Tchin-tchin, porter un toast, santé, à la vôtre Voilà des mots et expressions parmi les plus usités par la communauté des «buveurs» quand il s'agit de trinquer. Il semble cependant qu'il y ait un intrus qui s'est glissé dans ce rituel. Il paraît, en effet, pour le moins incongru de faire volontairement une association entre l'alcool et la santé. Mais comment faut-il l'interpréter ? A priori, le non-dit qui sous-tend «santé», au moment des chocs chatoyants des verres, est un ensemble de vux formulés à l'égard de ceux qui trinquent, dans l'espoir, bien entendu, de se retrouver encore en très bonne santé pour trinquer de nouveau. Mais voilà, dès lors que les «santé» et les «tchin» sont multipliés de façon anarchique, l'on tombe dans les libations et cela produit fatalement l'effet inverse : ivresse collective, gueule de bois et maux de tête au réveil. D'où peut-être l'utilité, en portant un toast (sans toutefois oublier de se regarder dans les yeux), de ne pas faire l'économie des mots en disant simplement «santé», mais plutôt en martelant bien à l'intention des picoleurs invétérés : «abus dangereux pour votre santé». Comme on le mentionne si bien d'ailleurs sur les paquets de cigarettes. Cela empêchera-t-il néanmoins l'excès ? Pas sûr. Car, même avec des têtes de mort bien mises en évidence sur les paquets de clopes, les gens continuent de fumer de plus belle. Pourtant, autant l'alcool que le tabac réunissent tous les ingrédients pour être bannis de notre consommation quotidienne. En effet, abstraction faite de l'extrême (cirrhose, cancer des poumons), il y a une multitude de petites choses, apparemment anodines, que l'on occulte volontairement; et pourtant Le buveur dépense beaucoup d'argent en alcool, pue de la gueule (excusez du terme !) et devient tout ridicule quand il a un verre de trop dans le nez. Le fumeur brûle son pognon, dégage mauvaise haleine, mais surtout reste très égoïste : non content de s'autodétruire, il enfume les autres pour ne pas être le seul à subir les conséquences de ses actes. Imaginez dès lors qu'un individu fume et boive ! Fumeurs et buveurs ont par ailleurs d'autres points communs : - le buveur dira : «je bois pour noyer mes soucis dans l'alcool». C'est en effet une solution comme une autre sauf que les soucis savent nager et seront bien là, la lucidité revenue; - le fumeur enfumera les autres d'autant plus qu'il sera stressé; - souvent, lorsqu'ils parlent, leurs vis-à-vis ont tendance à suspendre leur respiration (ce qui ne semble pas les déranger outre mesure); Mais sans aucun doute, et il faut leur tirer chapeau, les points forts des fumeurs et buveurs sont leur excès de générosité (chose dont peu de gens peuvent se glorifier dans ce monde d'aujourd'hui) : le fumeur te donnera toujours une clope même si tu crachais tes poumons, au moment où ton compagnon de bouteille te proposera toujours un dernier verre pour la route même si tu ne tiens pas debout. Beaux exemples de solidarité dans le processus d'autodestruction (sic !). C'est dire que l'interdit et toutes ces choses nocives de la vie ont une saveur particulière que seuls savent apprécier ceux qui en goûtent.