteurs locaux qui vont commencer à émerger. On verra certainement une consolidation du secteur. Les gros vont continuer à grossir plus rapidement que les petits, que ce soit en croissance interne ou externe. F. N. H : Il y a certains mouvements en France qui militent pour limiter le mouvement de délocalisation de lemploi. Lexemple de la résistance acharnée qua connue AXA Assurance, qui voulait délocaliser 15.000 emplois au Maroc, est très parlant Ne pensez-vous pas que cela puisse menacer le développement du secteur au Maroc? Y.C : Il y a une volonté, effectivement, des pouvoirs français de limiter le mouvement des délocalisations. Mais aujourdhui on voit bien que ce type de mouvements se fait en dehors de toute décision politique. Cest une tendance lourde et incontournable. Loutsorcing existe depuis plusieurs années dans dautres secteurs Je ne vois pas pourquoi ce service sera une exception. Ça peut agir peut-être et de manière ponctuelle pour certains grands groupes visibles avec des intérêts publics importants, mais de manière générale, le secteur continuera à faire appel à des prestataires étrangers. Il faut savoir aussi que, contrairement à ce que lon pense, ce mouvement na pas du tout une conséquence de détruire des emplois en France. Cest un secteur qui reste un créateur demplois nets. Tous les ans, il y a plus demploi créés que demplois détruits à cause des délocalisations. Ça reste un secteur porteur en France également. Il est clair que dans cette croissance, il y a une part qui va vers loffshore, mais cela ne veut pas dire que le métier va disparaître en France, comme il n a pas disparu aux États-Unis, qui ont été plus en avance avec le mouvement dexternalisation en Inde. F. N. H : Ne comptez-vouspas vous attaquer à des marchés autres que la France ? Y.C : On a commencé à le faire, puisquau jourdhui on gère six langues différentes pour le compte de clients européens. Cest vrai que les langues les plus naturelles sont le français et lespagnol, mais il arrive aussi que nos clients nous demandent de traiter des opération en néerlandais, en italien ou en allemand. F. N. H : Vous arrivez à trouver facilement les ressources humaines Y.C : Pour linstant oui, puisquon na pas des besoins de volume très importans. Pour des besoins faibles, cest très gérable. On a, par exemple, pour Attijariwafa bank, une cellule multilingue essentiellement constituée de MRE qui sont revenus au Maroc. On arrive à offrir des prestations qui sadressent à tous les MRE, soit en arabe, soit dans leurs langues dadoption (allemand, néerlandais, français, espagnol ). Cétait une grande première et ça a été très apprécié par la clientèle MRE dAttijariwafa bank.