L'expérience marocaine en matière d'élaboration d'une couverture contre les risques catastrophiques est riche en enseignements pour ses partenaires africains. Le dispositif pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2018. La couverture des risques liés aux évènements catastrophiques (inondations, tsunamis, séismes, terrorisme) est l'un des défis qui préoccupent le plus les assureurs du continent. «Il s'agit d'un sujet brûlant au moment où l'Afrique australe a connu sa pire sécheresse ces trente dernières années», souligne d'emblée Fatou Assah, de la Banque mondiale. Aujourd'hui, seule une poignée de pays africains est dotée d'un dispositif de cou-verture contre ces risques, et le Maroc en fait partie depuis qu'il a adopté l'été dernier une loi sur la couverture des risques catastrophiques. Bachir Baddou, Directeur général de la FMSAR, a partagé avec les conférenciers le retour d'expérience du Maroc sur la construction d'une telle loi. Et à l'en croire, ce ne fut pas de tout repos : «C'est un travail de longue haleine qui a nécessité 10 années de travaux et qui a impliqué les assureurs, le régulateur ainsi que la Société centrale de réassurance», explique-t-il. Si la genèse de cette loi a été si fastidieuse, cela est dû à la nature même des risques qu'elle est censée couvrir. «Nous sommes face à des risques très particuliers qui peuvent être de très forte inten-sité et que même un Etat ne peut couvrir à lui seul», précise Baddou. Par ailleurs, la notion de fréquence, chère aux assu-rances, est quasiment absente. «Par exemple, le dernier tsu-nami qui a touché le Maroc remonte à 1750», souligne-t-il. Et d'ajouter : «Nous avons essayé de transformer le non-assurable en assurable avec le soutien de la Banque mondiale qui a beaucoup travaillé sur la partie métrique, quantitative et géologique, et sur la fixation d'une prime d'assurance». S'est également posée la ques-tion du paiement de la prime. L'expérience a montré que le fait de rendre une assurance obligatoire n'incite pas forcé-ment les assurés à se présenter spontanément pour y souscrire. Là encore, il a fallu faire preuve d'inventivité. «Nous avons opté pour l'inclusion automatique de la couverture des risques catastrophiques sur toutes les primes émises», indique le DG de la FMSAR. En d'autres termes, à chaque fois qu'un assuré souscrira à une assu-rance de biens ou à une RC automobile, il paiera une prime supplémentaire pour la couver-ture contre les risques catas-trophiques. «Ce seront de tout petits montants», nous précise Baddou. La discussion de la notion de «péril», c'est-à-dire la défini-tion des phénomènes naturels d'intensité grave, soudains ou imprévisibles concernés par cette loi, est aussi un passage obligé. «Les périls seront définis dans une circulaire d'application. De notre côté, nous en avons déjà identifiés : les tremblements de terre, les tsunamis et les inondations», précise Bachir Baddou. Enfin, les professionnels du secteur ont aussi travaillé sur la question de plus en plus cruciale de la rétention des primes au Maroc, afin qu'une part importante des primes collectées pour la couverture des risques catastrophiques n'aille pas chez les réassu-reurs étrangers et profite à notre économie. «Nous allons mettre en place un bouclier marocain avec deux niveaux de filtre pour maximiser la rétention : la CAT (Compagnie d'assurances transport) servira de premier filtre et la SCR de second», fait-on savoir à la FMSAR. Quant au calendrier du lancement effectif de ce dispositif, le DG de la FMSAR nous apprend que la finalisation des derniers textes d'applica-tion devrait prendre encore 6 semaines. Après cela, ils seront transmis au Secrétariat général du gouvernement. Du côté de la Banque mondiale, on estime que le dispositif devrait être opérationnel à compter du 1er janvier 2018. ■ Un dispositif original Ce qui plait dans le modèle marocain, c'est son inventitvité et son originalité. Ainsi, il s'affranchit du principe que «seul les assurés sont indemnisés». Un tel dispositif n'aurait en effet pas de sens s'il mettait de côté une grande part de la population qui n'a pas encore accès aux produits d'assurance. Les concepteurs de la loi ont donc imaginé un régime mixte, avec un système assurantiel classique pour les assurés d'une part, et un fonds de solidarité (FSEC) qui servira à indemniser les populations non assurées, d'autre part. «La stratégie de financement de ce fonds est en cours d'élaboration, précise Antoine Bavadi, expert de la Banque mondiale, qui a soutenu la création de ce double dispositif à travers un programme de finan-cement de 200 millions de dollars. Autre originalité, le législateur n'a pas retenu l'appellation catastrophes naturelles (Cat. Nat. pour les initiés), car trop restrictive. «Nous avons plutôt opter pour risques catastrophiques pour y intégrer le fléau du terrorisme».