Hier c'était le 8 mars, Journée internationale de la femme, une journée de célébration des droits des femmes, de bilans de luttes menées et à mener encore. Le 8 mars se veut également une journée d'action, de sensibilisation et de mobilisation partout dans le monde. Les années passent et repassent et les femmes sont toujours confrontées au même combat, à savoir l'égalité entre les deux sexes, entre ellesmêmes et entre les femmes et la société. Sans faire dans le déni, il faut rendre à César ce qui appartient à César : le Maroc est signataire de plusieurs conventions des Nations unies relatives à la lutte contre les discriminations. Il a ratifié la plupart des instruments internationaux qui contribuent à promouvoir le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est dire que nous sommes engagés politiquement et moralement dans le processus de concrétisation des droits des femmes. Mais quid de la réalité, du vécu ? Le hiatus est saisissant entre le discours et le concret. En cause, l'accès des femmes à l'égalité est somme toute limité, les violences contre les femmes sont fréquentes, l'absence d'équité salariale pour de nombreuses femmes persiste, la discrimination dans plusieurs domaines économiques, politiques et sociaux frappe aux yeux et la liste des barrières dressées devant la femme est loin d'être terminée. Il sied de rappeler que l'enthousiasme suscité par la promulgation du nouveau Code de la famille en 2004 cède la place au scepticisme. Les associations féminines et les organisations des droits de l'Homme ne manquent pas de rappeler, à ceux qui veulent les entendre, les lacunes et les défaillances dans l'application du Code et demandent la révision de certaines dispositions jugées obsolètes. Que de chemin à parcourir ! D'ailleurs, le chiffre 8 est qualifié par les militantes pour l'égalité des genres comme étant le signe infini ∞. Chaque 8 mars, cette journée nous rappelle ces femmes opprimées, tyrannisées pendant toute l'année et que nous essayons, le temps d'une journée, de réconforter par des mots doux et des slogans galvaudés lors des rencontres tenues à l'occasion. D'aucuns diront que c'est un jour de fête et qu'il faut garder le tempo et ne pas être un rabat-joie. J'aurai bien aimé arborer des réalisations, relater des histoires, savourer des chiffres, apprécier... et surtout applaudir. Mais ce serait mentir à la gente féminine en général et à soi-même en particulier. Comment faire comme si de rien n'était alors que plusieurs observateurs sont unanimes à dire que les femmes restent confinées dans des activités peu valorisantes sur le marché du travail. Comment faire comme si de rien n'était au moment où la fonction publique reste très peu féminisée et l'accès des femmes aux postes de décision comme à ceux du pouvoir reste très limité... Et surtout comment faire comme si de rien n'était au moment où des femmes sont, pour un oui ou pour un non, violentées par le conjoint, par le père et par le frère. Hommage à la femme rurale En matière de rémunération, l'inégalité entre les hommes et les femmes est un secret de polichinelle. Dans le secteur privé, les salaires des femmes sont inférieurs de 25% en moyenne à ceux des hommes. Dans le domaine de l'éducation, comme partout ailleurs, l'égalité reste confrontée à plusieurs obstacles qui réduisent l'accès des filles à la scolarisation. Des contraintes majeures persistent notamment dans le rural : pauvreté, éloignement géographique et inaccessibilité des établissements scolaires, analphabétisme des mères, mariage précoce des filles. Selon l'enquête nationale sur l'analphabétisme (MEN 2014), son taux serait de 32% (22,2% dans l'urbain et 47,7% dans le rural). Les femmes sont plus touchées par ce fléau (41,9% des femmes contre 22,1% pour les hommes) et les rurales encore davantage (55% des femmes contre 31% pour les hommes). L'inégalité des sexes est donc aussi spatiale, puisque la femme rurale souffre plus de l'analphabétisme que la citadine. Et pourtant, tous ces obstacles ne l'empêchent pas de jouer son rôle comme il se doit. Elle essaie malgré tout, affichant le sourire, de répondre aux besoins vitaux de sa famille. Dans les écrits, on peut en retenir la description suivante : «... On les voit le soir, rapportant également sur le dos de la source voisine, les énormes cruches d'eau sous le poids desquelles elles plient et qui sont destinées à assurer l'alimentation journalière de la maison...». Cet extrait de Paul Lemoine datant de 1905 reflète ce que nous méditons chaque jour : la femme étant un acteur vital pour la famille trime dans un environnement des plus hostiles. Je ne pourrai terminer cet article, certes non exhaustif, sans évoquer le cas des Soulaliyates, ces femmes des tribus qui revendiquent sans cesse leurs droits sur leurs terres. Elles dénoncent leur mise à l'écart du partage des terres collectives. Elles ne tirent aucun profit et se font expulser dans des bidonvilles, alors que leurs frères s'enrichissent. Entre nous, avez-vous osé leur souhaiter une bonne fête hier ?